Au Mali, la production de coton a un fort impact sur la qualité de l’alimentation des populations. L’utilisation de pesticides d’origine chimique présente un risque réel pour les humains et les sols.

Fleur de coton. Raunak Gayen sur Unsplash.
Fleur de coton. © Raunak Gayen/Unsplash.


Le Mali compte parmi les principaux pays africains producteurs de coton qui présente d’intéressantes sources de revenus pour les communautés rurales autant que pour l’Etat, lequel tire des avantages substantiels de la vente des produits dérivés par l’intermédiaire de la compagnie malienne pour le développement du textile, l’entreprise d’état chargée d’organiser la production et la commercialisation.
Dans ce pays, si on admet que « l’or blanc » comme on le surnomme contribue à l’amélioration du bien être des communautés locales, il reste qu’elles ne vont pas mieux sur le plan alimentaire, c’est-à-dire qu’elles mangent mal et se portent moins bien.

Le maïs, base de l’alimentation

Mali. Plantation de maïs. Markus Spiske sur Unsplash.
Mali. Plantation de maïs. © Markus Spiske/Unsplash.

Les systèmes de culture des exploitations familiales agricoles au Mali sont dépendants de la pluviométrie et sont basés sur la production de céréales. Le coton est une culture stratégique au sein de ces systèmes pour les agriculteurs de la zone cotonnière et où le maïs est cultivé dans les régions ayant une pluviométrie annuelle supérieure à huit cents millimètres. Le maïs est une céréale très prisée par la
population pour l’alimentation. Il sert à préparer le repas courant, le Tô, pâte à base de farine de maïs mélangée à de l’eau et destinée à être consommée cuite, principalement sous forme de tranche trempée dans la sauce de gombo ou de feuilles de baobab assaisonnée de poissons séchés, parfois très pimentée.
C’est pour cette raison que la compagnie malienne pour le développement du textile s’est efforcée depuis des années de développer la culture du coton par la fertilisation des sols à travers un système de rotation coton-maïs-maïs-coton ; le maïs bénéficiant de l’arrière-effet de la fertilisation minérale apportée sur le cotonnier.

Mali. Les champs en dormance sont dans un état d'inactivité qui se traduit par l'arrêt momentané des opérations culturales.
Chaka Berthe.
Mali. Les champs en dormance sont dans un état d’inactivité qui se traduit par l’arrêt momentané des opérations culturales. © Chaka Berthe.

Au Mali, l’agriculture s’exerce aujourd’hui dans des conditions aléatoires avec des risques importants de sècheresse et d’inondation dus aux effets de la crise climatique marqués par la hausse des températures, la baisse de la pluviométrie, l’augmentation des périodes sèches et le décalage des saisons qui accentuent donc la fragilité des écosystèmes. Aussi, l’approche de la Compagnie malienne pour le développement du textile vise à pérenniser les systèmes de culture par l’utilisation par l’emploi d’insecticides chimiques pour la protection phytosanitaire du coton et d’engrais minéraux et organiques dans une moindre mesure, car les agriculteurs connaissent l’importance de la fumure organique mais l’absence de cheptel fait qu’ils ne l’appliquent pas.

La fertilisation chimique en cause

Pulvérisation de pesticides dans un champ. Dibakar Roy/Unsplash.
Pulvérisation de pesticides dans un champ. © Dibakar Roy/Unsplash.

Par conséquent, les populations font les frais de ces systèmes. Au cours de mes activités réalisées pour tester des insecticides chimiques avec des agriculteurs du village de Kléssokoro, dans la zone cotonnière de Bougouni où je me rends régulièrement depuis une décennie, j’ai constaté qu’ils sont confrontés à des problèmes identiques pour lesquels ils n’ont pas de réponse. En effet, les enfants souffrent de Kwashiorkor, une dénutrition due à l’indisponibilité d’aliments riches en protéines, liée au faible pouvoir d’achat. En outre, les sols n’ont pas de « force ». La nature sauvage des sols est morte, victime des engrais minéraux et des insecticides chimiques.
En caricaturant, plus la Compagnie malienne pour le développement du textile intervient, plus la production augmente. Plus la production augmente, plus le marché est déséquilibré. Plus le marché est déséquilibré, plus l’agriculteur doit commercialiser et plus il doit commercialiser, moins il peut satisfaire ses besoins alimentaires.

Repenser les stratégies en tenant compte des populations

Mali. Village de Klessokoro. Le amassage du bois de chauffe se déroule de mars à mai. On va chercher le bois mort en brousse pour les besoins domestiques de l'hivernage qui débute en juin et pour faire des palissades. Chaka Berthe..
Mali. Village de Klessokoro. Le ramassage du bois de chauffe se déroule de mars à mai. On va chercher le bois mort en brousse pour les besoins domestiques de l’hivernage qui débute en juin et pour faire des palissades. © Chaka Berthe.

Donc, en repensant les systèmes alimentaires par l’intégration des stratégies d’économie solidaire au développement local, on peut protéger la nature, relever les défis climatiques, améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition.
Le but est de développer des projets d’entrepreneuriat basés sur l’économie solidaire à but écologique de sécurité alimentaire et nutritionnelle ainsi que de réduction de la pauvreté par des activités génératrices de revenus et dans lesquels les gens se sentent liés par une responsabilité et des intérêts communs.

Mali. La vie des femmes du village de KLÉSSOKORO en zone cotonnière de Bougouni au Mali n'est pas de tout repos en saison sèche et chaude. Quand elles n'entretiennent pas leurs jardins au bord du fleuve à 10 kms de marche du village faute d'un puits maraîcher villageois, elles entretiennent leurs maisons avant de s'acquitter le soir de la cuisine.  Chaka Berthe.
Mali. La vie des femmes du village de KLÉSSOKORO en zone cotonnière de Bougouni au Mali n’est pas de tout repos en saison sèche et chaude. Quand elles n’entretiennent pas leurs jardins au bord du fleuve à 10 kms de marche du village, faute d’un puits maraîcher villageois, elles entretiennent leurs maisons avant de s’acquitter le soir de la cuisine. © Chaka Berthe.

C’est pourquoi j’ai créé, avec des ressortissants villageois l’association « Alliance bio » autour du projet « Renforcement de la résilience des ménages de la communauté rurale de Kléssokoro et de leur accès au système de marché par le maraîchage bio » qui comprend six axes : la formation en compostage, l’amélioration de la volaille locale, l’appui au reboisement, le tourisme vert, l’embouche (1) des ovins et caprins, la vente de volailles locales.
Les objectifs généraux du projet sont l’amélioration de la situation socio-économique des femmes du village, de la région et la préservation ou réhabilitation de l’équilibre écologique de la zone.
Ainsi, dans la base de notre groupement  » Alliance Bio « , située sur un terrain privé de 300 mètres carrés aménagé en banlieue de Bamako dans la zone aéroportuaire, nous reproduisons pendant l’hivernage la variété locale de maïs bio appelée en langue locale Bambara « Chêdougouni« . C’est une variété à cycle court de 60 jours que nous diffusons bénévolement auprès des petits producteurs pour qu’ils aient la possibilité de faire des revenus en contre-saison c’est-à-dire après l’hivernage; où l’épis de maïs frais coûte 2 fois plus cher qu’en hivernage. C’est une solution pour assurer la sécurité alimentaire et réduire l’impact du changement dans les communautés rurales pauvres au Mali.

L’association Alliance Bio est qualifiée pour offrir à ses membres des opportunités de revenus leur permettant d’avoir un emploi durable par son autofinancement.
Cependant faute de soutien, le projet n’a pu débuter effectivement et je me sens frustré par l’absence d’altruisme.

1 – L’embouche est définie comme la préparation ou la mise en condition des moutons et chèvres pour la boucherie. Elle peut se faire sur pâturage ou en stabulation.

Texte : Chaka BERTHE, Ingénieur agronome, Consultant Formateur Expert en appui institutionnel et en Gestion administrative – Bamako – Mali
mail : berthechaka770@gmail.com

Photos : selon mention
Photo d’ouverture : Fred Moreno/ Unsplash