De Naples à Taormine, de Capri aux villages de la côte amalfitaine, cette croisière maritime proposée par CroisiMer nous emmène à la découverte de l’Italie du Sud et du Nord-Est de la Sicile. Une incursion dans les spirales du temps et des paysages d’une singulière beauté. On se fait La Belle ?
Baignée par les splendides eaux des mers Ionienne et Tyrrhénienne, l’Italie du Sud a de quoi séduire tout passionné de mer et d’histoire. Terre de mythes depuis l’Antiquité, esquissée au rythme des sursauts de ses entrailles, le sud italien est un tableau vivant qui exhale un éventail d’odeurs. Parfum des orangers et citronniers accrochés aux terrasses, notes florales de myrte et de jasmin, volutes aillées émanant des trattorias et senteurs d’embruns vivifiants colorent l’univers onirique de la Méditerranée. Un athanor où se mêlent le soufre, le mercure et le sel.
Naples, à l’ombre du Vésuve
C’est à Naples que nous rejoignons notre bateau La Belle de l’Adriatique. Accosté sur le molo Angioino, face au Castel Nuovo, forteresse construite au 13ème siècle sous le règne de Charles Ier d’Anjou, notre vaisseau blanc accueille ses passagers répartis dans 99 cabines. Du pont, on aperçoit le Palazzo Reale, où vécurent Murat et son épouse Caroline Bonaparte, que dore un doux soleil de décembre. C’est l’heure d’arpenter les ruelles ornées de linge du quartier espagnol, de découvrir les marchands de tout et de rien qui encombrent la chaussée, d’écouter les concerts de klaxons et de bel canto mêlés, de s’amuser des bavardages qui s’échangent entre commères d’une fenêtre à l’autre, de s’imprégner de cette atmosphère paradoxale où le baroque le plus somptueux côtoie les outrages du temps.
Prisée par les esthètes et les écrivains depuis le XVIIème, la cité campanienne était une des destinations du Grand Tour, ce long voyage que les jeunes gens de bonne famille se devaient d’accomplir. Goethe, Stendhal, Alexandre Dumas l’ont célébrée, comme beaucoup d’autres moins connus. Tant de civilisations s’y sont succédé, ont laissé leurs empreintes, de même que dans toute la péninsule : Grecs, Romains, Byzantins, Normands, Angevins, Aragonais, sans oublier les Bourbons et l’intermède napoléonien. La ville demande qu’on s’y attarde si l’on veut vraiment découvrir toutes ses richesses.
Capri, c’est pas fini
Le lendemain, après une nuit à quai, nous prenons un hydroglisseur pour nous rendre à Capri et Anacapri. Pendant la nuit, la mer s’est enflée d’une petite houle et un petit crachin accompagne la traversée. Magie des îles : en arrivant au port, plutôt calme en cette saison, le ciel chargé de gros nuages cendrés se troue peu à peu de bleu. La visite débute sous de bons auspices. Que dire de Capri, cette île de basalte, d’ostentation et de tourisme international ? Au fil des siècles, « l’isola » est devenue un mythe. Même en hiver, sa beauté est bien réelle et on se laisse prendre aux charmes de ce caillou dont la végétation dévale ses pentes abruptes jusqu’aux flots. « L’île aux Sangliers » des Grecs fut aussi l’un des petits coins de paradis des Romains.
Chantée par l’écrivain et médecin suédois Axel Munthe, qui légua sa fameuse villa San Michele à son pays d’origine, Capri est devenue à partir du XXème une destination en vue. Comme en témoignent les oasis de luxe et les audaces architecturales qui jalonnent l’île. La villa de l’écrivain Curzio Malaparte où Jean-Luc Godard tourna Le Mépris avec Brigitte Bardot et Michel Piccoli en est un bon exemple. Certains jardins comme celui de la villa Jovis, une des douze résidences de Tibère, réservent de merveilleux panoramas sur les golfes de Naples et de Salerne et le Vésuve.
L’industriel allemand Krupp, qui passait ses hivers à Capri, irrité de ne pas pouvoir accéder facilement à son bateau amarré à la Marina Piccola, fait tailler dans le rocher une route en lacets à flanc de montagne, la Via Krupp. À Capri, la démesure fait partie de l’ordinaire ! Un conseil toutefois : mieux vaut éviter de séjourner à Capri en été : quelque 10 000 visiteurs quotidiens se bousculent dans ses ruelles pour croiser les people ou se faire voir.
En fin d’après-midi, le retour en hydroglisseur s’annonce plus tranquille. Après les exercices de sécurité obligatoires à bord pour prendre la mer, un cocktail de bienvenue nous attend avec présentation de l’équipage. Un équipage d’une cinquantaine de membres qui seront aux petits soins des passagers pendant toute la croisière.
Pompéi et Herculanum : le cri de la désolation
Après une seconde nuit à quai, la baie de Naples s’éveille sous un doux soleil d’hiver. C’est pour nous le moment de plonger aux sources de notre civilisation : Pompéi et Herculanum, villes momifiées par le feu du Vésuve qui surplombe la baie. Ici, chacun sait qu’il va se réveiller un jour, mais quand ? En attendant les colères de ce monstre endormi, les Campaniens vivent dans la désinvolture du danger (la dernière éruption remonte à 1944) et ne le guettent que pour voir si la journée sera pluvieuse ou ensoleillée.
Sur les pentes de ce diable, les hommes ont rebâti, planté ; un défi lancé à l’inévitable. Mais la vie transcende les drames ! Et Naples se sait immortelle. Du moins, tant que l’œuf caché par le poète Virgile sous le castel dell’Ovo ne se cassera pas… selon la légende (1).
Pompéi a reposé sous un linceul de pierres ponce pendant près de deux millénaires, depuis 79 après J.C. date de l’éruption meurtrière, parfaitement préservée dans sa gangue de cendres et de boues séchées. Ce n’est qu’au dix-huitième siècle que les fouilles ont mis au jour cette cité prospère, rayée de la carte en quelques heures. On ne peut qu’être touché par la fébrile beauté qui s’en dégage. Hommes, femmes et enfants ont été figés pour l’éternité par la cendre brûlante, morts en tentant de s’abriter, de s’enlacer, de respirer dans un bouche à bouche d’apocalypse.
De cette époque, subsistent quelques extraordinaires témoignages de l’art de vivre dans des maisons de maître, comme la villa des Mystères, à Pompéi, aux pièces peintes de somptueuses fresques ; ou celles d’Herculanum, mieux préservées qu’à Pompéi.
L’après-midi est dédiée à la visite du cratère de la Solfatare de Pouzzoles, situé à une quinzaine de km de Naples. C’est la zone la plus active d’un groupe de volcans qui constitue les Champs Phlégréens, dont le nom signifie brûlant en grec. Le site dégage des fumerolles de souffre et est connu depuis l’Antiquité pour les propriétés curatives de ses eaux sulfureuses.
En fin de journée, tous les passagers sont sur le pont pour notre première navigation qui va se poursuivre de nuit en mer Tyrrhénienne. On écoute l’eau glisser le long de la carène, cette petite musique de la mer, ou on sirote un verre au bar en regardant s’éloigner cette baie mythique, une des plus belles du monde.
En Méditerranée, les marins savent la météo capricieuse. Chacun est donc à son poste sur La Belle. « En hiver, on peut avoir des coups de vent, mais rien de conséquent, parfois quelques trombes qui ne durent pas longtemps, explique le commandant. Au printemps et en automne, des orages brefs, accompagnés de vents plus soutenus, peuvent arriver. Nous devons toutefois être vigilants car ces eaux sont très fréquentées par toutes sortes de bateaux. » Heureusement, la mer ne nous a pas chahutés cette nuit là et nous accostons dans la matinée à Vibo Marina pour une excursion dans la petite ville médiévale de Vibo Valentia et une visite au musée archéologique de la ville.
Allons à Messine… et à Taormine
La fin d’après-midi de ce quatrième jour se poursuit en naviguant jusqu’à Messine. Le trafic maritime est intense dans ce détroit car l’Italie développe de plus en plus les « autoroutes de la mer » pour transporter les marchandises. Mais avec notre bateau équipé de radars de dernière génération, nous sommes en sécurité.
Après une nuit au port, il est temps d’explorer de plus près le plus grand volcan actif d’Europe : l’Etna. Au 20e siècle, il est entré 80 fois en éruption ! Son activité incessante modifie constamment sa hauteur qui est aujourd’hui de 3 350 m. Notre programme est un peu chamboulé par la neige qui s’est mise à tomber dru, ce qui n’est pas étonnant en ce début de janvier. Impossible d’atteindre à pied le fameux cratère Silvestri et son paysage lunaire. Heureusement, les dieux sont avec nous et le temps de déguster un capuccino, nous avons la chance d’admirer les flancs enneigés de ce volcan dont la dernière éruption importante remonte à mai 2016.
Face à l’Etna, Taormina est une petite ville médiévale perchée sur une terrasse surplombant la mer. Ce petit paradis qui conjugue style et élégance s’étire sur les versants du mont Tauro, à 200 m d’altitude, sous un couvert de végétation luxuriante d’amandiers, de citronniers, de bougainvillées. Elle fut crée en 358 av J.-C. par des habitants fuyant Naxos détruite par le Tyran Denis. Guy de Maupassant, qui visita l’île en 1885, déclara : « Ce village est un tableau, mais un tableau dans lequel on trouve tout ce qui semble exister sur terre pour séduire les yeux, l’esprit et l’imagination. »
Du théâtre antique grec, remanié par les Romains, au corso Umberto, l’avenue commerçante qui traverse la ville, les influences se succèdent pour le plus grand plaisir des visiteurs. Au fil des siècles et des conquérants, la ville s’est enrichie de palais, d’églises et de maisons qui enchanteront les amoureux des vielles pierres. Le théâtre grec, qui aurait laissé Goethe sans voix, dit-on, offre des vues magnifiques sur l’Etna et sur la mer.
Tindari et sa Vierge noire
Le soir venu, nous levons l’ancre pour Milazzo, à quelque 25 milles nautiques de Messine. Cette ancienne ville grecque est le point de départ pour visiter Tindari, sanctuaire de la Vierge Noire. Perché sur son promontoire à 270 m d’altitude et visible de très loin, ce lieu de pèlerinage est assez fréquenté. L’église héberge une statue d’une vierge noire originaire de Byzance en cèdre du Liban, enfermée dans une châsse richement décorée.
Du haut du belvédère, la vue embrasse la mer Tyrrhénienne, les îles Éoliennes et la côte sicilienne. De retour à bord, le bateau file en direction de Salerne que nous atteindrons dans la nuit.
Iles Eoliennes et côte amalfitaine
Le Stromboli apparait en fin d’après-midi. Les passagers sont sur le pont, ou pour les plus frileux dans le salon panoramique, pour voir quelques gerbes de laves en fusion jaillir de son cratère. Hélas, Vulcain est paresseux et ne nous lâchera que des fumées noirâtres et un bref crachat rouge. Si les 17 îles des Eoliennes (seulement sept sont habitées) sont toutes d’origine volcanique, seuls Stromboli et Vulcano ont encore un volcan actif. Stromboli abrite deux villages accessibles par bateau qui sont envahis dès le printemps.
La journée du lendemain est entièrement consacrée à la côte amalfitaine que l’on va explorer côté jardin en bus et côté mer en bateau. Son paysage unique, avec ses versants abrupts et ses villages suspendus sur les pentes des monts Lattari, ses falaises, sa végétation luxuriante, a été inscrit au patrimoine de l’Unesco en 1997. Cette côte majestueuse, à l’art de vivre enchanteur, au large de laquelle se niche Capri, est peut-être la plus belle de Méditerranée.
Le bus nous emmène à Sorrente, une jolie ville bien calme en cette saison. La ville est réputée pour être la capitale de la fameuse liqueur de citron, le limoncello que nous dégustons avec plaisir.
Positano est le village le plus chic de la côte, repère d’Américains fortunés et de célébrités. Son succès n’est pas usurpé. Accrochées aux falaises, ses ruelles escarpées forment une pièce montée de maisonnettes colorées. De même que Ravello ou Amalfi qui a donné son nom à cette magnifique côte. De belvédère en belvédère nos regards ne cessent d’être émerveillés !
Mais il faut partir, avec au fond de nous l’envie de revenir et de passer plus de temps dans ces villages de carte postale. On flâne une dernière fois dans les échoppes colorées pour rapporter chez soi un peu d’ici. Quelques citrons confits, des céramiques bariolées, du limoncello un peu trop jaune pour être naturel, et des épices pour spaghetti « aglio, olio e peperoncini ».
Comme pour une révérence d’adieu, La Belle longe une dernière fois cette côte mythique avant de rejoindre Naples, notre destination finale. Les villages de pêcheurs multicolores à flanc de falaise s’empourprent au fur et à mesure que le soleil se couche. Les rochers abrupts sur lesquels les vagues se pulvérisent en écume blanche plongent dans une eau d’un bleu intense. En s’enfonçant dans la nuit, l’heure est déjà aux souvenirs…
(1) Le poète Virgile voulant faire une farce aux Napolitains avait caché dans le château un « œuf magique » en or doté du pouvoir de défendre la ville de n’importe quelle catastrophe. La plupart des habitants y crurent au point qu’en 1343, une tempête touchant le château, une rumeur disant que l’œuf s’était cassé jeta la panique dans la ville, obligeant Jeanne d’Anjou à y placer un second œuf et à déclarer solennellement que l’œuf avait été remplacé et que ses pouvoirs magiques étaient rétablis.
La Belle de l’Adriatique
La Belle de l’Adriatique est le 26e bateau de croisière de la compagnie strasbourgeoise CroisiMer et le premier navire de mer de sa flotte. C’est un bateau à 4 ponts qui peut accueillir 198 passagers (Longueur : 110 mètres, Largeur : 12,80 mètres, Tonnage : 3500 tonnes). Il a été construit par le chantier Meuse et Sambre et mis en service en 2007. La coque et les 2 ponts inférieurs ont été constitués à Namur, le navire a ensuite été remorqué jusque Bruxelles par un canal où les 2 autres ponts ont été terminés. Ceci, à cause de la hauteur des ponts de chemin de fer, des routes, etc. car un bateau de 4 ponts ne passait pas en dessous.
La belle de l’Adriatique a été équipée de stabilisateurs latéraux de type « FINS » qui permettent au navire d’être stable en cas de houle. De plus, le bateau est également pourvu de canots de sauvetage pouvant héberger la totalité des passagers et des membres d’équipage. Avec 2,50 m de tirant d’eau, ce qui est assez faible, La Belle peut naviguer dans des zones où n’accèdent pas les grands paquebots de croisière et accoster dans des ports de petite taille.
Texte et Photos : Brigitte Postel
https://www.croisieurope.com/croisiere/naples-cote-amalfitaine-sicile-calabre-classique