Majorelle - Maroc

Son nom est uni à jamais à une couleur, le bleu cobalt profond que Jacques Majorelle, ce peintre jardinier visionnaire, étale sur les murs de sa villa-atelier de Marrakech au début des années trente. Et à un jardin féérique, œuvre d’une vie. Une oasis d’essences rares, sauvée en 1981 de la convoitise immobilière par Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent. Pour exalter un rêve de peintre.

La première fois qu’on pénètre dans ce jardin clos, à l’image des jardins islamiques, on est surpris par l’atmosphère de sérénité et de paix qui baigne le lieu. Bien loin du brouhaha et de la lumière trop forte de la ville ocre. Seul, le bruissement d’une fontaine ou le chant d’un oiseau s’échappe de ce jardin mosaïque que Majorelle va magnifier en le peignant comme on peint une toile. Pergolas, fontaines, jarres, bordures d’allées ou de bassins, murs de la villa-atelier, le bleu cobalt souligne ces épures immobiles sur lesquelles s’animent les tons verts des essences et les fleurs venues des cinq continents.

La villa vue du jardin de cactées.

La villa vue du jardin de cactées.


« Ogre vorace »

Dans cette oasis de verdure que Majorelle n’a eu de cesse d’enrichir jusqu’à sa mort, de grands arbres – palmiers, pistachiers, cocotiers, grenadiers – forment une voûte protectrice contre le soleil cuisant de l’été ou les morsures de l’hiver. On est au pied du Haut Atlas et le génie de ce collectionneur est d’avoir su protéger les essences végétales des forts écarts de températures. Sous les hautes frondaisons, des centaines d’espèces – cactées, yuccas, nénuphars, nymphéas, jasmins, bougainvillées, palmiers, cocotiers, bananiers, euphorbes ou bambous – s’épanouissent dans une harmonie maîtrisée.

Construite en 1933, la pergola anime la villa cubiste imaginée par l’architecte Paul Sinoir.

Construite en 1933, la pergola anime la villa cubiste imaginée par l’architecte Paul Sinoir.

Face à la maison, un bassin couvert de nénuphars, de papyrus et de lotus se prolonge en un chemin d’eau qui ouvre la perspective sur le pavillon de repos. De rigoles en bassins, de fontaines en canaux, l’eau, âme du jardin islamique, sert ainsi de miroir aux plantes et apporte un peu de fraîcheur au promeneur. Au fil des ans, le jardin est transformé et agrandi à trois reprises pour atteindre quatre hectares. Rien n’est trop beau pour ce petit paradis sur terre, « ogre vorace sur lequel je m’épuise depuis vingt-deux ans et qu’il faudrait encore vingt ans pour qu’il fasse crever d’envie les anges du Paradis », comme le dit Majorelle en 1945, peu de temps avant une exposition à Casablanca où il espère « refaire ses finances ». Inspiration céleste mais travail de titan qu’il poursuivra inlassablement ! Majorelle peint pour permettre à son « paradis terrestre » de continuer à exister et c’est ce jardin qui, au final, mettra en lumière son œuvre peinte mieux que quiconque.

Les palmiers protègent du soleil ardent les espèces plus fragiles.

Les palmiers protègent du soleil ardent les espèces plus fragiles.

Le sauvetage
Il faudra cependant attendre encore une vingtaine d’années après la mort de son créateur, pour que les anges veillent à nouveau sur ce jardin. Ouvert au public mais laissé à l’abandon, le lieu est surtout fréquenté par les amoureux qui trouvent là un refuge et les pêcheurs qui coupent des bambous pour en faire des cannes à pêche … En 1980 Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé, jusque-là visiteurs et admirateurs du jardin Majorelle, le rachètent, le sauvant ainsi des spéculations immobilières qui minent le patrimoine de Marrakech. Commencent alors de très long mois de travaux de restauration qui aboutissent, en janvier 2001, à la création de l’Association pour la Sauvegarde et le Rayonnement du Jardin Majorelle, assurant ainsi sa pérennité. Le site a retrouvé toute sa splendeur. Avec un musée en prime. L’atelier bleu, conçu en 1931 par l’architecte Paul Sinoir, abrite désormais un petit musée d’art islamique. Un lieu d’exposition pour la collection personnelle de Pierre Bergé et d’Yves Saint-Laurent où sont présentés des objets d’art islamique venant du Maghreb et plus largement d’Orient. Céramiques, poteries, armes, bijoux composent un fonds d’une extrême beauté. Un espace est également consacré à Majorelle, l’artiste-peintre.

Majorelle - MarocAprès la mort du célèbre couturier (1er juin 2008), une stèle a été élevée à sa mémoire dans le Jardin Majorelle. Ce jardin a été donné par Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé au début des années 80 à une Fondation britannique qui est chargée de son entretien. Il est fréquenté par plus de 600 000 visiteurs par an.

Un peu d’histoire
Jacques Majorelle est né à Nancy en 1886. Il est le fils du célèbre ébéniste Louis Majorelle. Venu à Marrakech en 1917, il tombe amoureux du Maroc et acquiert en 1924 dans la palmeraie un terrain qui allait devenir son jardin, un Eden qu’il ouvre au public dès 1947. Il décède en France en 1962 des suites d’une leucémie et repose à Nancy.

Visiter
Le jardin Majorelle est ouvert tous les jours (horaires variables selon les saisons). Chiens et pique-nique sont interdits. Un petit café restaurant sert des spécialités marocaines, cuisine excellente et service attentionné. Jolie terrasse avec vue sur le jardin.
Majorelle - Maroc
Avenue Yacoub El Mansour
Marrakech
www.jardinmajorelle.com
Tél. (212) 5 24 31 30 47

Se loger
La villa nomade
C’est un joli riad au cœur de la médina historique, avec 12 chambres et suites réparties sur deux niveaux et décorées dans la plus pure tradition marocaine. Toutes différentes, elles ouvrent sur un vaste et lumineux patio arboré et offrent le raffinement du plus pur artisanat oriental. Elles disposent d’un confort et d’un service soignés vous garantissant une ambiance intime. Les murs des salles de bains sont recouverts de tadelakt. Et le riad est chauffé en hiver et climatisé à la belle saison. Le restaurant figure parmi les meilleures tables de Marrakech.
www.villanomade.com
www.vdm.com
Tél. 0892 23 73 73

Lire
Un jardin à Marrakech, Jacques Majorelle, peintre-jardinier 1886 – 1962, Alain Leygonie. Ed. Michalon.