Plus de deux-cents objets archéologiques préhispaniques – céramiques, sculptures, textiles et objets d’art indigène – ont été récupérés en janvier par le Pérou auprès de collectionneurs et d’institutions de plusieurs pays. Quelques semaines plus tôt, quarante-et-une pièces archéologiques avaient été rendues au Mexique par le Nouveau-Mexique (États-Unis) et onze objets précolombiens rapatriés d’Italie au Pérou.
Certains de ces objets sont vieux de plus de 2 000 ans. Le plus ancien – un textile de la culture Nazca venu d’Allemagne – date de 200 ans avant Jésus-Christ.
Les objets ont été restitués au Pérou par des collectionneurs privés et des institutions des États-Unis, d’Allemagne, de Belgique, du Canada et d’Espagne. Parmi ces institutions figurent le Santa Barbara Museum of Natural History en Californie, la F.C. Gundlach Foundation en Allemagne et la maison de vente aux enchères belge Booneshares.
Si la plupart ont été renvoyés de leur plein gré, cette restitution est aussi, dans certains cas, le résultat du travail collectif des ministères des Affaires étrangères, de la Culture, de l’Intérieur, du Ministère public et d’Interpol, ont indiqué les responsables.
« Beaucoup ont quitté le pays à la suite d’un trafic illégal », a déclaré le vice-ministre péruvien du Patrimoine culturel, Haydee Rosas. « Je profite de l’occasion pour remercier les citoyens et les organisations étrangères, allemands, belges, canadiens, espagnols et américains, qui sont conscients des dommages causés par le trafic illicite de biens culturels et qui soutiennent nos efforts pour récupérer notre patrimoine culturel », a ajouté Ignacio Higueras, vice-ministre péruvien des affaires étrangères, lors de la cérémonie.
Parmi les objets se trouvaient deux « quipos » – des cordes à nœuds qui servaient de système de comptabilité -, des objets lithiques (notamment des têtes de massue) et des dizaines de sculptures de la culture inca, un empire qui a dominé ce qui est aujourd’hui le Pérou andin du XIIIe siècle jusqu’à l’arrivée des Espagnols. Des artefacts provenant d’autres civilisations indigènes, dont des fragments de textile Chancay et des pièces métalliques Chimu ainsi que des pièces de céramique provenant des cultures Lambayeque et Nazca, ont également été rendus.
Le retour des objets au Pérou s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par ce pays pour récupérer les pièces historiques qui ont été sorties clandestinement du pays ou conservées pendant des décennies dans des musées internationaux. Environ 840 pièces ont été rapatriées au cours des deux dernières années, a indiqué Haydee Rosas.
Préserver les racines culturelles : un mouvement mondial
La restitution d’objets archéologiques au Pérou et au Mexique témoigne d’un engagement mondial grandissant en faveur de la préservation du patrimoine culturel des peuples autochtones. Ces actions reflètent une prise de conscience et une reconnaissance croissantes de la valeur intrinsèque des artefacts culturels, non pas comme de simples objets à valeur esthétique ou monétaire, mais comme des clés irremplaçables pour comprendre les civilisations passées
Le rapatriement au Mexique et la restitution des onze objets précolombiens au Pérou, (à la suite d’une enquête menée par les carabiniers de l’unité de Rome), constituent des étapes importantes dans la réparation des torts historiques causés par l’appropriation culturelle et le vol. Le Mexique, qui a récupéré 8 970 objets pré-hispaniques depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement de Lopez Obrador en décembre 2018, s’oppose régulièrement à la vente aux enchères d’objets des cultures méso-américaines qui ont marqué son territoire et forgé les racines mexicaines à travers les siècles.
Ces rapatriements interviennent à un moment où l’Amérique latine réclame de plus en plus le retour de son patrimoine souvent volé et exporté illégalement. Les pays de la région, dont le Mexique et le Pérou, intensifient leurs efforts pour récupérer leur héritage culturel, en contestant les ventes aux enchères d’objets appartenant à leur patrimoine dans les grandes villes du monde entier. L’attitude proactive de ces nations, soutenue par des cadres juridiques internationaux et des accords bilatéraux, signale une évolution vers une protection et une valorisation plus robustes des biens culturels. Chaque objet rapatrié permet de retracer l’histoire d’anciennes civilisations, de leurs structures sociales, de leurs pratiques religieuses et de leur vie quotidienne. En récupérant ces objets, ces pays ne font pas que retrouver des éléments de leur passé. Ils réaffirment également leur identité et présentent au monde la richesse de leur patrimoine culturel.
Ces derniers retours s’inscrivent dans un mouvement plus large vers le respect et la préservation des identités culturelles et historiques des peuples, en particulier dans une région aussi riche et diversifiée culturellement que l’Amérique latine.
En outre, la restitution de ces objets a un effet dissuasif sur le commerce illicite de biens culturels. Elle envoie un message clair aux collectionneurs et aux institutions du monde entier sur l’importance de la provenance et l’impératif moral de restituer les objets culturels à leurs propriétaires légitimes.
Texte et Photos : Brigitte Postel