Témoin privilégié de la Renaissance, Pierre de Ronsard, chef de file de la Pléiade avec Joachim du Bellay (1522-1560), fut un grand poète, un bon chrétien et même un bon religieux. On célèbre cette année le 500e anniversaire de sa naissance supposée (1524).
Le manoir de la Possonnière, maison natale de Ronsard
copyright C. Lasseur
Dans la vallée du Loir, les demeures ramassent autour d’elles potager, verger, petit-bois. Elles ont une niche à saint, une date inscrite sur un linteau. Maisons faites de tuffeau, percées d’ouvertures égales et chapeautées d’ardoise bleu foncé.
Pierre de Ronsard, que l’helléniste Jean Dorat, faisant l’anagramme de son nom, appelait Rose de Pindare, est né dans une de ces demeures, le Manoir de la Possonnière, à Couture-sur-Loir, en Vendômois, le 11 septembre 1524 (la date est incertaine et encore discutée). La demeure n’appartint jamais au poète puisqu’elle vint en héritage à son frère aîné.
« L’an que le roi François fut pris devant Pavie
Le jour d’un samedi Dieu lui prêta vie » (1)
Façade blanche de style Renaissance, c’est une gentilhommière à un étage aux fenêtres à meneaux décorées à l’italienne. Construite par le père du poète vers 1515, la demeure comprend un corps de logis rectangulaire, et des dépendances creusées dans le tuffeau. Les petites figurines sculptées dans la pierre poreuse et tendre du tuf qui décoraient le logis ont été endommagées par l’action du temps. Une tourelle octogone enferme l’escalier.
Au fronton d’une lucarne ornée qui éclaire le toit sont sculptées les armes des Ronsard : d’azur aux trois poissons d’argent. Selon Valérie Martel, notre guide, ce sont 3 « ross » (petits gardons que l’on trouve dans le Loir). Référence au nom de famille originel, Rossart.
L’intérieur est classique : le rez-de-chaussée et le premier étage sont pourvus de vastes salles. À l’intérieur du logis, le plus bel ornement est la cheminée sculptée. Elle fut recouverte plus tard d’un badigeon ocre superflu.
La vie de la maison se passe de l’autre côté, sur la cour sud surplombée par un bois, reste de la forêt de Gastine. Des communs troglodytiques sont ornées de sculptures Renaissance et d’inscriptions. La demeure a été grandement restaurée au XIXe siècle. Il comprenait plusieurs bâtiments groupés autour d’une cour intérieure : le corps de logis principal, une chapelle, des communs. La chapelle et l’aile en retour vers le coteau ont disparu. Du bâtiment adossé au coteau ne subsistent que les caves et une partie de l’escalier qui desservait les étages.
Les jardins s’harmonisent avec l’esprit du manoir et la prose de Ronsard : roseraie bien sûr, abricotier, vigne, laurier, labyrinthe, chambre de verdure avec la collection de menthes, pergola, vergers de pommiers et allées de tilleuls. Des visites « découverte » de ce jardin d’inspiration Renaissance sont d’ailleurs proposées tout au long de la saison.
Mais la vraie maison de Ronsard, c’est cette vallée du Loir. Enfant, il s’est promené dans les prés alentour, il s’est penché sur le miroir de la rivière. C’est la « parlante rive » le « meschant Loir » qui osa un jour renverser le bateau du poète et souiller de sa fange celui qui avait « tant chanté sa gloire et sa louange ».
Le Loir tard à la fuite
En soy s’esbanoyant,
D’eau lentement conduite,
Tes champs va tournayant…
Il commença sa vie au pré Bouju dans la marjolaine où sa nourrice le laissa choir sur le chemin de l’église de Couture pour être baptisé. Une damoiselle « chargée d’un vaisseau rempli d’eau de rose et de plantes aromatiques, dans son empressement à le relever, versa sur sa tête une partie de cette eau de senteur ». Un présage des bonnes odeurs dont les fleurs de sa poésie allait embaumer la France ! Il voulait être pour l’éternité sur l’île verte à Couture mais elle fut vendue par son frère aîné.
Ronsard et son époque
Le premier étage de la Possonnière est consacré à diverses expositions dont celle du peintre Frédéric Lère qui habite la région. Il expose six tableaux dont deux en diptyque, sur le thème « Le siècle de Pierre de Ronsard ». Et nous emmène de l’autre côté de l’Atlantique avec « 1524, route des Amériques ». Dans la maison natale du poète, le visiteur se pose la question : Ronsard connaissait-il l’existence des Amériques ?
Peut-être car François 1er (1494-1547) avait compris tous les avantages que retiraient les rois d’Espagne et du Portugal de l’exploitation des richesses encore presque inconnues du Nouveau-Monde. Il attacha à son service le navigateur d’origine florentine, Giovanni da Verrazzano. Le 17 avril 1524, celui-ci entrait dans la Baie de New York qu’il baptisa « La Nouvelle Angoulême » en l’honneur de François 1er, premier roi de la dynastie des Valois-Angoulême. Ronsard naquit cette année-là.
Le résultat : un ensemble de peintures qui intriguent dans cette commune ligérienne classée au Patrimoine mondiale de l’Unesco.
L’exposition « Ronsard : 1524, route des Amériques », de Frédéric Lère, est à découvrir au manoir de la Possonnière, à Vallée-de-Ronsard, jusqu’au 29/9.
Ronsard : courtisan, clerc et poète
Son père le destine très jeune à la carrière de robe, mais avant de devenir le grand poète que l’on sait, il va servir à la cour de François 1er, puis du duc d’Orléans et de Jacques V d’Écosse. Un parcours diplomatique interrompu par une maladie et un retour en convalescence dans la maison familiale. Une carrière de robe est à nouveau envisagée et, en mars 1543, Ronsard est tonsuré par l’évêque du Mans – ce qui va lui permettre de bénéficier de prébendes qui lui assureront une vie confortable – mais reste au service de Charles II d’Orléans qui l’avait rappelé. Sa première grande œuvre est ses Odes, dont les quatre premiers livres paraissent en 1550, suivies en 1552 des Amours de Cassandre, ouvrage qui confirme les talents du jeune poète. Aumônier du roi, protégé par Henri II puis par Charles IX qui lui offre le prieuré de Saint-Cosme en 1565 en récompense de ses services, Ronsard va continuer son œuvre littéraire tout en s’occupant de son jardin.
1 – Extrait de Choix de Poésies de P. de Ronsard précédé de Sa Vie et accompagné de notes explicatives, A. Noël, Professeur au lycée impérial de Bordeaux, tome second, Paris, Librairie de Firmin Didot Frères, Fils et Compagnie, 1862.
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Texte : Michèle Lasseur