En sortant de Chinon, par une route sinueuse qui semble vouloir éviter le tumulte de la Loire, on s’engage dans un pays de vignes et de songes. Au cœur du pays de Rabelais, surgit le Rivau : forteresse de taille humaine, aux allures de veilleur, plutôt que de conquérant. Avec ses tours coiffées de toits en poivrière et des douves qu’enjambe un pont de pierre, le château du Rivau réunit l’architecture médiévale et Renaissance, l’art des jardins, la création contemporaine et l’art de vivre.

Le domaine est composé d’une forteresse seigneuriale remontant au XIIIème siècle et d’un logis Renaissance, le tout classé Monument Historique. Racheté en 1992 par la famille Laigneau, le domaine a retrouvé son faste grâce à un vaste programme de réhabilitation.

Poussons la porte de cette demeure. Le grincement du bois est celui qu’ont entendu il y a cinq siècles, les soldats du seigneur Pierre de Beauvau. Pour protéger ses terres, il fit reconstruire ce château en 1442 avec l’aval du roi Charles VII, en remerciement de ses bons et loyaux services.

La salle du Grand Logis

France. Château du Rivau. La salle du grand logis est peuplée par des trophées de collection cynégétique. Château du Rivau.
France. Château du Rivau. La salle du grand logis est peuplée par des trophées de collection cynégétique. © Château du Rivau.

La salle du Grand Logis accueille une collection patrimoniale de taxidermie mise en résonance avec des œuvres d’art contemporain. Autrefois témoins du passage de chevaliers et de diplomates, les vieilles poutres abritent désormais les créations de Julien Salaud, Art Orienté Objet (Marion Laval-Jeantet et Benoît Mangin), Marnie Weber, Nicolas Darrot, ou encore Jeff Koons, dont l’ironie audacieuse se confronte à un trophée de chasse du XVIIIe siècle. Ce contraste ? Il est voulu. La maîtresse des lieux, Patricia Laigneau, aime faire dialoguer passé et présent. Entre un trophée cynégétique du XVIIIe siècle, et une licorne en perles de verre, le regard hésite : passé ou fantaisie ? Ici, la taxidermie ne sent pas la naphtaline, mais la provocation ! Montons maintenant l’escalier en colimaçon. Touchons la pierre : elle est polie par des siècles de pas.

La Salle des Dames

France. Au château du Rivau, La peinture d’histoire est revisitée dans la salle des Dames
avec les portraits féminins des beautés les plus célèbres de la
Renaissance.  Au premier plan, une installation de cinq céramiques gravées et
émaillées du duo Lamarche Ovize et la couronne de Vincent Olinet. © P. Laigneau.
France. Au château du Rivau, la peinture d’histoire est revisitée dans la salle des Dames
avec les portraits féminins des beautés les plus célèbres de la
Renaissance. Au premier plan, une installation de céramiques gravées et
émaillées du duo Lamarche-Ovize et la couronne de Vincent Olinet. © P. Laigneau.
France. Château du Rivau. Dans la Salle des Dames, les artistes revisitent les portraits célèbres de beautés de la Renaissance, telle une Grace de Cranach mais tatouée par l’artiste belge Jean-Luc Moerman. © Collection Château du Rivau.
France. Château du Rivau. Dans la Salle des Dames, les artistes revisitent les portraits célèbres de beautés de la Renaissance, telle une Grace de Cranach mais tatouée par l’artiste belge Jean-Luc Moerman. © Collection Château du Rivau.

ORLAN et la Vénus de Botticelli

France. Château du Rivau. Avec humour, ORLAN se dépeint en Venus de Botticelli. © Atelier Find Art/Château du Rivau.
France. Château du Rivau. Avec humour, ORLAN se dépeint en Venus de Botticelli. © Atelier Find Art/Château du Rivau.

On découvre aussi la Vénus de Botticelli sous un angle nouveau. ORLAN et Bianca Bondi proposent leur interprétation de cette iconique tableau. ORLAN à l’aide du morphing : avec ce logiciel photographique, l’artiste a sélectionné les points sur l’image peinte par Botticelli et les a fait correspondre à sa propre image à travers le lightbox. Bianca Bondi propose une nouvelle lecture du bénitier qui donne naissance à Vénus en utilisant un processus de cristallisation.

La Joconde réinterprétée par Ange Leccia et par Pierre Ardouvin

France. Château du Rivau. La déraison du Louvre. La Joconde réinterprétée par Ange Leccia et par Pierre Ardouvin. © Collection Château du Rivau.
France. Château du Rivau. La déraison du Louvre. La Joconde réinterprétée par Ange Leccia et par Pierre Ardouvin. © Collection Château du Rivau.


Ange Leccia et Pierre Ardouvin reconsidèrent l’iconique Mona Lisa, tous deux par des innovations dans le domaine de la photographie et de l’ordinateur « Un écran de veille, c’est à la fois une référence à ce que génère automatiquement les ordinateurs quand on cesse de les utiliser et qu’ils vont chercher des images dans leur mémoire », remarque Pierre Ardouvin.

La Dame à la licorne

France. Château du Rivau. Julien des Monstiers, La dame à la licorne, 2024-2025
Collection Château du Rivau.
France. Château du Rivau. Julien des Monstiers, La dame à la licorne, 2024-2025
©
Collection Château du Rivau.

Quant à Julien des Monstiers, il évoque librement La Dame à la licorne de Raphaël. L’artiste se plait à expérimenter le médium peinture dans ses tableaux où l’on retrouve pêle-mêle le paysage rural avoisinant, les fleurs des Tapisseries de Mille-fleurs, la licorne non pas blanche mais de couleur baie, figée dans une chute interminable comme si elle rejetait le mythe et que la Dame s’était libérée.

La Salle du Festin

France. Château du Rivau. Le thème du repas est exploré dans cette salle dédiée à la
convivialité. © Château du Rivau.
France. Château du Rivau. Le thème du repas est exploré dans cette salle dédiée à la
convivialité. Sur la gauche de l’image, Dutch Last Supper de Sabine Pigalle.
Collection Château du Rivau. © Château du Rivau.

Plus loin, la salle du festin explore le thème des repas. Là, « The dutsh last supper » de Sabine Pigalle fait danser des visages anachroniques dans une composition flamande, parodie de la Cène peinte par Léonard de Vinci. Mais les dames du Siècle d’or hollandais remplacent les apôtres. On songe à ces repas où des convives ne devraient pas s’entendre et pourtant s’amusent. Et juste en face, « Le festin de Balthazar » où Rembrandt, raconte l’orgueil des rois. Comme un clin d’œil à l’éternité des repas.

Salle des Portraits

France. Château du Rivau. ancienne salle des gardes du château, la salle Beauvau ou salle des Portraits, les visages du passé veillent sur ceux d'aujourd'hui. P. Laigneau.
France. Château du Rivau. ancienne salle des gardes du château, la salle Beauvau ou salle des Portraits, les visages du passé veillent sur ceux d’aujourd’hui. © P. Laigneau.

Nous entrons dans la salle des portraits : les visages des anciens seigneurs du Rivau dialoguent avec ceux de la famille actuelle photographiée par Valérie Belin, les scènes familiales de Delphine Balley mêlant réalités et fictions, les transformations facétieuses d’Orlan… On assiste à un dialogue entre les siècles.
Dans cette galerie de figures féminines, personnifiant tour à tour, le courage, le fabuleux, la beauté et le mystère, se glisse un objet extraordinaire : la couronne sur dimensionnée de l’artiste Vincent Olinet, ornée de pierres aux noms enchanteurs. Lapis-lazuli, œil-de-tigre et turquoises sertissent cette coiffe royale évoquant les trésors lies à l’imaginaire du merveilleux.

Quinze jardins remarquables

France. Château du Rivau. Au bord du chemin des fées, on découvre le monumental Pot rouge de Jean-Pierre Raynaud. © Château du Rivau.
France. Château du Rivau. Au bord du chemin des fées, on découvre le monumental Pot rouge de Jean-Pierre Raynaud. © Château du Rivau.

Labellisé Jardin remarquable, ce jardin décline quinze tableaux vivants ponctués de sculptures monumentales qui plongent le visiteur dans un univers onirique inspiré des contes de fées, tout en assurant la préservation du patrimoine horticole du Val de Loire. Citons le potager de Gargantua, où poussent des légumes anciens aux noms oubliés. Le jardin de la licorne avec ses œuvres blanches et mystérieuses. Ou encore le jardin du Petit Poucet avec ses hautes graminées très ornementales.

France. L’univers féérique du Rivau se devait d’abriter une cabane. Conçue par Julien des Monstiers, cette étrange cabane présente un double visage. D'un côté des murs en rocaille. De l'autre une porte de container. Château du Rivau.
France. L’univers féérique du Rivau se devait d’abriter une cabane. Conçue par Julien des Monstiers, cette étrange cabane présente un double visage. Des murs en rocaille et sur l’une des faces, une porte façon container. © Château du Rivau.

Plus loin, au milieu des arbres du verger, une cabane de Julien des Monstiers, dont l’une des faces figure une porte façon container de marchandises, pouvant symboliser les échanges mondialisés, loin de l’artisanat d’antan. Julien des Monstiers brouille les frontières entre la féerie et le réel.

France. Château du Rivau. En s'approchant de la cabane de Julien des Monstiers, En s’approchant, on découvre à travers les judas pratiqués dans la porte les fresques colorées et lyriques, à priori séduisantes peintes par l’artiste, dévoilant le territoire rural environnant. © Château du Rivau/P. Laigneau.
France. Château du Rivau. En s’approchant de la cabane de Julien des Monstiers, on découvre à travers les judas pratiqués dans la porte les fresques colorées et lyriques, peintes par l’artiste, dévoilant le territoire rural environnant. © Château du Rivau/P. Laigneau.

Chaque année, les salles des deux niveaux du Château qui recueillent l’exposition sont enrichies de nouvelles pièces. Ainsi, chaque saison voit son renouveau de plantations comme d’œuvres installées dans le parc ou exposées dans le Château.

Joutes équestres au Rivau

France. Château du Rivau.  Les joutes sont organisées par la Compagnie Chevalerie Initiatique dans les douves du château. Château du Rivau.
France. Château du Rivau. Les joutes sont organisées par la Compagnie Chevalerie Initiatique dans les douves du château. © Château du Rivau.

Chaque année, lors d’un weekend du mois d’août, des joutes équestres et une fête médiévale sont organisées dans les douves et communs du château. Ici le passé ne dort pas sous une chape de poussière, il galope, chante, flamboie et invite chacun à goûter à la vie et aux rêves du Moyen-Age grâce aux fêtes médiévales. Entre murailles séculaires et jardins de légendes, ces fêtes transportent petits et grands dans un tourbillon de joutes équestres, de marché d’artisans et de spectacles hauts en couleur.

Joutes équestres au Château du Rivau. Regarder

Armures lustrées, lances tendues, chevaux fin prêts. Le tournoi commence. Les deux seigneurs, celui du Rivau et celui de Langeais, se jaugent dans la poussière dorée des douves. Les cavaliers galvanisent la foule. Le choc des lances résonne, sec, vibrant, dans un fracas mesuré. Journée de spectacle, mais aussi de partage : le public est à deux pas, encouragé à choisir un camp, à vibrer au son de banderoles multicolores flottant dans le matin estival.
Quand le soleil grimpe, la Scénoféerie de Semblançay, costumée en habits Médiéval et Renaissance, se glisse parmi les allées des jardins, costumes soyeux, gestes délicats. Les passeurs de légendes jouent leur fable vivante, comme une ode à l’imaginaire.

Douceurs d’antan

Dans les jardins, les campements se multiplient. Un marché médiéval s’installe dans la cour des communs, le verger et le pressoir : 30 exposants, érudits des matières, couleurs et saveurs d’autrefois.
Un petit royaume s’érige sous une tente de toile claire, embaumant l’air de parfums sucrés et épicés. Là, s’affaire la pâtissière du marché, la gardienne des recettes oubliées, celle des miels, des fruits secs, des épices venues d’Orient – cannelle, girofle, muscade – qui transforment le sucre rare en festin. Ses gâteaux, pâtisseries et tartes ne ressemblent en rien aux douceurs modernes : ce sont des trésors d’authenticité, des ponts savoureux entre hier et aujourd’hui.
Sur la table, les tourtes aux pommes et aux noix côtoient les croustillants de miel et les dattes farcies aux amandes. Les pains d’épices, légèrement dorés, brillent sous le soleil, tandis que des petits gâteaux parfumés à la rose évoquent les jardins lointains d’Arabie.

Les visiteurs s’approchent, attirés par l’odeur qui chatouille les narines et l’accueil chaleureux de la pâtissière. Elle raconte volontiers l’histoire de ses recettes, transmises de mère en fille, évoquant les festins des seigneurs comme les repas simples des villageois où chaque douceur était un cadeau rare. Dans ce marché médiéval, la pâtissière est plus qu’une vendeuse : elle est une passeuse de mémoire, une artisane qui, par ses mains et ses mets, raconte le temps, donne corps aux goûts du passé et fait fondre le présent dans l’écho des traditions.

Eclats de lumière au marché médiéval du Rivau


Sous un auvent finement décoré de banderoles, la lumière du matin joue déjà avec les couleurs. Là, assise derrière une table couverte de petits outils, Céline travaille en silence. Ses mains fines, tachées de poussière de verre, manipulent avec une précision presque religieuse de minuscules fragments colorés.
Elle est artiste verrière, héritière d’un savoir-faire que les maîtres du Moyen Âge réservaient aux vitraux d’églises et aux fenêtres des demeures princières. Mais ici, au marché, elle détourne cet art pour créer des objets de décoration en vitrail Tiffany : médaillons translucides où dansent des fleurs stylisées, lampes teintées diffusant une lumière chaude, miroirs bordés de petites scènes chevaleresques.

Chaque pièce naît de la patience : choisir le verre, tracer, découper. Ses gestes sont précis, presque chorégraphiés. Lorsqu’un rayon de soleil effleure l’un de ses vitraux, les couleurs se répandent en éclats sur la table, sur ses mains, sur le visage émerveillé des curieux. Les passants s’arrêtent, intrigués par cette alliance de tradition et de nouveauté. Certains repartent avec un petit pendentif coloré, d’autres commandent un vitrail pour leur maison, conscients que cet art demande une rare maîtrise.

Patricia Laigneau, l’âme du Rivau

Patricia Laigneau a fait de ce château en Touraine, un écrin singulier où dialoguent patrimoine et création contemporaine. Depuis plus de vingt ans, elle y présente une partie de la collection qui réunit près de quatre-vingts artistes internationaux et émergents. La démarche de cette collectionneuse passionnée se distingue par une attention particulière portée à la place des femmes dans l’art et aux questionnements de notre époque. Au cœur des jardins de contes et des salles gothiques, sculptures, installations et peintures tissent un parcours vivant jalonné de surprises. Passionnée et passeuse d’art contemporain, Patricia défend l’indépendance d’esprit de cette collection, souvent marquée par une touche d’humour et un sens du merveilleux.

En 2025, le Rivau réserve bien des surprises avec plus de quatre-vingts œuvres étonnantes qui explorent des thèmes historiques à travers une scénographie inspirée des cabinets de curiosités et de la vie de château. Cette année, l’exposition du Château du Rivau a pour thème : Surprises au Château du Rivau.

Prochain rendez-vous : la Fête de la citrouille les 11 et 12 octobre 2025 au potager de Gargantua et vivez une expérience haute en couleur autour des potirons pantagruéliques !

Un hôtel 4 étoiles au cœur d’un Monument Historique
Dans le Logis Renaissance, sept chambres doubles de grand luxe ont également retrouvé tout leur cachet et permettent aux visiteurs de séjourner et d’expérimenter à la fois la vie de château et l’ambiance d’une collection privée d’art contemporain.

Château du Rivau
9 rue du Château
37120 Lémeré
33 (0)2 47 95 77 47

Texte : Michèle Lasseur