L’exposition Italia Veloce, offre un panorama de l’art italien au XXe siècle. Au travers de tableaux, d’affiches publicitaires, ou encore en abordant le cinéma, la photographie, le mobilier. Le futurisme en est le fil conducteur.
Collectionner l’art moderne
Juliette Faivre-Preda, conservatrice du musée d’Art Moderne de Troyes, présente l’exposition Italia Veloce ou l’interrogation de la modernité au travers de 130 œuvres de la Fondation Cirulli à Bologne.
Les collectionneurs, Sonia et Massimo Cirulli, ont rassemblé au fil des ans peintures, sculptures de grands maîtres, publicités, affiches de cinéma, objets du quotidien conçus par des designers.
En 2015, ils créent à Bologne la fondation qui porte leur nom. Ce regard italien dans la sélection d’œuvres fait écho, en France, au regard du couple de collectionneurs Pierre et Denise Levy qui sont à l’origine du musée d’Art Moderne de Troyes. Une plongée dans plus d’un demi-siècle de création, de la naissance de la modernité au début du 20e siècle jusqu’au boom économique italien des années 1960.
De Bologne à Troyes : deux familles de collectionneurs
Ces 2 familles ont en commun l’amour de l’art, une vision sur la façon de collectionner et une volonté de partager leur passion. Pierre Lévy (1907-2002) et son épouse Denise ont rassemblé une remarquable collection privée d’art moderne en l’espace de quatre décennies. Denise Lévy avait collectionné la sculpture et aussi beaucoup de verres de Maurice Marino peintre, maître-verrier et Troyen. Elle a rassemblé également des tapisseries, des céramiques et des peintures des courants majeurs du 19e siècle au 20e siècle : les Nabis Bonnard, Édouard Vuillard, Ker-Xavier Roussel ou Maurice Denis, les Fauves Maurice de Vlaminck, Raoul Dufy, Georges Braque, ou Derain. En 1976, le couple fait don à l’état de 2.000 œuvres à condition qu’elles soient exposées à Troyes. Ce sera dans l’ancien évêché qui deviendra en 1982 le musée d’Art moderne de Troyes.
De l’autre côté des Alpes, Sonia et Massimo Cirulli, une génération après, ont aussi un regard très ouvert.
Leur collection très vaste et vivante mêle énormément d’objets différents.
L’Art sous toutes ses formes
L’exposition Italia Veloce, arts et design au XXe siècle, centrée sur la publicité, le design, les affiches de cinéma, donne une vision de l’art italien de 1910 à 1960. Elle s’ouvre sur les artistes futuristes avec une œuvre de Giacomo Balla (1871-1958), une voiture lancée à pleine vitesse. Et la décomposition du mouvement. On pense à la célèbre phrase de l’écrivain fondateur du mouvement futuriste, Filippo Tommaso Marinetti (1876-1944) : » Une automobile rugissante, qui a l’air de courir sur de la mitraille, est plus belle que La Victoire de Samothrace « . Publié en 1909, son » Manifeste du Futurisme » professe les idées d’un renouveau total de l’art. Avec les machines et la vitesse. Les thèmes sont l’éloge de la machine en mouvement, la ville moderne et le mouvement de ses lumières, la représentation de lignes de forces qui s’entrecroisent.
L’exposition continue avec l’Aero-peinture qui a imprégné le second futurisme des années 30 et 40 et l’importance de l’aviation. L’avion et l’épopée du vol deviennent le symbole de cette nouvelle esthétique. Elle crée une nouvelle façon de voir le monde, teintée parfois de nationalisme fasciste.
Ainsi le plasticien Bruno Munari (1907-1998) représente en 1930 un avion qui survole une sphère qui symbolise la terre. Il veut retranscrire le mouvement pendant le vol, ce qui le contraint à synthétiser la réalité : sur la sphère, seule l’Italie est esquissée.
Du dynamisme au néo-réalisme
L’Italie fasciste avait rêvé d’un monde nouveau et les artistes d’un art neuf. L’Italie des années 1950-60, bouillonnante de joie de vivre, va apporter l’art dans la vie quotidienne. Le « néo-réalisme » montre la vie du peuple italien. L’art quitte galeries et musées pour s’installer dans la rue sous forme d’affiches, de publicités, de peintures murales.
Du futurisme au mouvement du design moderne, l’écart s’amoindrit entre les œuvres d’art et les objets du quotidien. On le constate dans l’exposition avec une section consacrée aux nouvelles entreprises de design, de création de meubles et de publicité. On retrouve des objets iconiques comme la moto, le scooter Lambretta (1954) ou la machine à écrire portable » Valentine » réalisée par Ettore Sottsass pour Olivetti (1969).
Artistes et architectes se réinventent en designers ou en dessinateurs publicitaires. Ainsi l’affiche de la bouteille conique de l’apéritif Campari Soda, créée par le peintre futuriste Fortunato Depero (1892-1960).
L’exposition témoigne ainsi de ces échanges entre artistes et industriels, designers ou publicitaires qui sont à l’origine d’une émulation générale des arts. Elle se termine par une ouverture sur le théâtre et le cinéma, acteurs également de ce foisonnement artistique du XXe siècle.
PRATIQUE
« Italia Veloce : arts et design au XXe siècle », exposition du 22/6 jusqu’au 20/10 au Musée d’art moderne de Troyes.
Collections nationales Pierre et Denise Levy et première présentation en France d’une sélection d’œuvres de la collection Fondazione Sonia & Massimo Cirulli, située à Bologne, avec le concours du Consulat d’Italie à Paris.
Commissariat : Juliette Faivre-Preda et Jeffrey T. Schnapp.
Tarifs : 8 €, gratuit le 1er dimanche du mois.
Catalogue : Snoeck éditions, 159 pages, 25 €
www.musees-troyes.com
www.troyes.fr
La Fondation Cirulli a pour but de valoriser l’art et la culture visuelle italienne du XXe siècle, depuis la naissance de la modernité jusqu’aux années du boom économique (1900-1970). Le siège de la Fondation est situé à San Lazzaro di Savena, à quelques kilomètres de Bologne. Il a été conçu en 1960, par les architectes et designers Achille et Pier Giacomo Castiglioni, pour Dino Gavina, l’éditeur des plus grands classiques du design italien.
Photo ouverture : Danilo Donati (1926-2001). Amarcord. En 1969, il entame une collaboration prestigieuse comme chef décorateur avec Federico Fellini (Satyricon, Roma, Amarcord, Casanova).
Texte et Vidéo : Michèle Lasseur