La convention annuelle du Centre d’études des indépendants du voyage (CEDIV) vient de se dérouler en Sicile, avec comme fil conducteur : « travailler mieux, pour gagner mieux ». Deux leviers d’amélioration de la performance ont été développés : la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et l’intelligence artificielle (IA).

Adriana Minchella, Présidente du CEDIV.
Adriana Minchella, Présidente du CEDIV.


Accueillis par la famille Mangia, propriétaire du resort Torre del Barone (1) à Sciacca sur la côte sud-ouest de l’île où s’est déroulée la manifestation, les quelque 170 participants (agents de voyage, partenaires et journalistes tourisme) ont planché 4 jours sur les grands changements qui vont avoir un impact sur la profession. « Evoluer, s’adapter » et « s’inspirer des meilleures pratiques des autres secteurs » pour réussir ce « virage vers le nouveau monde », autant de recommandations qu’Adriana Minchella, présidente du Cediv a donné à son réseau dans son discours d’ouverture pour « se projeter vers l’avenir » et réussir les mutations indispensables. « Validons les étapes nécessaires à accomplir en 2026 et 2028 pour un atterrissage réussi en 2030 », a-t-elle déclaré. Et de rappeler les propos d’Albert Camus : « La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent. »

Agir aujourd’hui pour mieux préparer demain

Hôtel Torre el Barone. Sciacca. Sicile.
Hôtel Torre del Barone. Sciacca. Sicile.


Tel est effectivement l’enjeu auquel sont confrontées les entreprises du voyage. La responsabilité en incombe à chacune, que ce soit sur les sujets de RSE ou d’IA générative, une rupture technologique souvent comparée à celle produite par l’avènement de l’Internet grand public qui va vite transformer la profession dans son approche client. Alors que ChatGPT compte aujourd’hui 100 millions d’utilisateurs par semaine, comment les professionnels du tourisme vont-ils l’intégrer ? 63 % des voyageurs américains utilisent déjà l’IA pour préparer leurs vacances, tandis qu’en France, ce chiffre n’est seulement que de 11 %, selon la récente enquête du Boston Consulting Group. Olivier Roche, directeur France- FCB.ai (http://fcb.ai) – un écosystème conversationnel basé sur l’IA – a ainsi expliqué lors de sa conférence que Transavia, Booking et la SNCF s’en servent déjà. Reste aux agents de voyage à s’approprier l’outil pour affiner, personnaliser la relation client et répondre au mieux à la demande (prestations sur mesure, conseils adaptés par exemple) en créant de l’empathie et de la proximité, gages de fidélisation. Sans oublier les bénéfices liés à l’automatisation de certaines tâches (réservation de vols, sélection d’hébergements, etc.) qui feront gagner du temps de production. Ou encore la mise en place de stratégies de communication plus efficaces destinées à créer de la valeur (ciblage clients, innovations sur les produits et services qui devront prendre en compte le changement climatique, etc.). « Ne pas l’utiliser, ce serait se mettre hors-jeu », estime Adriana Minchella.

La démarche RSE au cœur des préoccupations

Sicile. Sélinonte. Temple E, dit de Héra.
Sicile. Sélinonte. Temple E, dit de Héra.



Quant à la RSE, le Cediv est déjà engagé sur cette voie qui dépasse largement les notions de bilan carbone et de dématérialisation pour s’attaquer à tout l’écosystème du tourisme. À cet égard, Rachel Loison (Responsable RSE Best Western) et Jérôme Andriot (Responsable RSE The Originals Hotels) ont détaillé les actions qu’ils mettaient en place au sein de leurs structures pour valoriser leur marque employeur auprès de leurs collaborateurs, clients et partenaires commerciaux et développer un modèle pérenne et des pratiques respectueuses pour la viabilité du tourisme. Comme toutes les activités humaines, ce secteur doit être repensé pour faire face au défi environnemental auquel nous sommes confrontés.
S’agissant de la clientèle des agences, il existe bien une prise de conscience de la nécessité d’un tourisme durable, plus vertueux, mais dans la pratique, on note une amorce de changement (26 % des clients s’en préoccupent selon l’enquête conduite par le réseau). Le Cediv, par la voix de sa présidente Adriana Minchella, confie qu’il va « réfléchir à une démarche pour sensibiliser les clients à l’écoresponsabilité et au tourisme durable afin de répondre aux enjeux de demain » en s’entourant des compétences nécessaires. Adriana a d’ailleurs, dans son discours inaugural, souligné que « le voyage permet de mieux prendre conscience de la pauvreté ou des défis écologiques auxquels la planète doit faire face, [..] et peut être à l’origine du développement d’une conscience sociale et environnementale. Car c’est en s’ouvrant aux autres, à d’autres expériences et d’autres cultures que l’on peut modifier sa perception du monde ». La RSE n’est pas un artifice de communication. Elle va donner le rythme aux agences pour accélérer leur mutation.

Quels sont les comportements et attentes des voyageurs ?

 Sciacca est célèbre pour ses céramiques fines. Galerie Giuseppe di Schittone.
Sciacca est célèbre pour ses céramiques fines. Galerie Giuseppe di Schittone.



La crise sanitaire a changé les habitudes de voyage et voit poindre certaines attentes, comme le montre l’enquête que le Cediv a menée auprès de 150 adhérents du réseau. Tout d’abord, les délais de réservation sont plus courts et 67 % des clients déclarent modifier leur plan de vacances pour des raisons budgétaires. La crainte de l’avenir est une préoccupation pour 36 % et les conflits armés pour 33 %. Toutefois, le voyage est devenu un besoin et le voyageur n’arbitre pas quand il s’agit de ses vacances.
La notion de tarif est-elle déterminante ? Etrangement, non ! La réponse peut paraitre surprenante en cette période inflationniste. En effet, 61 % des clients acceptent les augmentations de prix bien que 44 % aient l’intention à l’avenir de réduire leurs dépenses. Les clients ont aujourd’hui besoin d’être rassurés, sécurisés et accompagnés par les professionnels. Par conséquent, leur choix se porte préférentiellement sur des marques de références.
Concernant les destinations les plus plébiscitées, en moyen-courrier ce sont, dans l’ordre, l’Espagne (incluant les Canaries), « en forte croissance », puis la Grèce et l’Italie avec notamment la Sicile qui a « de belles structures hôtelières, ce qui devrait faire augmenter la demande », estime Adriana. En long courrier, on retrouve en tête la République Dominicaine, l’Ile Maurice, et la Thaïlande ex aequo avec la Martinique.
Dans les demandes émergentes, citons l’autotour pour 59 % des cas et des voyages sur-mesure pour 32 % d’entre eux. 65 % des clients attendent un programme personnalisé. La tendance qui se dessine montre une demande accrue de services : assistance 24h/24 et 7j/7, service de conciergerie, aide aux formalités de voyage… Reste que cela implique des investissements et a un coût pour le client.

Le Cediv en quelques chiffres



Créé en 2002, le CEDIV est un groupement d’intérêt économique d’agences de voyages indépendantes, de toutes tailles, et de toutes spécificités, réparties sur tout le territoire en France métropolitaine et Outre-mer.
Le réseau comptabilise 230 points de vente adhérents à ce jour. Il va s’étoffer d’une trentaine agences supplémentaires l’an prochain.
Sur l’exercice 2023, le réseau réalise 100 millions d’euros de volume d’affaires en billetterie et autant en ventes tourisme.
Sur les trois premiers trimestres, le Cediv a dépassé de plus de 37% le chiffre de 2019 en volume d’affaires. https://cediv.travel/

1 – https://mangias.com/fr/resort/torre-del-barone-sicily/

Texte : Brigitte Postel
Photos : Brigitte Postel et DR