Ville sainte, ville profane, capitale d’un empire, puis d’une foi, Rome ne se visite pas : elle se lit, elle se déchiffre, on y marche comme on tourne les pages d’un roman historique, tantôt écrit à l’encre de Sénèque, tantôt scandé par les coups de marteau d’un Bernin en colère.

Italie. Rome. Devant l'Eglise de la trinité des Monts, fondée par le Roi de France Charles VIII, se déroule le célèbre escalier de la place d'Espagne. DR.
Italie. Rome. Devant l’Eglise de la Trinité des Monts, fondée par le Roi de France Charles VIII, se déroule le célèbre escalier de la place d’Espagne. Au premier plan, la Fontaine de la Barcaccia. DR.

Vol tôt. Atterrissage à Fiumicino sous un ciel couleur ivoire. Rome reçoit sans hâte, comme une diva qui n’a pas oublié la Dolce Vita. Taxi vers l’Hôtel de la Ville (Rocco Forte Hotel), au-dessus de la place d’Espagne. La façade élégante donne sur la place conçue par le génie de la Renaissance, Michel-Ange (1478-1564). Le portier a le même flegme que les bustes antiques. Dès l’entrée, on ressent l’atmosphère feutrée d’un lieu qui voit passer des artistes, des diplomates et quelques têtes couronnées.

Italie. Rome. Peu visitée, la seule île urbaine du Tibre, longue d'environ 300 mètres et large d'environ 90 mètres, est reliée aux rives du Tibre par deux ponts: le pont Cestius, datant de 46 avant J.-C. en direction du quartier Trastevere et le pont Fabricius en direction du Ghetto, construit en 62 avant J.-C. Brigitte Postel.
Italie. Rome. Peu visitée, la seule île urbaine du Tibre, longue d’environ 300 mètres et large d’environ 90 mètres, est reliée aux rives du Tibre par deux ponts: le pont Cestius, datant de 46 avant J.-C. en direction du quartier Trastevere et le pont Fabricius en direction du Ghetto, construit en 62 avant J.-C. © Brigitte Postel.

Il n’est pas besoin d’être archéologue pour comprendre Rome, il suffit d’y marcher. De longer le Tibre, un fleuve qui ne chante pas mais qui se souvient. Ou de s’asseoir dans l’ombre d’une colonne du Forum, là où la poussière se mêle à la grandeur. Ici chaque pierre murmure, chaque ombre respire, chaque ruelle semble vous attendre depuis 2000 ans. Rome, en somme n’a jamais cessé d’être le centre du monde, au moins du sien.

Italie. L'une des vues les plus spectaculaires de Rome : le pont Saint-Ange construit au IIe siècle apr. J.C. et la coupole de Saint-Pierre en arrière-plan. Sylvain Grandadam.
Italie. L’une des vues les plus spectaculaires de Rome : le pont Saint-Ange construit au IIe siècle apr. J.C. et la coupole de Saint-Pierre en arrière-plan. © Sylvain Grandadam.

Le Panthéon

Italie. Rome. Monument le plus important du Champ de Mars et unique relique de l Rome impériale, le Panthéon survit depuis 19 siècles. OT Italie.
Italie. Rome. Monument le plus important du Champ de Mars et unique relique de la Rome impériale, le Panthéon a traversé 19 siècles. OT Italie.

Dans le tumulte romain, entre les klaxons et les souvenirs impériaux, quelques ruelles, une place puis soudain une masse parfaite, immobile, le Panthéon. Ce n’est pas la grandeur qui impressionne mais l’équilibre. Un dôme immense plus vaste que celui de Saint-Pierre (il mesure un mètre de moins), repose sur l’air comme un mystère ancien. À l’intérieur, le silence n’est pas religieux mais philosophique. Celui d’un lieu qui sait que tout passe : les empires, les guerres, les noms gravés sur le marbre… À travers l’oculus – ce cercle ouvert au sommet de la coupole – entre une lumière oblique, presque timide. Les dieux qu’il abritait sont partis depuis longtemps. Les Chrétiens sont venus, puis les morts illustres, Raphaël (1483-1520), Victor-Emmanuel II (1820-1878), son fils Humbert Ier (1844-1900) et son épouse Marguerite de Savoie (1851-1926) y reposent.

Le Colisée, théâtre de l’éternité

Italie. A Rome, même les bonnes sœurs visitent le Colisée. On ne sait jamais, peut-être qu’un gladiateur s’est réincarné en pèlerin ! Sylvain Grandadam.
Italie. Le Vatican, c’est bien… mais un break au Colisée entre deux Ave Maria c’est pas mal aussi. © Sylvain Grandadam.

En approchant de ce monument grandiose, on ressent de l’étonnement devant sa taille, son audace technique. Appelé à l’origine amphithéâtre Flavien, le Colisée, dont la construction a débuté entre 70 et 72 apr. J.-C., sous l’empereur Vespasien, et s’est achevée en 80 sous Titus, n’a pas seulement été bâti pour impressionner mais pour les jeux : combats, cris, sueur, sang. Le Colisée fut un théâtre de la vie dans toute sa férocité.

Italie. Rome. Quand tu dis à ton copain : viens discret et qu'il arrive en centurion avec un panneau et la devise en abrégé "Senatus Populus que Romanus" ! Sylvain Grandadam.
Italie. Rome. Quand tu dis à tes copains : venez en toute discrétion et qu’ils arrivent en sénateur et centurion avec un panneau affichant la devise en abrégé « Senatus Populus que Romanus » ! © Sylvain Grandadam.


À l’ombre de ses pierres, le silence est chargé de la mémoire des gladiateurs, des combats avec les fauves, des foules enthousiastes et terrifiées. La beauté architecturale – les pilastres de travertin, le tuf, les arcs – s’unit ici à la brutalité des jeux du Cirque.

L’Empire du spectacle

Italie. Rome. Situé entre l’Aventin et le Mont Palatin, le Circus Maximus était le plus grand hippodrome de la Rome Antique. L'arène mesurait environ 600 mètres de long et 150 mètres de largeur. © Michèle Lasseur.
Italie. Rome. Situé entre l’Aventin et le Mont Palatin, le Circus Maximus était le plus grand hippodrome de la Rome Antique. L’arène mesurait environ 600 mètres de long et 150 mètres de largeur. © Michèle Lasseur.

Le peuple voulait du pain et des jeux ? On les lui donnait au Circus Maximus. Ce vaste terrain pelé entre le Palatin et l’Aventin que les joggeurs traversent aujourd’hui, fut autrefois le lieu le plus populaire – et peut-être le plus politique – de la Rome antique avec les courses de chars qui enflammaient les foules. Bien plus qu’un stade, ce fut l’Empire du spectacle, la liturgie du peuple. Imaginez 200.000 spectateurs hurlants, des factions colorées – les Bleus, les Verts, les Rouges et les Blancs – et des chevaux lancés à pleine vitesse autour d’une spina décorée de statues, d’obélisques et de symboles impériaux. Les auriges étaient des stars, parfois d’anciens esclaves devenus riches.
Ici, on ne votait pas. On acclamait, on insultait, on exultait. Les spectateurs n’avaient rien à envier à nos supporters de football. Loin d’être un simple divertissement, les courses de chars étaient l’image même de l’ordre romain, de sa hiérarchie.
L’empereur, installé dans sa loge sur le Palatin, à la vue de tous, ne gouvernait pas : il se montrait, non dans la gravité du Sénat mais dans le vacarme du cirque. C’était la forme romaine du contrat social : la magnificence contre la loyauté.

Piazza Navona : le cœur baroque de Rome

Fontaine des Quatre Fleuves

Italie. Rome. S’il y a bien une place à ne pas rater, c’est la Piazza Navona avec sa Fontaine des Quatre Fleuves coiffée en son centre d'un obélisque qui vient du Cirque de Maxence. © Michèle Lasseur.
Italie. S’il y a bien une place à ne pas rater à Rome, c’est la Piazza Navona avec sa Fontaine des Quatre Fleuves coiffée en son centre d’un obélisque qui vient du Cirque de Maxence. © Michèle Lasseur.

Une promenade romaine, c’est la pierre, le théâtre… et l’eau. À Rome, chaque fontaine est un message et chaque place, un décor d’opéra.
Là où au temps des Césars s’étendait le Stade de Domitien destiné aux compétitions sportives, on trouve aujourd’hui la Piazza Navona : une ellipse monumentale flanquée de palais, d’églises et surtout de fontaines théâtrales. Au centre, la plus célèbre : la Fontaine des-Quatre-Fleuves, chef-d’œuvre de Gian Lorenzo Bernini dit Le Bernin (1598-1680). Quatre fleuves – le Danube, le Gange, le Nil et le Rio de la Plata – symbolisent les 4 continents connus à l’époque. De chaque côté de celle-ci, on peut admirer la Fontaine du Maure (Fontana del Moro) et la Fontaine de Neptune (Fontana del Nettuno).

Fontaine du Maure

Italie. Rome. Fontaine du Maure. Le maure est un personnage allégorique, représentant les peuples de la mer Méditerranée, et symbolise la force et la lutte contre les éléments marins. Tandis que le dauphin  est le messager de Neptune dans la mythologie romaine. Sylvain Grandadam.
Italie. Rome. Fontaine du Maure. Le Maure est un personnage allégorique, représentant les peuples de la mer Méditerranée, et symbolise la force et la lutte contre les éléments marins. Tandis que le dauphin avec lequel il semble jouer est le messager de Neptune dans la mythologie romaine. © Sylvain Grandadam.

En face du Palais Pamphili, aujourd’hui ambassade du Brésil, la Fontaine du Maure a un bassin en marbre de Portasanta (sur l’île de Chios), construit en 1575 par Giacomo Della Porta. Le pape Innocent X Pamphilj (1644-1655) chargea Gian Lorenzo Bernini de rénover la fontaine du XVIe siècle. Ainsi, une piscine fut créée selon le dessin du bassin précédent, au centre duquel fut placée, en 1655, une statue sculptée par Giovanni Antonio Mari d’après un dessin original de Bernini lui-même. La sculpture représente un homme serrant dans ses mains la queue d’un dauphin, dont la tête dépasse des jambes de la statue et de la bouche duquel jaillit l’eau.

Italie. Rome. La fontaine du Maure est entourée de tritons soufflant dans de grands coquillages. Sylvain Grandadam.
Italie. Rome. La Fontaine du Maure (Non, on n’y pêche pas) est bordée de tritons soufflant dans de grands coquillages. © Sylvain Grandadam.

Fontaine de Neptune

Italie. Rome. En 1873, la municipalité de Rome fit ajouter les groupes sculpturaux à la fontaine : Neptune combattant avec une pieuvre du sculpteur Antonio Della Bitta et les néréides, les dragons des mers, les amours et les dauphins de Gregorio Zappala. Sylvain Grandadam.
Italie. Rome. En 1873, la municipalité de Rome fit ajouter les groupes sculpturaux à la fontaine : Neptune combattant avec une pieuvre du sculpteur Antonio Della Bitta et les néréides, les dragons des mers, les amours et les dauphins de Gregorio Zappala. © Sylvain Grandadam.

Troisième fontaine de la Piazza Navona, la Fontaine de Neptune a été commandée par le pape Grégoire XIII en 1574 à Giacomo della Porta. Mais ce dernier n’a réalisé que le bassin. Les sculptures sont beaucoup plus récentes et ont été réalisées par Gregorio Zappalà et Antonio Della Bitta en 1873.

© Sylvain Grandadam

La Fontaine de Trévi : une promesse de retour

Italie. Rome. Dessinée par Nicola Salvi et terminée en 1762, la Fontaine de Trévi représente le triomphe de Neptune.  Brigitte Postel.
Italie. Rome. Dessinée par Nicola Salvi et terminée en 1762, la Fontaine de Trévi représente le triomphe de Neptune. Le dieu se tient debout sur une grande coquille de mer tirée par des tritons et deux hippocampes. © Brigitte Postel.

Il est des lieux où l’eau cesse d’être « eau » pour devenir signe. La fontaine de Trevi n’est pas une fontaine au sens strict. C’est une façade d’aqueduc travestie en apocalypse baroque. Un mur qui jaillit, qui crache sa mémoire en cascaLa fontaine de Trévi : une promesse de retour.de. Les colonnes, les statues, les chevaux marins : tout y est comme dans une phrase latine trop déclinée ou une fresque d’église où chaque détail cherche à vous convertir.
La figure centrale, Neptune, n’est pas un dieu mais un signe du pouvoir de l’homme sur les éléments. Il dirige, tel un ministre hydraulique dans une Rome où la magnificence est une justification politique,

Ce que le touriste vient chercher, ce n’est pas la fontaine en elle-même, mais le le mythe qu’elle exsude. Le jeté de la pièce, dos tourné, bras levé, est un acte semi-religieux , un rite païen devenu viral. Ce geste est le graal de l’âge touristique : on y échange une petite pièce contre la promesse du retour, c’est-à-dire la répétition, l’éternel recommencement très nietzschéen .

Et puis il y a Fellini, bien sûr. Depuis « La Dolce Vita », Anita Ekberg n’est plus une actrice mais une apparition mythique et l’eau de la fontaine n’est plus que le support liquide de ce souvenir collectif. La réalité de la fontaine se dissout dans la mémoire du film.
Et si on tend l’oreille, on entend peut-être les voix anciennes, celle des aqueducs romains, qui charriaient, bien avant le selfie, le rêve d’une Rome éternelle.
Ici, le baroque romain a été avalé par le chaos touristique. Rome voulait domestiquer l’eau. Elle a produit un fleuve de visiteurs. Neptune, le Dieu central, contemple la foule avec l’indifférence d’un serveur d’hôtel de luxe. Il est devenu fonctionnaire du merveilleux.
Les pièces tombent dans le bassin, une à une. Une pluie d’euros jetée vers un futur imaginaire. Car le vrai miracle n’est plus de revenir à Rome mais de croire encore qu’un jet de monnaie suffit à conjurer l’oubli. Autour de moi, des influenceuses ajustent leurs robes. Des Japonais en groupe lèvent leurs perches à selfie comme des baguettes divinatoires. Des couples s’embrassent avec application… Ce n’est plus une fontaine, c’est une messe païenne, célébrée sans clergé mais avec hashtags.

Se loger

L’Hôtel de la Ville – Rocco Forte Hotel

Italie. Rome. La terrasse de l'Hôtel de la Ville - Cielo Terrace - est la dernière ouverture romaine du groupe Rocco Forte. De quoi mettre Rome à ses pieds ! DR.
Italie. Rome. La terrasse de l’Hôtel de la Ville – Cielo Terrace – est la dernière ouverture romaine du groupe Rocco Forte. De quoi mettre Rome à ses pieds ! DR.

Ouvert en mai 2019, le second hôtel romain du groupe Rocco Forte incarne la quintessence de l’élégance romaine. Situé sur la colline du Pincio, dans un palais du XVIIIe siècle, il abrite une centaine de chambres décorées par le designer surdoué Tommaso Ziffer qui s’est inspiré du « Grand Tour », autrefois réalisé par les amateurs d’art et les écrivains. Tapisseries, somptueux tissus, statues d’inspiration Renaissance, meubles anciens mais aussi mobilier plus contemporain… Le raffinement est dans chaque détail. La terrasse panoramique, Cielo, est en apesanteur au-dessus de la Ville Éternelle.
Dominant l’église et le couvent de la Trinité-des-Monts, Cielo Terrace est émaillée d’élégants canapés rayés rouge et blanc, d’où l’on admire une vue à 180° sur les principaux monuments romains.
Les plats simples et savoureux sont concoctés par le chef Fulvio Pierangelini, l’un des grands maîtres de la cuisine italienne. Environ 35€ par personne.
Hôtel de la Ville, via Sistina, 69. Tél. : +39 06 32 888 880. À partir de 560€ la nuit,
www.roccofortehotels.com

Francesco Roccato, Directeur général Italie Rocco Forte Hotels

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Les Guides Bleus : Rome
Un guide précieux pour apprécier la richesse de la Ville éternelle avec des textes centrés sur l’art et l’histoire rédigés par de grands spécialistes.
Edition 2024. 35 €.

Office de tourisme d’Italie
http://www.italia.it

Texte : Michèle Lasseur
Photos : selon indication