Les éditions Gallimard Voyages viennent de publier « Sur les chemins de Stevenson », un ouvrage qui invite randonneurs, baroudeurs et rêveurs à cheminer sur des itinéraires et des lieux traversés ou évoqués par Stevenson dans son œuvre. À la fois guide et récit, ce livre a été rédigé par six auteurs spécialistes de chaque région décrite. Il propose des périples détaillés, émaillés de nombreuses anecdotes historiques, culturelles ou botaniques et indique les bonnes adresses d’hébergement et de restauration.


Robert Louis Stevenson (1850 – 1894), écrivain écossais du XIXe siècle, est surtout connu pour ses romans d’aventure comme L’Île au trésor (Treasure Island), L’Étrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde (Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde) ou Voyage avec un âne dans les Cévennes (Travels with a Donkey in the Cévennes). Alchimie de diverses influences : l’aventure, la psychologie et les voyages, son œuvre a été fortement inspirée par la marche qui lui a servi d’échappatoire à une santé fragile depuis son enfance. Ses séjours dans des endroits comme les îles du Pacifique, la France et les États-Unis ont enrichi son imagination.
De ses Highlands natals aux Cévennes, d’Edimbourg à Barbizon où il va rencontrer son épouse Fanny Osbourne, à pied, à vélo ou en canoé, suivons les pas de cet écrivain fasciné par l’aventure qui a sillonné plusieurs pays et laissé une œuvre empreinte de liberté.

Le Velay

Porte du château de Monastier-sur-Gazeille. Commons/Mossot.
Porte du château de Monastier-sur-Gazeille. © Commons/Mossot.

Le livre s’ouvre sur une « Flânerie dans les Cévennes » réalisée et écrite par Coralie Grassin qui a refait avec un âne le voyage de Stevenson. Celui-ci les a traversées à pied en 1878, accompagné d’une ânesse nommée Modestine, figure centrale du roman. Ce voyage à travers la nature sauvage des Cévennes est une quête intérieure et aussi un moyen de se confronter à lui-même, à la solitude et de se ressourcer.

Coralie Grassin a refait le chemin de Stevenson dans les Cévennes avec son ânesse Craquotte. © Coralie Grassin.
Coralie Grassin a refait le chemin de Stevenson dans les Cévennes avec son ânesse Craquotte. © Coralie Grassin.

Son périple a débuté à Monastier-sur-Gazeille, un village pittoresque situé dans la montagne ardéchoise, (département de la Haute-Loire). Monastier est son point de départ pour rejoindre la vallée du Tarn, en suivant un itinéraire à travers les Cévennes, le « pays des montagnes bleues ». Le col de Saint-Pierre, Saint-Jean-du-Gard, Alès… Des villages pittoresques où faire une halte tels Pradelles et Langogne, des panoramas grandioses, des forêts de chênes et des grottes où se rassemblaient les camisards pendant les guerres cévenoles, les lieux décrits suivent les étapes du roman et la draille ou chemin muletier emprunté par l’écrivain et sa monture.

Le Pays de Fontainebleau et le Loiret

Village de Barbizon en Seine et Marne. Commons/GFreihalter.
Village de Barbizon en Seine et Marne. © Commons/GFreihalter.

On découvre ensuite Barbizon et la forêt de Fontainebleau, région que Stevenson a explorée avant les Cévennes, dès 1875, à tout juste 25 ans. Ce voyage fait partie de ses pérégrinations européennes avant qu’il ne se lance dans des voyages plus longs et plus lointains. À l’époque, Barbizon était un lieu de rencontre pour des peintres impressionnistes comme Camille Corot (1796-1875), Jean-François Millet (1814-1875), Théodore Rousseau (1812-1867), et d’autres membres de l’école de Barbizon. Ce séjour est un moment important dans l’évolution de l’écrivain. Dans son journal, il décrit Barbizon et la forêt comme des lieux de calme et d’inspiration, parfaits pour s’éloigner de la pression de la société et de la frénésie de la vie urbaine. Grez-sur-Loing, Moret-sur-Loing, le château musée de Rosa Bonheur à Thomery, autant de lieux qui méritent grandement une visite.

Châtillon-sur-Loire. Ruines des fortifications du château-Gaillard (XIIe siècle). Commons/Daniel Jolivet.
Châtillon-sur-Loire. Ruines des fortifications du château-Gaillard (XIIe siècle). Commons/Daniel Jolivet.

En 1876, il revient à Grez-sur-Loing, où il séjourne quelques temps pour son travail littéraire. De là, il entreprend une longue randonnée à travers le Loiret qui le conduit à Châtillon-sur-Loire, sur les rives du canal de Bourgogne. La maréchaussée, qui a beaucoup de mal à comprendre pourquoi un individu marche autant et seul, le retient quelques heures. Selon certains récits, il aurait été soupçonné d’être un vagabond. Ce qui ne l’empêche pas d’ironiser dans Voyage en canoë sur les rivières du Nord (An Inland Voyage) sur l’absurdité de la situation. Reste les lieux traversés et dépeints par le journaliste Jean Tiffon que l’on peut toujours visiter, à savoir : Le pays de Fontainebleau, le marais de Larchant, Nemours sur les rives du Loing, Château-Landon, Montargis et ses 131 ponts et passerelles, etc.

De rivières en canaux

Le canal de la Sambre à l'Oise, près du village d'Ors. Commons/Marc Ryckaert.
Le canal de la Sambre à l’Oise, près du village d’Ors. © Commons/Marc Ryckaert.

Dans sa période pré-Cévennes, Stevenson réalise un voyage en canoë avec son cousin entre Anvers (en Belgique) et Pontoise (en France) en 1876. Il parcourt à la rame l’Escaut, la Sambre et l’Oise. Ce périple enrichit sa vision de la nature et est à l’origine de son premier récit de voyage intitulé An Inland Voyage (publié en 1878 et traduit sous le titre Voyage en canoë sur les rivières du Nord) . Un siècle et demi plus tard, Olivier Godin, journaliste et auteur de À vélo et À vélo en Europe, nous emmène à la force des mollets dans le sillage de l’écrivain dans les Hauts-de-France.

Évasion dans les Highlands

Glen Coe, en écossais Gleann Comhann, est un glen, une vallée entourée de collines, réputée pour les randonnées. Commons/JavierOlivares.
Glen Coe, en écossais Gleann Comhann, est un glen, une vallée entourée de collines, réputée pour les randonnées. © Commons/JavierOlivares.

En 1886, Stevenson publie son roman Kidnapped (Enlevé). Cette odyssée fictive se passe dans les Highlands, une région d’Écosse montagneuse et isolée, riche en histoire et en légendes. Le roman suit les aventures de David Balfour, un jeune homme écossais, qui se retrouve enlevé par des conspirateurs et emporté dans les Highlands pour être vendu comme esclave. Le voyage qui en résulte l’amène à travers des paysages sauvages, des rencontres avec des personnages fascinants et une série d’épreuves qui testent son courage, son intelligence et sa moralité.

Île de Mull. Tràigh Bhàn Lagain near Lochbuie (Isle of Mull, Inner Hebrides, Scotland. Commons/PaulT.
Île de Mull. Tràigh Bhàn Lagain near Lochbuie (Isle of Mull, Inner Hebrides, Scotland. © Commons/PaulT.

Jean-Philippe Follet, auteur de cette partie intitulée The Stevenson way, nous emmène sur ces lieux mythiques où se déroule Kidnapped : l’Île de Mull et ses landes aux vues spectaculaires, ses falaises déchiquetées, ses grottes creusées dans les murailles volcaniques du Brolass. Puis, dans les contrées les plus sauvages des Highlands, au nord-est de Glencoe, sur le Ben Alder, une montagne située dans les Monadhliath Mountains. C’est là où les personnages de Kidnapped s’enfuient et où se joue le cœur de l’histoire. La montagne comme symbole du sacrifice, du défi et aussi de l’isolement, de l’aventure et des épreuves physiques que les personnages doivent affronter.

Le vieux moulin de Bridge of Allan. Sterling. Scotland. Commons/Rosser 1954.
Le vieux moulin de Bridge of Allan. Sterling. Scotland. © Commons/Rosser 1954.

Olivier Godin a sillonné en VTT et en solitaire ces Hautes-Terres, sur un tracé rude qui suit le sillage fictionnel de David Balfour. Il nous livre son expérience de vététiste dans les collines écossaises, empruntant des chemins de traverses, passant de tourbières en loch jusqu’à Bridge of Allan, un village pittoresque situé dans le Stirlingshire, où Stevenson séjourna avec sa famille durant sa jeunesse et son adolescence.

Edimbourg, le Lothian et les Pentland Hills

Vue sur Edimburg et le mont Thron. B. Postel.
Vue sur Edimburg et le mont Thron. © B. Postel.

Enfin, l’ouvrage invite à découvrir les lieux qui ont vu naître et grandir Stevenson, principalement Édimbourg et la région du Lothian. La ville est imprégnée de récits de bandits, de rebelles jacobites et de figures historiques, qui ont influencé des œuvres comme Kidnapped ou The Master of Ballantrae (Le Maître de Ballantrae). L’atmosphère sombre et mystérieuse de certains quartiers d’Édimbourg lui a inspiré des récits comme L’étrange cas du Dr Jekyll and de Mr Hyde. Tandis que le Lothian est connu pour ses collines, ses plages et ses villages. Cette région côtière, avec ses plages et ses falaises, a certainement marqué le jeune Stevenson et influencé son attrait pour les aventures maritimes.

Rosslyn Chapel dans le village de Roslin a été bâtie au XVe siècle. B.Postel.
Rosslyn Chapel dans le village de Roslin a été bâtie au XVe siècle. © B. Postel.

Sans oublier les Pentland Hills et la vallée de Roslin qui ont fortement influencé l’imagination de Robert Louis Stevenson, notamment en ce qui concerne son intérêt pour l’histoire écossaise et les conflits religieux du XVIIe siècle, comme ceux des Covenantaires (1). Ou encore la chapelle de Rosslyn aux décors flamboyants et ésotériques. Cet édifice chargé de légendes et de symbolisme a également marqué Dan Brown pour y situer la fin de son roman Da Vinci Code (2003).

(1) Les Pentland Hills sont associées à un épisode sombre de l’histoire écossaise, la bataille de Rullion Green, qui s’est déroulée le 28 novembre 1666. Ce fut une défaite marquante pour les Covenantaires, un groupe de presbytériens écossais qui s’opposaient au contrôle de l’Église par la monarchie et qui défendaient leur droit à pratiquer leur culte librement.

Livre : Sur les chemins de Stevenson, Cévenne est autres itinéraires européens. Editions Voyages Gallimard, 2024.

Texte : Brigitte Postel
Photos : Gallimard et selon mention
Photo ouverture : Cathédrale Notre-Dame, Le Puy-en-Velay. © Shutterstock, A. Karnhol.