La capitale de La Charente offre de nombreux trésors à ses visiteurs : la cathédrale Saint-Pierre, les résurgences de la Touvre, les édifices romans… sans oublier le Festival annuel international de la bande dessinée. Amateurs de patrimoine, de culture et d’itinérance douce, bienvenue au Pays d’Angoulême.
Au sortir de la gare d’Angoulême, le visiteur est confronté à deux monuments récents qui ne font pas l’unanimité chez les Angoumoisins, mais assurent, selon les édiles, une heureuse continuation de la tradition littéraire par le foisonnement de la bande dessinée ! Ce nouvel art populaire, qui a vu et voit éclore tant de talents, est ici célébré avec Uderzo et Goscinny à qui ces deux monuments sont dédiés, les joyeux compères créateurs de la mythologie gallo-romaine d’Astérix et d’Obélix dont le colossal succès international de 393 millions d’exemplaires fit leur fortune comme celle d’Hachette, et fait encore rêver tous les artistes et amateurs de bandes dessinées arrivés par le train…
Dans la région Nouvelle-Aquitaine, la préfecture de la Charente, est imprégnée d’une tradition artistique et littéraire remontant au XIe siècle. Établie sur un éperon dominant un méandre de la Charente et les confluents de celle-ci avec la Touvre et l’Anguienne, la ville a reçu entre autres surnoms celui de « balcon du Sud-Ouest ». Capitale de l’Angoumois sous l’Ancien Régime, la ville a longtemps constitué une place forte convoitée en raison de sa position, carrefour d’importantes voies de communication fluviales et routières. De son passé tumultueux, la cité bien protégée par son plateau rocheux, a hérité d’un remarquable patrimoine historique, religieux et urbain qui attire de nombreux visiteurs et touristes de passage. Aujourd’hui, Angoulême occupe une place parmi les plus industrialisées entre Loire et Garonne, c’est également une ville commerciale et administrative, dotée d’un centre universitaire et d’une vie culturelle remarquablement animée, dominée par le célèbre et annuel Festival international de la bande dessinée, lequel contribue largement au renom international de la cité, ainsi que par le Festival du film francophone et le Circuit des remparts pour les amateurs de voitures anciennes. Les principales filières d’excellence du territoire sont la mécatronique et les process industriels du futur, l’hydrogène, les industries culturelles et créatives, le numérique, et le cuir et le luxe, la reconversion des friches industrielles et commerciales restant un enjeu important. Enfin, la ville est fière de ses enfants célèbres, tels que Charles d’Orléans (comte d’Angoulême et père de François Ier).
Un creuset culturel
Angoulême a pu être flattée de se voir désigner comme la Nouvelle Athènes, réputation littéraire qui remonte au XIe siècle et s’est développée au fil des siècles. Reconnue en 2019 « Ville Créative » par l’Unesco pour sa contribution à la littérature, Cette tradition littéraire a évolué jusqu’à nos jours : Au XIe siècle, la ville était déjà imprégnée d’une réputation littéraire grâce à Adhémar de Chabannes, un érudit et chroniqueur dont les écrits ont pu déjà contribuer à sa renommée intellectuelle. Au XVIe siècle, Angoulême devient un important centre papetier. La fabrication de papier favorise les échanges culturels et la diffusion des connaissances, le vélin d’Angoulême devient une référence internationale : on peut encore visiter aujourd’hui un moulin sur la Charente – le moulin du Verger de Puymoyen – où la pâte à papier à base de chiffons était battue et malaxée avant d’être mise à sécher en feuilles, support futur à tant de lettres et de livres .. Mais cette industrie artisanale s’est étiolée, puis a disparu…
Histoire du comté d’Angoulême
En 1308, à la mort de Gui Ier de Lusignan, le comté d’Angoulême revient à la couronne de France. Il est donné à Louis d’Orléans frère du roi Charles VI en 1394 puis transmis à son fils Jean d’Orléans (1400-1467) grand-père de Marguerite d’Angoulême et de François Ier.
Le Bon comte Jean d’Angoulême va magnifiquement agrandir le château comtal lors de son retour de captivité anglaise au milieu du XVe siècle.
La ville est marquée par la maison de Valois, qui succédant aux capétiens, règnera sur le royaume de France de 1328 à 1589 en soutenant activement à Angoulême la littérature et les arts. Marguerite de Navarre, née Marguerite d’Angoulême (appelée aussi Marguerite de Valois-Angoulême), a joué un rôle capital au cours du XVIe siècle. Voici quelques aspects de sa grande influence comme de son œuvre : elle exerça une influence profonde en diplomatie, manifesta un certain intérêt pour les idées nouvelles, protégea des écrivains tels que Rabelais et Bonaventure des Périers et encouragea les artistes à la Cour de France.
Les poésies de Marguerite de Navarre, connues aujourd’hui sous le titre L’Heptaméron, sont rassemblées sous le titre de Marguerites de la Marguerite des princesses, éditées à Lyon en 1547. Sœur de François Ier, elle exerça toute sa vie un grand ascendant sur lui, devint reine de Navarre par son second mariage en 1527. Sa fille Jeanne d’Albret, fut la mère d’Henri de Bourbon, futur Henri IV, roi de France et de Navarre. Après la funeste bataille de Pavie (1525), Marguerite se rendit en Espagne, pour consoler son malheureux frère et ranimer son courage. Ses supplications pour obtenir la liberté du prisonnier, échouèrent auprès de l’inflexible Charles-Quint, dont elle fit néanmoins l’admiration, ainsi que de sa cour, par son éloquence, sa grâce et son instruction exceptionnelle. Plusieurs langues, en effet, lui étaient familières, principalement l’espagnol, l’italien et l’anglais. Le grec, le latin, l’hébreu même ne lui étaient pas étrangers. Ce fût probablement après son retour en France qu’elle parvint à obtenir la délivrance du roi.
Angoulême, nouvelle Mecque de la BD
Cette œuvre créée par François Boucq et réalisée par l’artiste muraliste Moon rend hommage au papa d’Astérix et Obélix. Au centre de cette immense fresque de 200 m2, Albert UDERZO est installé à sa table de dessin d’où surgissent ses héros.
En 1974, face aux difficultés industrielles de l’édition, Angoulême et son maire à l’ambition immodérée concoctent le concept d’un premier Festival international de la bande dessinée. Cet événement, vite devenu annuel, encourage la croissance du secteur sur place comme en France et le festival jouera désormais un rôle clé dans l’économie de la ville. Vers une Reconnaissance internationale, la ville organise également d’autres festivals, dont le Festival du film francophone et le Festival Courant 3D.
Aujourd’hui, Angoulême est devenu un centre d’excellence dans les arts et la création de bandes dessinées. Des initiatives locales soutiennent les artistes et auteurs, et l’art est intégré aux rues à travers des fresques et des peintures murales. En somme, Angoulême a su préserver et enrichir sa tradition littéraire, devenant un pôle créatif et culturel de renommée internationale.
Le jury du festival d’Angoulême remet un grand prix récompensant un auteur pour l’ensemble de son œuvre dès la première édition en 1974. Non doté, ce prix honorifique permet au lauréat de se voir consacrer une exposition au festival suivant. Si les premiers années, le jury s’oriente vers des auteurs classiques de la bande dessinée franco-belge (Franquin, Pellos, Jijé et Marijac) et américaine (Will Eisner, alors considéré comme ayant abandonné la bande dessinée), il récompense en 1978 un jeune auteur contemporain, Jean-Marc Reiser (36 ans), puis en 1980 Fred (48 ans), un pilier de la revue Pilote.
À partir de l’édition 1981, le grand prix de l’année précédente préside le jury. Ce système, qui perdure jusqu’en 1988, permet parfois au grand prix de l’année précédente d’orienter le choix de son successeur vers des auteurs amis ou proches : les lauréats des années 1980 sont tous issus de Pilote (Jean Giraud/Mœbius, Mézières, Tardi, Lob, Bilal et Druillet) ou des auteurs phares de la bande dessinée adulte française (Gillon et Forest). À partir de Jean Giraud, primé en 1981 et qui réalisa l’affiche du festival de 1982, le lauréat a également pour tâche de dessiner l’affiche du festival de l’année suivante. Ces deux évolutions marquent l’implication croissante des grands prix dans le festival. En juin 1982, les anciens Grands Prix se réunissent à l’initiative du festival pour désigner un prix spécial dixième anniversaire et l’attribuent à Claire Bretécher, qui co-préside le festival 1983 avec le grand prix 1982 Paul Gillon et se voit consacrer une exposition.
Bien que le festival se voulût international, le grand prix de la ville d’Angoulême a longtemps été remis en majorité à des auteurs de la bande dessinée franco-belge : jusqu’en 2010, seuls quatre des 42 lauréats du grand prix ou d’un prix spécial n’étaient pas d’expression francophone — et les Français étaient bien plus nombreux que les Belges. Depuis 2011, le prix s’est cependant fortement internationalisé, avec notamment quatre Américains et trois Japonais récompensés. Le prix a été critiqué pour n’avoir longtemps été remis à aucun auteur japonais malgré l’importance des mangas en France ; trois ont cependant été récompensés depuis 2013. L’âge médian des lauréats étant de 52 ans, le prix récompense une carrière, alors que le fauve d’or distingue plutôt un auteur « en devenir ». Seules cinq femmes (Claire Bretécher en 1982, Florence Cestac en 2000, Rumiko Takahashi en 2019, Julie Doucet en 2022 et Posy Simmonds en 2024), ont été distinguées. Le faible nombre de femmes lauréates a d’ailleurs fait l’objet de polémiques.
Benjamin Rabier, illustre illustrateur universel de la vie comique et extraordinaire des animaux, créateur notamment de l’image de La-vache-qui-rit, mérite de ce fait sa place dans le Panthéon des génies de cet art célébrés dans ce musée de la BD qui compte par milliers des planches originales ( les amateurs connaissent la valeur que peuvent atteindre en salles de ventes certaines de ces œuvres soit plusieurs centaines de milliers d’euros… !)
Histoire mouvementée du Château des Ducs d’Angoulême
Du Xe siècle au XIIIe siècle, les comtes d’Angoulême, les Taillefer puis les Lusignan ont renforcé les défenses de la ville et les ont agrandies en englobant le quartier Saint-Martial. En 1308, à la mort de Gui Ier de Lusignan, le comté d’Angoulême revient à la couronne de France. Il est donné à Louis d’Orléans, frère du roi Charles VI, en 1394 puis transmis à son fils Jean d’Orléans, grand-père de Marguerite d’Angoulême et de François Ier.
La construction de l’actuel hôtel de ville d’Angoulême sur l’emplacement de l’ancien château des Valois a été l’occasion d’une violente polémique entre M. Paul Dabadie, architecte chargé des travaux, et les membres de la Société d’Archéologie et d’Histoire de Charente (SAHC). M. Dabadie voulait démolir immédiatement le château, mais la société d’archéologie, qui a pour mission de veiller à la conservation des monuments historiques du pays, a émis …un vœu en faveur de cet édifice.
Construit de 1858 à 1869 dans un style pour le moins « éclectique », le château est inspiré en grande partie de l’esthétique médiévale et ponctué de quelques références à la Renaissance comme au style néo-gothique ou au Classicisme. Ne subsistent que le donjon des Lusignan (XIIIe siècle) et la tour des Valois (XVe siècle) éléments historiques sauvegardés avec difficulté, noyés dans cet éclectisme massif de l’architecture officielle et administrative de Mr Dabadie, lequel a mieux réussi dans les très couteux travaux de rénovation de la basilique Saint-Pierre…
Amateurs friands de détails provinciaux historiques, sachez qu’à la suite d’un concours régional tenu à Angoulême, le 17 mai 1877, la statue de Marguerite de Valois par M. Badiou de Latronchère fut dévoilée et offerte par l’auteur à la ville, puis érigée sur la place de la nouvelle mairie où ses derniers admirateurs viennent encore se recueillir. Malgré une sourde opposition de quelques détracteurs, dont Prosper Mérimée inspecteur des Monuments historiques, deux discours historiques furent prononcés dans cette fête solennelle, l’un par M. Mathieu Bodet, ancien ministre des Finances et président du conseil général de la Charente, l’autre par M. Babinet de Rencogne, archiviste de la ville et président de la Société archéologique et historique de ce département…
Cathédrale Saint-Pierre
Le chantier de la cathédrale Saint-Pierre commence en 1100 sous l’impulsion de l’évêque Girard et ne s’est pratiquement jamais interrompu, destin des grands œuvres architecturales que chaque génération nouvelle tend à préserver ou à… améliorer, hormis sa transformation en temple de la Raison sous la Révolution. Sa façade principale richement décorée de petites scènes sculptées, souvent peu pacifiques, est vue par certains comme une prédestination du rôle à venir de la ville dans la diffusion de la bande dessinée. Certaines ont été faites vers 1118-1119, date qui correspond à la reprise de Saragosse dans la reconquête de l’Espagne contre les Sarrasins. Cette victoire est illustrée par deux scènes de la Chanson de Roland qui relatent également la victoire de Roland à Saragosse. La partie gauche de la frise illustre le combat équestre de l’évêque Turpin, avec sa cotte de mailles et sa mitre, contre le géant Abisme, qu’il transperce de sa lance. Au centre : un gonfanon, puis à droite, Roland, neveu de Charlemagne, poursuit Marsile, roi de Saragosse, tranche de son épée le bras de l’adversaire dont le cheval a déjà tourné bride. Puis, sur la scène suivante, Marsile tombe devant la porte ouverte de Saragosse.
Le trésor par Jean-Michel Othoniel
Le projet de la mise en valeur du trésor de la cathédrale d’Angoulême a été confié pour la scénographie au sculpteur Jean-Michel Othoniel, dans le cadre d’une commande publique artistique, soutenue par le mécénat d’Engie. Le trésor occupe la chapelle gothique Saint-Thibaud, située le long du mur oriental du transept sud ainsi que deux salles au premier étage de cette chapelle, aménagée dans les restes du clocher détruit au canon par les huguenots en 1588… Les guerres de religion ayant secoué l’angoumois pendant une trentaine d’années (Ravaillac régicide huguenot du roi « renégat » n’était-il pas originaire d’Angoulème). Le « parcours » s’effectue en « 3 stations », chacune correspondant à un thème : le Lapidaire, l’Engagement, le Merveilleux. L’artiste a entièrement transformé l’espace, et présente près de 150 objets d’art sacré restaurés provenant de tout le diocèse.
Toutes les explications et interprétations voulues sur la volonté et le talent de l’artiste sont déployées avec élégance par la voix suave de Marie Reine Bernard, guide agrée par la DRAC et dont la présence est obligatoire pour la visite, à réserver au préalable.
À noter, dans ce bric-à-brac sacerdotal qui réunit tant d’objets de culte, un reliquaire créé par l’artiste, destiné à abriter un petit os, modeste relique de saint Pierre Aumaître, prêtre charentais mort en martyr en 1866 en Corée puis canonisé en 1984.
Cette émouvante relique est à rapprocher du gigantesque tibia de turiasaure découvert en Charente par le doctorant Maxime Lasseron et exposé avec nombre d’autres artefacts dans le musée dont le conservateur était le médiatique paléo-archéologue Jean-François Tournepiche.
Quelques noires anecdotes de l’histoire…
Affaires criminelles en Charente (1793 – 1818) : Pendant la tourmente révolutionnaire, une bande de criminels connue sous le nom de “chauffeurs” a commis de nombreux crimes dans les campagnes autour d’Angoulême. Ces bandits utilisaient des méthodes brutales, telles que brûler les pieds de leurs victimes pour découvrir où elles cachaient leur argent.
L’Auberge Sainte-Barbe : L’un des chefs de cette bande, originaire de Saintes, a continué ses activités criminelles pendant l’Empire à l’auberge Sainte-Barbe, près d’Angoulême.
Siège d’Angoulême par les Vikings (848) : Au milieu du IXe siècle, Angoulême a subi les raids et les pillages des Vikings, qui ont remonté la Charente et ont pillé la ville.
Expositions de BD à la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image
L’exposition permanente “Croquez « ! La BD met les pieds dans le plat”, jusqu’au 10 novembre 2024 en explorant la relation entre la nourriture et la bande dessinée…Bon appétit !
Riad Sattouf, “L’Arabe du futur œuvre-monde” : C’est l’une des dernières occasions de voir cette exposition, car elle est dans ses derniers jours.
Thierry Smolderen “Le scénario est un bricolage” : Cette exposition met en lumière le processus de création d’un scénario de bande dessinée.
La Cerise a 20 ans : Célébrant le 20ème anniversaire de l’éditeur La Cerise, cette exposition est également dans ses derniers jours.
Trésors des collections : À partir du 30 mai 2024, cette exposition présentera des pièces rares et précieuses des collections de la Cité.
Pour plus d’informations sur les horaires et les tarifs, visiter le site officiel de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image https://www.citebd.org/
Texte et Photos : Sylvain Grandadam
