Merveilleux Mékong

Mékong ! « La mère des eaux » pour ses riverains. Pour en prendre la vraie mesure, embarquez sur Le RV Indochine, un bateau de charme qui navigue entre Hô-Chi-Minh-Ville (l’ex-Saigon) au Vietnam et le lac Tonlé Sap au Cambodge, au nord duquel se dressent les somptueux temples d’Angkor. Une croisière de 9 jours au rythme lent du fleuve.

A la tombée de la nuit, le Mékong devient un tableau impressionniste.A la tombée de la nuit, le Mékong devient un tableau impressionniste.

Son nom sonne tel le gong des temples bouddhistes qui bordent ses rives. Du Tibet où il naît, au Vietnam où il s’étire dans un vaste delta de neuf bras avant de se perdre en Mer de Chine, le Mékong serpente à travers 6 pays et façonne les paysages au gré des saisons et de ses crues bienfaitrices. Artère de vie qui vient combler les rivages de ses riches alluvions, le fleuve nourricier décline des paysages intemporels. Tous les dieux et les démons de l’Asie, se cachent dans les flots magiques de la « mère des rivières » dont le génie est vénéré par chaque marin qui sillonnent ses eaux. Le Naga, ce dragon-serpent, nagerait d’ailleurs dedans. Et pour tout pêcheur laotien, thaïlandais, vietnamien ou cambodgien, il est évident que le Naga est le maître des lieux.

En embarquant sur le RV Indochine à Saigon, on se rappelle Patrick Deville et ses héros aux semelles de vent ou Marguerite Duras dont toute l’œuvre est liée par ce cordon limoneux qui semble rejoindre l’horizon dès que notre navire glisse sur ses eaux. Duras et sa mère qui lui disait que « jamais de sa vie entière, elle ne reverrait des fleuves aussi beaux, aussi grands, aussi sauvages que le Mékong et ses bras ».

La rivière aux neufs dragons

Les commerces sont flottants et se déplacent de maison en maison, de bateau en bateau.Les commerces sont flottants et se déplacent de maison en maison, de bateau en bateau.

Quittant la rivière Saigon – une boucle du Mékong – par le canal Chao Gao, notre bateau file lentement vers le Delta, « jardin de la Cochinchine » à l’époque coloniale comme aujourd’hui. Véritable grenier rizicole de 40 000 km², le delta s’étire entre les neuf bras des eaux du Mékong appelé ici Song Cuu Long ou « Rivière aux neuf dragons ». Dans ce labyrinthe de canaux, de chemins d’eau et de terre, de rizières et de marais, près de 20 millions de personnes vivent, souvent chichement, toujours en symbiose avec leur maître. En dépit d’une forte exploitation agricole, une bonne partie du delta est encore restée sauvage et constitue un sanctuaire de biodiversité. Mais pour combien de temps ? La surexploitation forestière, les barrages en amont (douze projets hydroélectriques sont envisagés entre le Laos et le Cambodge), les rejets industriels sont une menace bien réelle pour ce fragile géant.

Accoudés au bastingage du RV Indochine, nous plongeons dans un univers quasi mystérieux, un territoire mouvant où les rives du fleuve s’écartent pour mieux se fondre dans les flots. La navigation est lente et nous laisse un point de vue à fleur d’eau, avec d’infinies modulations de la lumière en fonction des moments de la journée. L’eau où, le soir, se brisent les reflets d’opale des ciels nacrés. Au couchant, la terre chaude et humide exhale des senteurs de frangipaniers. On contemple les vergers luxuriants, les villages flottants ou sur pilotis qui protègent leurs habitants de la montée des eaux, les pêcheurs sur leurs sampans, les embarcations qui se croisent en tout sens. L’activité est perpétuelle pour ce peuple de l’eau très tôt levé, qui respire avec le fleuve. Commerçants dans l’âme, les Vietnamiens le sillonnent dès l’aube pour rejoindre les nombreux marchés qui le jalonnent.

Un fleuve-paysage

Au fil de la navigation, on découvre la vie simple des habitants.Au fil de la navigation, on découvre la vie simple des habitants.

Les batelières transportent leur cargaison sur des barques bondées, les femmes font la lessive sur les berges tandis que les enfants piquent une tête dans les eaux chargées de limons. Ici, la vie est un long fleuve… qui impose son rythme. À la fois nonchalant et agité, parfois fougueux lors des crues de mousson, jamais tranquille. Que la nature s’avoue bienfaitrice ou dévastatrice, toujours elle reprend ses droits. C’est pour cela que le Mékong incite au respect ceux qui le côtoient. Les pêcheurs et marchands qui naviguent quotidiennement sur son cours l’ont bien compris, eux qui, pour conjurer le sort et chasser le mauvais œil, en peignent deux gros sur leurs barques.

Des ilots de jacinthes d’eau dérivent au fil de l’eau et viennent s’agglutiner autour de notre bateau au moindre mouillage, donnant à croire que notre vaisseau s’est posé au beau milieu d’un jardin.Des ilots de jacinthes d’eau dérivent au fil de l’eau et viennent s’agglutiner autour de notre bateau au moindre mouillage, donnant à croire que notre vaisseau s’est posé au beau milieu d’un jardin.

Les jacinthes d’eau sont des plantes envahissantes qui purifient l’eau des canaux et rivières mais elles posent des problèmes aux petits bateaux qui prennent leurs hélices dans ces lianes aquatiques. À chaque fois que l’on quitte ces « mouillages verts », le second donne ses consignes à l’équipage qui manœuvre délicatement pour dégager l’hélice de ces rets.

On fait escale à My Tho, petite ville parmi les plus pauvres du delta, célèbre pour son église et son marché lacustre. Quelques bâtiments coloniaux, plutôt mal entretenus, rappellent çà et là la présence française.

La maison de l'amant de Marguerite Duras dans son roman éponyme a été classée en 2010 « site historique national » par les autorités vietnamiennes.La maison de l’amant de Marguerite Duras dans son roman éponyme a été classée en 2010 « site historique national » par les autorités vietnamiennes.

Nostalgie d’un temps qui a laissé son souvenir comme à Sa Dec, où l’on visite une des maisons de Huyn Thuy Lê, le riche marchand chinois avec qui Marguerite Duras eut une liaison, et qui devint le sujet de son roman autobiographique L’Amant.

Un quadrillage de rizières

On part sur de petits bateaux à travers les aroyos visiter Cai Be.On part sur de petits bateaux à travers les aroyos visiter Cai Be.

Les excursions quotidiennes sont l’occasion de découvrir les marchés, où les étals abondent de denrées inhabituelles pour nos palais.Les excursions quotidiennes sont l’occasion de découvrir les marchés, où les étals abondent de denrées inhabituelles pour nos palais.

Hippocampes séchés, œufs couvés de onze jours, vin de serpent, rats d’eau dépecés… On trouve à peu près tout ce qui est mangeable par des estomacs peu regardants. En flânant dans les villages, on est vite pris par la gentillesse des habitants, l’ambiance campagnarde des hameaux, l’hospitalité des pêcheurs Cham à Chau Doc. Heureusement, ni la guerre ni l’isolement n’ont détruit l’âme de ce peuple fier, courageux et accueillant.

En abordant Chau Doc, ville frontière entre le Vietnam et le Cambodge les fermes piscicoles envahissent les eaux. Située au cœur d’un gigantesque quadrillage de rizières, cette cité épouse les rives du Mékong, aussi large en ce lieu qu’une embouchure.

Palais Royal de Phnom Penh où vit la famille royale.Palais Royal de Phnom Penh où vit la famille royale.

Une pleine journée de navigation nous conduit ensuite à Phnom Penh. La capitale du Cambodge, martyrisée par les Khmers rouges, a conservé son charme français, avec son ancienne architecture coloniale et ses rues animées.

En arrivant au lac Tonlé Sap, l’effervescence disparaît. Nous traversons cette immense mer intérieure, le plus grand lac d’eau douce en Asie du Sud-Est et véritable poumon économique du Cambodge (il produit 60% des poissons du pays soit 300 000 tonnes). Pendant la mousson, les eaux du Mékong se déversent dans la rivière Tonlé Sap dont le cours se renverse, délivrant les eaux dans l’immense lac du même nom dont la superficie quadruple à cette occasion (de 2 600 à 10 000 km²). Lorsque survient la saison sèche en automne, le mouvement s’inverse. C’est alors qu’on voit affluer tous les ans, les riels (anguilles qui ont donné leur nom à la monnaie nationale cambodgienne) et c’est l’occasion pour les Cambodgiens de célébrer le cycle de la vie lors d’une importante fête nationale en novembre (noter qu’en saison sèche, la navigation sur le lac est impossible).

Le site majestueux d’Angkor

Au Ta Prohm, le végétal épouse le minéral.Au Ta Prohm, le végétal épouse le minéral.

Puis, apothéose du voyage, nous atteignons Siem Reap et le site d’Angkor où la magie de l’univers végétal et minéral imprègne les vestiges de la civilisation khmère : Angkor Vat et ses superbes bas-reliefs représentant des milliers d’apsaras, la cité royale d’Angkor Thom, vaste ensemble architectural auquel on accède par cinq portes monumentales, avec en son centre le Temple-montagne du Bayon, célèbre pour ses 172 visages de Bouddha au sourire énigmatique, ou encore le Ta Prohm dont les édifices sont envahis par les racines des banians. Sans oublier l’un des temples les plus romantiques de cette immense cité : le Benteay Srei, la « Citadelle des Femmes », dentelles de pierre recouvertes de bas-reliefs taillés dans du grès rose.

Au Bayon, temple central de l'ancienne ville d'Angkor Thom, les visages affichent des sourires énigmatiques.Au Bayon, temple central de l’ancienne ville d’Angkor Thom, les visages affichent des sourires énigmatiques.

Texte et Photos : Brigitte Postel

Y aller

CroisiEurope propose un circuit-croisière de 13 jours des temples d’Angkor au delta du Mékong. À partir de 3250 € par personne les douze jours de voyage, tout compris depuis Paris. (tél. : 0 826 101 234) et http://www.croisieurope.com/croisiere-d-exception/mekong

Extension possible à Hanoï et baie d’Along à partir de 965 € pour 4 jours.

Un bateau de style colonial

rv-indochine

Le RV Indochine, qui allie charme et confort, est équipé d’une coque métallique et recouvert en bois exotique. Il dispose de 24 cabines doubles spacieuses (16 m²) avec salle de douche et grande baie vitrée. À bord, bien-être et art de vivre sont les maîtres mots : massage, cuisine raffinée et variée, exposés d’intervenants spécialisés sur des sujets culturels et historiques, films en relation avec la destination. L’équipage, cambodgien, assure un service très attentionné. Un directeur de croisière et un commissaire de bord francophones sont les interlocuteurs privilégiés des passagers. Le pont supérieur de plein air accueille toutes les langueurs, de même que le bar. Salle à manger commune, salon fermé avec bar (prix modiques), grand écran et fauteuils confortables, air conditionné. De nombreuses visites guidées sont prévues tout au long de la navigation : visites de pagodes, de marchés, de villages, de temple… En quittant le bateau pour les excursions quotidiennes, vous n’aurez de cesse de remonter à bord pour continuer votre rêverie au fil de l’eau.