« Beau comme un palais de fées, grand comme un palais de roi », a dit Victor Hugo. « Un monument d’orgueil », selon Flaubert. François 1er est le créateur de Chambord, symbole de la Renaissance, aux confins du Val de Loire et de la Sologne. Tout ici résulte de la volonté et des choix d’un même homme.
François 1er (1494-1547) fonde une nouvelle lignée, les Valois, ce château prend donc une valeur dynastique et… diplomatique. 440 pièces, 800 chapiteaux, 80 escaliers. Et une forêt giboyeuse pour chasser : des lapins de garenne et, sortant des feuilles comme un éblouissement, de longs faisans. Ce parc forestier de 5 440 hectares, dont 1 000 sont ouverts au public fut jadis royal. Avec des bois, des étangs et un mur de 33 km qui entoure le domaine de chasse.
Un château construit sur des terrains marécageux
« Cambo Ritos » en vieux celte signifie « le gué sur la courbe ». À défaut de pouvoir dévier le cours du Cosson, Chambord repose sur des pilots de chêne enfoncés jusqu’à 12 m de profondeur. Le joyau de l’architecture Renaissance nécessita 200.000 tonnes de pierres de tuffeau, la pierre calcaire à grains fins de Touraine facile à sculpter. Elle vient de Bourré à côté de Montrichard, acheminée par bateaux jusqu’au port de Chambord à Saint-Dyé-sur-Loire puis par chariots. Le roi veut maîtriser la construction. À chacun de ses passages, il n’hésite pas à améliorer le plan du château. Quelle fut l’influence de Léonard de Vinci, qui résidait à côté, au château du Clos-Lucé ? Il est admis aujourd’hui que le « premier peintre, premier ingénieur et premier architecte du roi », comme se plaisait à le nommer François 1er, a influencé l’architecture du château.
Le roi est très chrétien, il a une fonction temporelle et une fonction sacrée. Arrivé au deuxième étage, dans la salle en croix, nous voyons une alternance de F et de salamandres : certaines avalent le feu et d’autres crachent de l’eau. À Chambord, la salamandre figure plus de 300 fois sur les plafonds et les murs. Avec la devise du roi : « Nutrisco et extinguo », « je nourris (le bon feu), j’éteins (le mauvais) ».
Des couronnes coiffent les salamandres ou enserrent le « F » de François. Elles sont toutes dites » à l’impériale « , c’est-à-dire fermées et surmontées d’un globe et d’une croix. Une référence à Charlemagne, le seul roi de France à avoir été aussi empereur. Au niveau de la terrasse, les couronnes sont différentes : ouvertes et ornées d’une corde franciscaine à nœud. Elles évoquent le roi Saint-Louis.
À la sobre décoration de l’intérieur du château succède la richesse ornementale des toits.
Le plan s’organise autour du donjon. Au milieu d’un immense vestibule en croix grecque s’élève un étrange escalier. Deux volées de marches s’enroulent l’une autour de l’autre, autour d’un noyau central. On peut se voir d’un escalier à l’autre. Deux personnes peuvent l’une monter, l’autre descendre sans se rencontrer. Comme une hélice, le château semble tourner sur lui-même et s’envoler vers la tour-lanterne et le ciel.
Des esquisses de Léonard de Vinci ?
Cet escalier à double révolution dessert les appartements aujourd’hui presque démeublés et surtout les toits. Surprise : l’escalier est triple ! À partir du 3e étage, le vide central au milieu des 2 volées de marches est occupé par un 3e escalier qui monte sur 20 m de hauteur, logé dans le noyau de l’escalier principal et construit sur le vide. Du jamais vu ! Un croquis identique se trouve dans les carnets de Léonard de Vinci. Léonard est mort depuis longtemps quand l’escalier est construit mais on peut penser qu’il en est l’inspirateur. Cette « échelle de Jacob » permet de monter au sommet (58 m) de la tour-lanterne couronnée d’une fleur de lys à la place de la croix. Elle deviendra la couronne officielle de la monarchie.
On est en plein ciel, au plus près de Dieu. Comme dans une église, on voit des arcs-boutants qui soutiennent cet escalier. Sur l’un d’eux est écrit « 1533 ».
Chambord fut un rêve d’orgueil. Le meilleur ennemi de François 1er, Charles Quint allait combattre une révolte de protestants dans les Flandres. François Ier (qui fut son prisonnier après la défaite de Pavie) l’autorise à traverser le pays et veut l’éblouir. Il l’invite… à Chambord (1539). Les cavaliers aperçoivent le bleu vif des ardoises, le blanc du tuf, les statues. L’empereur ne passe qu’une nuit à Chambord mais est très impressionné. Il confiera n’avoir « jamais rien vu de plus beau que ce palais surgi du fond des bois ».
Le vainqueur de la bataille de Marignan (il avait alors 20 ans) régna 32 ans mais n’habita Chambord que 42 jours. Le château fut racheté par l’État, en 1930.
Chambord est situé à 17 km de Blois dans le département du Loir-et-Cher, en région Centre-Val de Loire.
426 pièces, soit une quarantaine d’appartements, 77 escaliers.
Lire : Chambord. Dossier de l’Art n° 109. 2004. Editions Faton
Texte : Michèle Lasseur