La Crète n’est pas seulement une île : c’est un monde. Une montagne surgie au milieu de la mer Égée, un carrefour de civilisations, une scène où chaque pierre murmure une histoire.

La Crète antique, la Crète contemporaine font rêver. Les stations balnéaires attirent les touristes du monde entier, tandis que les villages perchés continuent de vibrer au rythme des fêtes religieuses et des marchés locaux. Les plages très fréquentées succèdent aux criques désertes, mais les oliveraies et les potagers de montagne gardent leur rythme ancestral. Ici, l’antiquité dialogue avec le monde moderne.

Tout commence par Minos, les palais de Knossos et de Malia, les fresques colorées où dansent les acrobates et les taureaux. Première civilisation européenne, la Crète minoenne, laisse des traces indélébiles : jarres ventrues, colonnes rouges, tablettes gravées de signes mystérieux. Ces vestiges parlent encore au XXIe siècle comme une promesse d’élan et de beauté.

Vinrent les Romains, qui firent de la Crète un grenier à blé, puis les Byzantins qui y semèrent monastères et icônes ; les Vénitiens qui hérissèrent remparts et palais dans les villes ; enfin, les Ottomans dont les mosquées et hammams témoignent encore de leur longue présence. À chaque conquête, l’île résista, grâce à ses montagnes, refuge inviolé où la langue et les coutumes demeuraient. La Crète fut aussi une terre de soulèvements incessants, jusqu’au XXe siècle, où elle devint un symbole de résistance contre l’occupant allemand.

Héraklion : sur les pas de Minos

Crète. Forteresse de Koules dans le port vénitien d'Héraklion. Moonik/Commons.
Crète. Forteresse vénitienne de Koules dans le port d’Héraklion, rénovée pa l’architecte Michele Sanmicheli (1484 – 1559). © Moonik/Commons.

Placée sous le signe d’Hercule, l’ancienne Candie est la plus grande ville de Crète et la capitale de l’île. On se faufile entre fortifications vénitiennes, coupoles ottomanes et alignements de boutiques où les souvenirs bon marché côtoient l’huile d’olive ancestrale.
Je commence par longer les murailles vénitiennes. Massives, obstinées, elles donnent à la ville son profil de bastion. Au bout, le fort de Koules surveille toujours l’entrée du port, comme un vieux lion, qui n’a pas oublié la morsure des combats. Les ferries d’Athènes, s’y amarrent déversant des touristes en short, là où jadis mouillaient les galères de la Sérénissime. Sur le quai, des pêcheurs réparent leurs filets, imperturbables.

De là, je remonte vers le marché central. Les odeurs changent à chaque pas : huile d’olive, fromage fumé, thym séché. Les commerçants interpellent en grec, parfois, en anglais, souvent, en un français approximatif appris dans l’enfance. On me tend des figues encore chaudes de soleil, un verre de raki discret.

Crète. La Fontaine Morosini, chef-d’œuvre vénitien du XVIIe siècle est entourée de terrasses où l'on peut déguster des cafés frappés. M. Lasseur.
Crète. La Fontaine Morosini, chef-d’œuvre vénitien du XVIIe siècle est entourée de terrasses où l’on peut déguster des cafés frappés. © M. Lasseur.

La promenade mène ensuite à la place des Lions, cœur battant de la ville où trône la fontaine Morosini. Inaugurée en 1628 par le gouverneur vénitien Francesco Morosini, elle est connue sous le nom de « Fontaine aux Lions ». Les enfants jouent, les étudiants s’attardent, les touristes, photographient.

Crète. Héraklion. Saint Titus (Agios Titos), patron de l'île et de l'église, est le premier évêque de Crète. Edifiée en 961 en son honneur, cette église a été reconstruite après plusieurs séismes, un incendie et est redevenue une église orthodoxe après la chute de l'empire ottoman. M. Lasseur.
Crète. Héraklion. Saint Titus (Agios Titos), patron de l’île et de l’église, est le premier évêque de Crète. Edifiée en 961 en son honneur, cette église a été reconstruite après plusieurs séismes, un incendie et est redevenue une église orthodoxe en 1925 après la chute de l’empire ottoman. © M. Lasseur.

Plus loin, l’église Saint Titus raconte une autre histoire : celle des Byzantins, puis des Turcs, puis des Grecs revenus. Dans ces pierres se superposent les dominations, comme des calques mal effacés. Devant l’iconostase, une femme allume un cierge, indifférente aux visiteurs. La foi est ici un geste quotidien, presque domestique.

Le musée archéologique

Crète. Musée archéologique de Rethymnon. Fresque des "Dames en bleu", art minoen. M. Lasseur.
Crète. Musée archéologique d’Héraklion. Fresque des « Dames en bleu », art minoen, environ 1600-1450 avant J.C. © M. Lasseur.

Mémoire de la Grèce, le musée conserve l’une des plus riches collections de l’âge du Bronze en Méditerranée. La visite ne se réduit pas à la contemplation d’objets : elle recompose une civilisation, celle que l’on appelle minoenne, qui s’est épanouie en Crète entre le IIIe et le IIe millénaire avant notre ère.

Dès les premières salles, les fresques de Knossos sont le témoignage le plus ancien de peinture en Grèce. Elles sont uniques dans le monde égéen : par leur polychromie intacte, par le mouvement qui les anime, par la manière dont elles représentent l’homme et la nature sans emphase guerrière.

Crète. Musée archéologique de Rethymnon.  La Parisienne est le surnom donné à un morceau de fresque retrouvé pendant les fouilles de la ville de Cnossos. M. Lasseur.
Crète. Musée archéologique de Rethymnon. « La Parisienne » est le surnom donné à un morceau de fresque retrouvé pendant les fouilles de la ville de Cnossos. © M. Lasseur.

La fameuse « Parisienne », ainsi surnommée par les archéologues du début du XXe siècle, témoigne d’un goût prononcé pour la parure et la représentation élégante des femmes. Ces images ne sont pas de simples ornements : elles reflètent un monde où l’apparence et le geste comptaient davantage que le récit héroïque.

Le taureau : Animal sacré et médiateur divin

Un autre ensemble capital est constitué par les scènes de tauromachie. Sur la fresque de la « Taurokathapsie » (saut au-dessus du taureau), la pratique du périlleux saut acrobatique accrédite l’idée de l’exploit sportif comparable aux Jeux grecs. Mais ce fut peut-être aussi une pratique rituelle. Le taureau est un animal sacré dans toute la Méditerranée orientale et en Crète en particulier : le franchir d’un bond était peut-être une manière de mettre en scène la maîtrise de l’homme sur la puissance animale, sans la détruire. L’image exprime moins un exploit qu’une harmonie recherchée entre les deux.

Au fil des salles, on perçoit une caractéristique essentielle de la Crète minoenne : l’absence presque totale d’iconographie guerrière. Là où les Mycéniens, leurs contemporains continentaux, célébraient le combat et la hiérarchie des chefs, les Minoens privilégiaient la danse, les fêtes, le contact avec la mer et la nature. Cette différence cruciale suggère une société organisée autrement, où le pouvoir s’exprimait moins par la violence que par la mise en scène rituelle et la redistribution des richesses.


Ainsi, le musée archéologique d’Héraklion ne montre pas seulement des chefs-d’œuvre isolés. Il restitue la cohérence d’une culture qui, avant l’invention de la cité et des dieux olympiens, a inventé un autre langage : celui des couleurs, du mouvement et de la fête.

Les jarres minoennes : formes et usages

Poteries minoennes. Décors de griffons, de vagues et cordons en relief. Les pithoi étaient hermétiquement clos par des sceaux indiquant le nom de leur propriétaire. Musée archéologique d’Héraklion.

Dans les salles du musée archéologique d’Héraklion, on remarque l’imposante présence des grands pithoi (1) ces jarres massives qui bordaient les magasins des palais. Hautes parfois de plus d’un mètre et demi, décorées de cordons en relief ou de motifs marins, elles servaient avant tout de récipients de stockage. Les Minoens y conservaient l’huile, le vin, les céréales : les denrées nécessaires à l’économie palatiale, qui reposait sur la collecte et la redistribution. Ces jarres ne sont pas seulement des contenants : elles matérialisent le rôle du palais comme centre de gestion.

Le larnax : un contenant funéraire

Le visiteur est étonné par les décors peints. Les parois des larnax sont couvertes de motifs qui appartiennent au répertoire religieux et symbolique de l’époque : spirales, rosettes, animaux marins, mais aussi scènes rituelles où apparaissent des offrandes, des chars funèbres, des autels. La mort, dans ce contexte, n’est pas représentée comme une rupture brutale, mais comme une continuité du monde vivant : la même mer, les mêmes fleurs, les mêmes gestes accompagnent le passage. Plus que des monuments grandioses, ces cercueils modestes et décorés expriment la vision crétoise de la mort : une étape intégrée au cycle de la nature, une permanence des formes et des couleurs au-delà de la disparition des êtres.

Knossos : au cœur de la civilisation minoenne

Crète. Palais de Knossos. Le bastion nord est orné d’une fresque représentant un taureau que l'on peut apercevoir derrières les colonnes. © M. Lasseur.
Crète. Palais de Knossos. Le bastion nord est orné d’une fresque représentant un taureau que l’on peut apercevoir derrières les colonnes. © M. Lasseur.

Knossos offre une autre Crète : celle des légendes et des fresques. Ce site archéologique crétois situé à 5 km au sud-est d’Héraklion est indissociable de celui de l’archéologue britannique Arthur Evans. Il entama en 1900 des fouilles et découvrit la civilisation minoenne (du nom du roi Minos).
Comme dans les contes de fées, les guides, répètent « Minos, Ariane, Minotaure… » mais il suffit de franchir le premier escalier rouge carmin pour sentir autre chose : la trace d’une civilisation qui, 4000 ans plus tôt, s’était offert le luxe de peindre des dauphins sur des murs.
Arthur Evans a beaucoup reconstruit, parfois trop ; il n’empêche, les colonnes écarlates, les fresques de jeunes acrobates affrontant le taureau, donnent l’impression d’un monde à la fois lointain et familier.

Dans la cour centrale, une brise passe ; on croirait presque entendre le halètement du minotaure enfermé ou l’écho d’un chœur antique. Imaginez… En Crète, sous le soleil qui chauffe les pierres blondes, le touriste marche sur un sol foulé il y a plus de 3.500 ans. Knossos, que l’on appelle aujourd’hui « palais » fut bien plus qu’une demeure : une véritable cité palatiale, un monde en miniature.

Crète. Palais de Knossos. Cette fresque sur un fond bleu, montre un taureau qui est en train de charger vers la gauche. Trois personnages l’entourent, qui exécutent toutes les phases d’un saut périlleux. À gauche, une femme s’apprête à sauter et à se saisir des cornes de l’animal, tandis qu’un homme effectue un saut, tête à l’envers, au-dessus du dos du taureau et que, à droite, une autre femme, les bras levés, vient de se réceptionner.
Crète. Palais de Knossos. Cette fresque de la Taurokathapsie est une copie, l’originale est au musée d’Héraklion.

Quelques marches, et nous voilà dans une cour immense. C’est là, peut-être, que se déroulaient ces jeux étranges où de jeunes hommes et femmes bondissaient par-dessus les taureaux. Sport ou rite ? Personne ne le sait vraiment. Mais le taureau est au cœur de toutes les légendes crétoises : le Minotaure, le Labyrinthe, le fil d’Ariane… Tout est né ici, ou presque.
Avançons encore. Voici des couloirs qui tournent, des pièces qui s’enchaînent. On comprend pourquoi les Grecs plus tard ont parlé de « labyrinthe ». Était-ce si compliqué ? Sans doute pas. Mais à force de se perdre dans cette enfilade de salles, on comprend que la mémoire ait brodé ce mythe.

Crète. Palais de Knossos. La salle du trône décorée de fresques de griffons doit son nom à un siège à dossier appelé « trône de Minos » encadré de bancs en pierre. B. Postel.
Crète. Palais de Knossos. La salle du trône décorée de fresques de griffons doit son nom à un siège à dossier appelé « trône de Minos » encadré de bancs en pierre. © B. Postel.

Et là, sur les murs, quelques fragments de couleurs. Des dauphins bleus bondissent encore sur une paroi. Ces peintures sont plus que des fresques : ce sont des instants de vie. Les dauphins du palais, peints dans une salle sans doute réservée à une reine, évoquent un rapport familier avec la mer. Des femmes aux yeux soulignés de noir, de jeunes hommes aux torses nus, la mer partout, omniprésente.

Crète. Palais de Knossos. lDans les appartements royaux, le mégaron de la reine, orné de la "fresque des dauphins", souligne l'amour des Minoens pour la vie marine. B. Postel.
Crète. Palais de Knossos. Dans les appartements royaux, le mégaron de la reine, orné de la « fresque des dauphins », souligne l’amour des Minoens pour la vie marine. © B. Postel.

Puis viennent les magasins, vastes couloirs bordés de jarres énormes, les pithoi. On y gardait l’huile, le vin, les céréales : tout ce que produisait la Crète fertile. Ici, le palais devient grenier, coffre-fort, centre économique. Là réside le secret de Knossos : une société qui centralisait les richesses, qui redistribuait, qui organisait. Un royaume sans armée connue, mais avec une administration minutieuse.

Crète. Jarres ou pithoi sur le site de Knossos. Moonik/Commons.
Crète. Jarres ou pithoi sur le site de Knossos. © Moonik/Commons.

Et partout, le mystère. Qui régnait vraiment sur Knossos ? Était-ce le roi Minos, figure semi-légendaire, ou une succession de princes-prêtres ? Quel rôle jouaient ces femmes aux seins nus que l’on a retrouvées en statuettes, brandissant des serpents comme des sceptres ? Était-ce une société où le sacré passait par la grâce féminine ? Nous n’en savons rien. Mais ces statuettes de femmes aux seins nus, brandissant des serpents, nous disent au moins une chose : ici, le pouvoir du sacré avait le visage du féminin.

À Knossos, on marche entre deux mondes : celui, concret des pierres, des escaliers, des colonnes rouges et noires ; et celui, invisible, des mythes que les Grecs ont tissé autour de ces ruines. C’est sans doute pour cela que Knossos fascine tant : parce que le visiteur est à la fois sur un site archéologique et dans un décor de légende. Et on croit encore entendre le pas du Minotaure résonner dans les couloirs.

Palais de Knossos. Entrepôts et magasins de l’Ouest. © B. Postel.
Palais de Knossos. Vestiges des appartements royaux. © B. Postel.

Nous voici dans la grande cour centrale. On l’imagine pleine de monde, le jour d’une fête : des musiciens, des prêtresses, des jeunes gens qui se préparent à bondir au-dessus d’un taureau. Oui, c’est ici que se déroulait cette étrange corrida sans mise à mort. Le taureau charge, et l’athlète saisit ses cornes, prend appui, s’élance, retombe derrière l’animal. Jeu ? Rite ? Les Minoens seuls le savaient. Pour le visiteur, c’est une énigme.

Crète. Site archéologique de Knossos. L'archéologue Evans a suggeré que cette cour hypostyle pouvait être un poste de douane où étaient contrôlées les marchandises qui arrivaient au palais par la voie maritime. M. Lasseur.
Crète. Site archéologique de Knossos. L’archéologue Evans a suggéré que cette cour hypostyle pouvait être un poste de douane où étaient contrôlées les marchandises qui arrivaient au palais par la voie maritime. © M. Lasseur.

Prenons maintenant les couloirs. Ils tournent, se croisent, débouchent sur des salles étroites. On se perd. Ici, Thésée a cherché le Minotaure, aidé par le fil d’Ariane. Le monstre n’a jamais existé, bien sûr. Mais les pas d’un visiteur moderne résonnent si fort dans ces couloirs qu’on croirait encore entendre son souffle.

Knossos est un site-carrefour où l’archéologie et la légende se mêlent. Ici, dans les ruines, le touriste est l’héritier d’un rêve. Car depuis trois millénaires, entre les colonnes rouges et les fresques bleues, on cherche encore la porte du Labyrinthe.

Rethymnon : joyau vénitien

Crète. Haut de 9 mètres, le phare égyptien de Rethymnon a été construit dans les années 1830, à l’époque où l’empire ottoman contrôlait l’île et la céda aux Égyptiens. © M. Lasseur.
Crète. Haut de 9 mètres, le phare égyptien de Rethymnon a été construit dans les années 1830, à l’époque où l’empire ottoman contrôlait l’île et la céda aux Égyptiens. © M. Lasseur.

Le nom de Rethymnon peut sembler doux comme une invitation à la flânerie, mais derrière chaque pierre, chaque ruelle, il y a des siècles de tensions, de commerce et de survie. En arrivant par le port vénitien, on est frappé par ce mélange de calme trompeur et de puissance ancienne.
Les quais ont été construits au XVIe siècle pour protéger la ville et permettre aux navires de charger et décharger les marchandises mais aussi pour surveiller les pirates et les Turcs qui rodaient au large. Les habitants, à l’époque, vivaient sous la menace constante entre le besoin de commerce et la peur de l’invasion.

Crète. Vue sur la forteresse de Rethymnon. Jerzy Strzelecki/Comons.
Crète. Vue sur la forteresse vénitienne de Rethymnon. © Jerzy Strzelecki/Comons.

L’attraction principale de Réthymnon est la Fortezza, une immense forteresse vénitienne du XVIe siècle qui domine la ville. Elle est aussi un observatoire sur l’histoire. Imaginez les soldats vénitiens, sur ces murailles, scrutant l’horizon, comptant les voiles ennemies, envoyant des signaux, sachant que la survie de la cité dépendait de chaque décision, de chaque heure de veille.

Crète. Rethymnon. Cette fontaine, construite en 1626, porte le nom d’Alvise Rimondi, le gouverneur vénitien de Réthymnon. Elle couvrait une grande partie des besoins  en eau potable des habitants de la ville . M. Lasseur.
Crète. Rethymnon. Cette fontaine, construite en 1626, porte le nom d’Alvise Rimondi, le gouverneur vénitien de Réthymnon. Elle couvrait une grande partie des besoins en eau potable des habitants de la ville. On peut encore voir un fragment du dôme qui la recouvrait. © M. Lasseur.

En vous enfonçant dans la vieille ville, on découvre un patchwork de culture. Les Vénitiens ont laissé leur architecture, les Ottomans ont transformé certains édifices en mosquées, et pourtant, dans ces murs, dans ces pierres usées par le temps, on sent les histoires des habitants, anonymes mais résilients. La fontaine Rimondi est un exemple parfait : elle n’est pas seulement décorative, elle servait chaque jour aux habitants pour boire, laver, survivre.
Et puis il y a la mer. Toujours présente. Toujours menaçante et accueillante à la fois. Elle a apporté la richesse, les marchandises, mais aussi les guerres et les épidémies. Chaque vague semble murmurer les récits des marins, des marchands, des corsaires. On comprend alors que Réthymnon n’est pas seulement un lieu sur une carte : c’est un carrefour où les hommes et les événements se sont croisés, parfois brutalement, souvent silencieusement.

Margarites : le village des potiers

Ctète. Le village de Margaritès a fait de la poterie et de la céramique sa spécialité. C. Messier/Commons.
Crète. Le village de Margarites a fait de la poterie et de la céramique sa spécialité. © C. Messier/Commons.

Niché au cœur des oliveraies, dans les montagnes, à environ 30 km de Réthymnon, Margarites est un petit village traditionnel de 350 habitants considéré comme l’un des centres traditionnels de la poterie en Crète. On y compte plus de 16 ateliers de poterie, chacun doté d’un style unique, alliant techniques modernes et traditionnelles.

Mariniki Mania et Giogis Dalamvelas, artisans et artistes y façonnent l’argile avec un geste qui mêle mémoire et invention. Chaque objet qu’ils créent – salières, sifflets, arrosoirs, jarres, cruches – raconte la Crète autrement : à travers le quotidien, le jeu, le travail et la célébration.
La salière est une compagne des repas, une présence silencieuse au centre de la table, rappelant les rites du partage et de l’hospitalité. Le sifflet, miniature musicale et ludique, rappelle les fêtes de printemps et les jeux d’enfants, porteur de mémoire sonore et de joie partagée.
L’arrosoir, robuste et ventru, incarne le lien vital entre la main humaine, l’eau et la terre, symbole de patience et de continuité agricole.
Les jarres et cruches perpétuent la lignée minoenne, entre conservation de l’huile, du vin et de l’eau, et le rôle symbolique dans les mariages ou les rites domestiques.

Crète. Village de Margarites. Chaque objet est à la fois utilitaire et poétique, témoin d'une mémoire vivante. M. Lasseur.
Crète. Village de Margarites. Chaque objet est à la fois utilitaire et poétique, témoin d’une mémoire vivante. © M. Lasseur.

Malgré le tourisme et la modernité, les gestes et les traditions perdurent : la poterie, les danses, les chants, le travail agricole. Les Crétois portent en eux une conscience aiguë d’être les héritiers d’une ile rebelle et fertile, où mémoire et beauté se mêlent à chaque coin de rue, dans chaque geste quotidien.

Se loger
Kappa Club Iberostar Creta Marine 5*
www.kappaclub.fr
Voir notre reportage sur l’hôtel https://universvoyage.com/hotel-iberostar-kappa-club-creta-marine-5/

Iberostar Kappa Club Creta Marine 5*. © M. Lasseur
Iberostar Kappa Club Creta Marine 5*. © M. Lasseur.

Lire :

Une île aux paysages contrastés, des hautes plaines au rivage ; l’histoire de cette terre, berceau de mythes fondateurs, marquée par les conquêtes vénitienne et ottomane ; son architecture, des palais minoens aux monastères byzantins.
Des itinéraires pour découvrir la Crète en 14 circuits de visite, des trésors archéologiques du musée d’Héraklion au labyrinthe de Knossos, des ports et des forteresses de La Canée et de Réthymnon aux monastères d’Arkadi et de Toplou, des gros plans, des annexes, des tableaux vus par des peintres et des écrivains et un cahier cartographique. Ainsi que des clefs pour comprendre : histoire, arts et traditions, architecture. Un vade-mecum.


CRÈTE, Encyclopédies du Voyage
Editions Gallimard Loisirs : le guide culturel indispensable 2025, 322 p., 27,50 €
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1- Un pithos (πίθος) (pluriel pithoi) est un type de grande céramique grecque antique, une profonde jarre ayant une base plus ou moins étroite. 

Office de tourisme de Crète
https://www.incrediblecrete.gr/fr/

Texte : Michèle Lasseur
Photo ouverture : Le port vénitien d’Heraklion gardé par la forteresse de Koules. En fond, le mont Stroumboulas. © C. Messier/Commons.