En aval de la sixième cataracte, à quelques kilomètres du Nil, sur une colline cernée de dunes de sable, s’élèvent d’étonnantes pyramides aux arêtes abruptes. Vestiges saisissants d’une civilisation méconnue : celle des rois noirs de Kouch.

Elles ont le désert pour écrin et le sable comme linceul. Elles ont subi les affres du temps mais plus encore celles d’un aventurier italien qui en décapita quelqu’une au 19ème siècle pour un trésor de bijoux, actuellement exposés à Munich et à Berlin. Elles sont les tombeaux des rois et reines de la première civilisation connue d’Afrique noire : le royaume méroïtique. Gardiennes pâles et solennelles sous la lumière zénithale du désert de Bayuda, les pyramides de Méroé flambent dès le soleil couchant.

Vue générale de la nécropole royale de Méroé.

Vue générale de la nécropole royale de Méroé.

C’est la plus belle heure pour apprécier cette nécropole qui n’a rien à envier à ses soeurs thébaines et se laisser envelopper par le silence des sables et le voyage des dunes qui changent de visage à la tombée de chaque nuit. Ici, au cœur du Soudan, les visiteurs sont rares. Seuls, quelques nomades de la tribu des Ababda foulent le site avec leurs dromadaires.

Un bédouin de cette fière et ancestrale tribu des Ababda trône sur son dromadaire.

Un bédouin de cette fière et ancestrale tribu des Ababda trône sur son dromadaire.

Ces bédouins, réputés pour leurs talents de guide de caravanes, ont de tout temps sillonné les déserts nubiens et commercé avec les habitants des villages nilotiques.

Aujourd’hui, on lève le camp !

Aujourd’hui, on lève le camp !

Naga, une ville royale dans la steppe

Située à 130 km au nord-est de Khartoum, Naga est un autre site méroïtique remarquable resté vierge jusqu’au début des travaux du musée égyptien de Berlin en 1995.

Vue générale du temple d’Amon à Naga et de l’allée des béliers.

Vue générale du temple d’Amon à Naga et de l’allée des béliers.

En arrivant près de la ville antique non encore fouillée, on découvre le grand temple d’Amon. Les inscriptions ont permis de le dater du règne du roi Natakamani, au début du 1er siècle après J. C.

Le temple d’Amon est le monument le plus important de la ville ancienne de Naga. La salle hypostyle à 8 colonnes a été dégagée des sables et restaurée par anastylose par une équipe d’archéologues allemands.

Le temple d’Amon est le monument le plus important de la ville ancienne de Naga. La salle hypostyle à 8 colonnes a été dégagée des sables et restaurée par anastylose par une équipe d’archéologues allemands.

Une allée flanquée de douze béliers conduisait au pylone du temple dont seule la porte en pierre est aujourd’hui préservée.

Le bélier est l’animal sacré d’Amon.

Le bélier est l’animal sacré d’Amon.

L’allée des béliers et leurs socles sont tous fragmentés.

L’allée des béliers et leurs socles sont tous fragmentés.

Plus bas, au bord du wadi Awatib, se trouve le petit temple d’Apédémak, le dieu à tête de lion que les Kouchites vénéraient. Il est quasi intact et constitué d’une seule salle précédée d’un pylone sur lequel on peut voir les souverains méroïtiques dans une pose victorieuse.

Temple d’Apédemak. La reine Amanitore et le roi Natakamani victorieux massacrent leurs ennemis.

Temple d’Apédemak. La reine Amanitore et le roi Natakamani victorieux massacrent leurs ennemis.

Devant le temple d’Apédémak, on remarque un monument étrange, un « kiosque » dont l’architecture traduit des influences romaines, méroïtiques et égyptiennes. Depuis la découverte d’un chapiteau sculpté à l’image de la déesse Hathor, ce sanctuaire est dorénavant appelé « chapelle d’Hathor ».

Le « kiosque » romain est un monument singulier dans tout le royaume de Méroé. Datée du 1er siècle après J. C., cette chapelle est considérée comme une encyclopédie architecturale servant à illustrer les relations entre Méroé et le bassin méditerranéen.

Le « kiosque » romain est un monument singulier dans tout le royaume de Méroé. Datée du 1er siècle après J. C., cette chapelle est considérée comme une encyclopédie architecturale servant à illustrer les relations entre Méroé et le bassin méditerranéen.

En s’enfonçant dans les steppes arides de la Butana, on croise des nomades Bisharin qui font paître leurs chèvres dans le lit d’un oued asséché. Les femmes, belles et farouches sous leurs voiles de couleurs vives, construisent des huttes éphémères d’acacia et se sauvent dès qu’un homme approche.

Les nomades Bisharin vivent en petits groupes isolés et se déplacent à dos de dromadaire.

Les nomades Bisharin vivent en petits groupes isolés et se déplacent à dos de dromadaire.

Quelques km plus loin, le sanctuaire de Mussawarat-Es-Soufra abrite un vaste ensemble d’édifices cultuels ainsi que des bâtiments dont les archéologues pensent qu’ils servaient à l’élevage d’animaux sauvages pour les chasses royales et d’éléphants dressés à l’art de la guerre, comme en témoigne un temple dit « de l’Éléphant ».

Moussawarat es-Soufra. Détail du relief du mur extérieur du temple d’Apédémak : le roi Arnékhamani et un prince, protégés par la déesse Isis, adorant le dieu lion Apédémak.

Moussawarat es-Soufra. Détail du relief du mur extérieur du temple d’Apédémak : le roi Arnékhamani et un prince, protégés par la déesse Isis, adorant le dieu lion Apédémak.

Retour par le désert. Le regard s’évade sur l’infini d’une plaine de sable ocré. Des mirages bleutés tremblent sous le frisson du vent chaud que l’on nomme samoum. Et nous nous laissons conter l’histoire merveilleuse et méconnue de ces rois au visage brûlé qui ont régné sur la Nubie et l’Egypte pendant un siècle à partir de 747 avant notre ère : les pharaons noirs.

Copyright Texte et Photos : Brigitte Postel