Ville sainte, ville profane, capitale d’un empire, puis d’une foi, Rome ne se visite pas : elle se lit, elle se déchiffre, on y marche comme on tourne les pages d’un roman historique, tantôt écrit à l’encre de Sénèque, tantôt scandé par les coups de marteau d’un Bernin en colère.

Vol tôt. Atterrissage à Fiumicino sous un ciel couleur ivoire. Rome reçoit sans hâte, comme une diva qui n’a pas oublié la Dolce Vita. Taxi vers l’Hôtel de la Ville (Rocco Forte Hotel), au-dessus de la place d’Espagne. La façade élégante donne sur la place conçue par le génie de la Renaissance, Michel-Ange (1478-1564). Le portier a le même flegme que les bustes antiques. Dès l’entrée, on ressent l’atmosphère feutrée d’un lieu qui voit passer des artistes, des diplomates et quelques têtes couronnées.

Il n’est pas besoin d’être archéologue pour comprendre Rome, il suffit d’y marcher. De longer le Tibre, un fleuve qui ne chante pas mais qui se souvient. Ou de s’asseoir dans l’ombre d’une colonne du Forum, là où la poussière se mêle à la grandeur. Ici chaque pierre murmure, chaque ombre respire, chaque ruelle semble vous attendre depuis 2000 ans. Rome, en somme n’a jamais cessé d’être le centre du monde, au moins du sien.

Le Panthéon

Dans le tumulte romain, entre les klaxons et les souvenirs impériaux, quelques ruelles, une place puis soudain une masse parfaite, immobile, le Panthéon. Ce n’est pas la grandeur qui impressionne mais l’équilibre. Un dôme immense plus vaste que celui de Saint-Pierre (il mesure un mètre de moins), repose sur l’air comme un mystère ancien. À l’intérieur, le silence n’est pas religieux mais philosophique. Celui d’un lieu qui sait que tout passe : les empires, les guerres, les noms gravés sur le marbre… À travers l’oculus – ce cercle ouvert au sommet de la coupole – entre une lumière oblique, presque timide. Les dieux qu’il abritait sont partis depuis longtemps. Les Chrétiens sont venus, puis les morts illustres, Raphaël (1483-1520), Victor-Emmanuel II (1820-1878), son fils Humbert Ier (1844-1900) et son épouse Marguerite de Savoie (1851-1926) y reposent.
Le Colisée, théâtre de l’éternité

En approchant de ce monument grandiose, on ressent de l’étonnement devant sa taille, son audace technique. Appelé à l’origine amphithéâtre Flavien, le Colisée, dont la construction a débuté entre 70 et 72 apr. J.-C., sous l’empereur Vespasien, et s’est achevée en 80 sous Titus, n’a pas seulement été bâti pour impressionner mais pour les jeux : combats, cris, sueur, sang. Le Colisée fut un théâtre de la vie dans toute sa férocité.

À l’ombre de ses pierres, le silence est chargé de la mémoire des gladiateurs, des combats avec les fauves, des foules enthousiastes et terrifiées. La beauté architecturale – les pilastres de travertin, le tuf, les arcs – s’unit ici à la brutalité des jeux du Cirque.
L’Empire du spectacle

Le peuple voulait du pain et des jeux ? On les lui donnait au Circus Maximus. Ce vaste terrain pelé entre le Palatin et l’Aventin que les joggeurs traversent aujourd’hui, fut autrefois le lieu le plus populaire – et peut-être le plus politique – de la Rome antique avec les courses de chars qui enflammaient les foules. Bien plus qu’un stade, ce fut l’Empire du spectacle, la liturgie du peuple. Imaginez 200.000 spectateurs hurlants, des factions colorées – les Bleus, les Verts, les Rouges et les Blancs – et des chevaux lancés à pleine vitesse autour d’une spina décorée de statues, d’obélisques et de symboles impériaux. Les auriges étaient des stars, parfois d’anciens esclaves devenus riches.
Ici, on ne votait pas. On acclamait, on insultait, on exultait. Les spectateurs n’avaient rien à envier à nos supporters de football. Loin d’être un simple divertissement, les courses de chars étaient l’image même de l’ordre romain, de sa hiérarchie.
L’empereur, installé dans sa loge sur le Palatin, à la vue de tous, ne gouvernait pas : il se montrait, non dans la gravité du Sénat mais dans le vacarme du cirque. C’était la forme romaine du contrat social : la magnificence contre la loyauté.
Piazza Navona : le cœur baroque de Rome
Fontaine des Quatre Fleuves

Une promenade romaine, c’est la pierre, le théâtre… et l’eau. À Rome, chaque fontaine est un message et chaque place, un décor d’opéra.
Là où au temps des Césars s’étendait le Stade de Domitien destiné aux compétitions sportives, on trouve aujourd’hui la Piazza Navona : une ellipse monumentale flanquée de palais, d’églises et surtout de fontaines théâtrales. Au centre, la plus célèbre : la Fontaine des-Quatre-Fleuves, chef-d’œuvre de Gian Lorenzo Bernini dit Le Bernin (1598-1680). Quatre fleuves – le Danube, le Gange, le Nil et le Rio de la Plata – symbolisent les 4 continents connus à l’époque. De chaque côté de celle-ci, on peut admirer la Fontaine du Maure (Fontana del Moro) et la Fontaine de Neptune (Fontana del Nettuno).
Fontaine du Maure

En face du Palais Pamphili, aujourd’hui ambassade du Brésil, la Fontaine du Maure a un bassin en marbre de Portasanta (sur l’île de Chios), construit en 1575 par Giacomo Della Porta. Le pape Innocent X Pamphilj (1644-1655) chargea Gian Lorenzo Bernini de rénover la fontaine du XVIe siècle. Ainsi, une piscine fut créée selon le dessin du bassin précédent, au centre duquel fut placée, en 1655, une statue sculptée par Giovanni Antonio Mari d’après un dessin original de Bernini lui-même. La sculpture représente un homme serrant dans ses mains la queue d’un dauphin, dont la tête dépasse des jambes de la statue et de la bouche duquel jaillit l’eau.

Fontaine de Neptune

Troisième fontaine de la Piazza Navona, la Fontaine de Neptune a été commandée par le pape Grégoire XIII en 1574 à Giacomo della Porta. Mais ce dernier n’a réalisé que le bassin. Les sculptures sont beaucoup plus récentes et ont été réalisées par Gregorio Zappalà et Antonio Della Bitta en 1873.


La Fontaine de Trévi : une promesse de retour

Il est des lieux où l’eau cesse d’être « eau » pour devenir signe. La fontaine de Trevi n’est pas une fontaine au sens strict. C’est une façade d’aqueduc travestie en apocalypse baroque. Un mur qui jaillit, qui crache sa mémoire en cascaLa fontaine de Trévi : une promesse de retour.de. Les colonnes, les statues, les chevaux marins : tout y est comme dans une phrase latine trop déclinée ou une fresque d’église où chaque détail cherche à vous convertir.
La figure centrale, Neptune, n’est pas un dieu mais un signe du pouvoir de l’homme sur les éléments. Il dirige, tel un ministre hydraulique dans une Rome où la magnificence est une justification politique,
Ce que le touriste vient chercher, ce n’est pas la fontaine en elle-même, mais le le mythe qu’elle exsude. Le jeté de la pièce, dos tourné, bras levé, est un acte semi-religieux , un rite païen devenu viral. Ce geste est le graal de l’âge touristique : on y échange une petite pièce contre la promesse du retour, c’est-à-dire la répétition, l’éternel recommencement très nietzschéen .

Et puis il y a Fellini, bien sûr. Depuis « La Dolce Vita », Anita Ekberg n’est plus une actrice mais une apparition mythique et l’eau de la fontaine n’est plus que le support liquide de ce souvenir collectif. La réalité de la fontaine se dissout dans la mémoire du film.
Et si on tend l’oreille, on entend peut-être les voix anciennes, celle des aqueducs romains, qui charriaient, bien avant le selfie, le rêve d’une Rome éternelle.
Ici, le baroque romain a été avalé par le chaos touristique. Rome voulait domestiquer l’eau. Elle a produit un fleuve de visiteurs. Neptune, le Dieu central, contemple la foule avec l’indifférence d’un serveur d’hôtel de luxe. Il est devenu fonctionnaire du merveilleux.
Les pièces tombent dans le bassin, une à une. Une pluie d’euros jetée vers un futur imaginaire. Car le vrai miracle n’est plus de revenir à Rome mais de croire encore qu’un jet de monnaie suffit à conjurer l’oubli. Autour de moi, des influenceuses ajustent leurs robes. Des Japonais en groupe lèvent leurs perches à selfie comme des baguettes divinatoires. Des couples s’embrassent avec application… Ce n’est plus une fontaine, c’est une messe païenne, célébrée sans clergé mais avec hashtags.
Se loger
L’Hôtel de la Ville – Rocco Forte Hotel

Ouvert en mai 2019, le second hôtel romain du groupe Rocco Forte incarne la quintessence de l’élégance romaine. Situé sur la colline du Pincio, dans un palais du XVIIIe siècle, il abrite une centaine de chambres décorées par le designer surdoué Tommaso Ziffer qui s’est inspiré du « Grand Tour », autrefois réalisé par les amateurs d’art et les écrivains. Tapisseries, somptueux tissus, statues d’inspiration Renaissance, meubles anciens mais aussi mobilier plus contemporain… Le raffinement est dans chaque détail. La terrasse panoramique, Cielo, est en apesanteur au-dessus de la Ville Éternelle.
Dominant l’église et le couvent de la Trinité-des-Monts, Cielo Terrace est émaillée d’élégants canapés rayés rouge et blanc, d’où l’on admire une vue à 180° sur les principaux monuments romains.
Les plats simples et savoureux sont concoctés par le chef Fulvio Pierangelini, l’un des grands maîtres de la cuisine italienne. Environ 35€ par personne.
Hôtel de la Ville, via Sistina, 69. Tél. : +39 06 32 888 880. À partir de 560€ la nuit,
www.roccofortehotels.com



Francesco Roccato, Directeur général Italie Rocco Forte Hotels

Francesco Roccato est directeur général pour l’Italie du Nord chez Rocco Forte Hotels. Il supervise certains des établissements emblématiques du groupe dans la région, dont l’Hôtel de la Ville à Rome. Né à Turin, Francesco a débuté sa carrière dans l’hôtellerie en tant que chef en 1995, puis a évolué vers la gestion de la restauration avant de gravir les échelons jusqu’au poste de Directeur général. Sa carrière l’a mené aux quatre coins du monde, avec des expériences professionnelles au Canada, aux Bermudes, en Espagne, aux États- Unis, à Londres, puis de retour en Italie. Fort de plus de 30 ans d’expérience dans l’hôtellerie de luxe, Francesco apporte un style de leadership unique, centré sur l’humain, façonné par une perspective internationale, une passion pour l’excellence et une foi profonde dans le travail d’équipe et l’empathie.
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Les Guides Bleus : Rome
Un guide précieux pour apprécier la richesse de la Ville éternelle avec des textes centrés sur l’art et l’histoire rédigés par de grands spécialistes.
Edition 2024. 35 €.
Office de tourisme d’Italie
http://www.italia.it
Texte : Michèle Lasseur
Photos : selon indication



