
La compagnie CroisiEurope nous a emmenés entre Afrique du Sud, Botswana, Namibie et Zimbabwe lors d’un safari à la fois terrestre et nautique, au fil du fleuve Zambèze et de la rivière Chobé, pour finir en beauté par une navigation sur le lac Kariba à bord de l’African Dream et le survol des chutes Victoria en hélicoptère. Inoubliable.

C’est à Johannesburg, capitale économique de l’Afrique du Sud, que débute notre périple. Pas le temps de s’attarder dans cette ville qui a connu 43 ans (1948-1991) de lutte contre la ségrégation raciale. Nous visitons le bouleversant musée de l’Apartheid dont on ne ressort pas indemne, tant les images et les témoignages sont poignants. Le combat de Nelson Mandela (1918-2013) et de la population de couleur y est retranscrit avec forces détails. On enchaîne avec le quartier de Soweto et ses quelque 5 millions d’âmes, quartier symbolique de la lutte anti-apartheid, et la maison de Mandela devenue un musée.
Après une nuit dans un joli hôtel du quartier des affaires, un petit avion nous conduit de Johannesburg à Kasane au Bostwana, où débute notre safari.

Dans la bande de Caprivi

Kasane est connue pour être la porte d’entrée de la bande de Caprivi, une langue de terre namibienne étroite qui se faufile entre l’Angola, le Botswana, le Zimbabwe et la Zambie. Une embarcation nous attend pour nous conduire au Cascades Safari Lodge sur l’île d’Impalila, à la pointe orientale de la Namibie, là où les eaux du Zambèze rencontrent celles de la rivière Chobé.

Affluent du Zambèze, la rivière Chobé serpente mollement à travers la plaine. Ce trajet nous offre déjà un bel aperçu de la vie sauvage. Ses berges sont couvertes de prairies humides, de papyrus et de roselières où se cachent des crocodiles et de nombreux oiseaux. Quelques anhingas, oiseaux aquatiques à long cou, font sécher leurs ailes au soleil. Un groupe d’hippopotames grogne à notre passage. Seuls leurs petites oreilles, leurs narines et leurs yeux émergent, tels de minuscules périscopes. Immobile dans l’eau, un croco de bonne taille paresse en attendant une proie éventuelle tandis que d’autres dorment d’un œil sur la berge. Derniers liens vivants avec les dinosaures, ces reptiles chassent surtout la nuit, se nourrissant de poissons mais ne dédaignant pas un buffle ou une chèvre qui s’approche un peu trop près du fleuve, au grand dam des paysans.

Juste avant d’atteindre l’île d’Impalila, on entend le grondement de rapides qui ponctuent le Zambèze. L’île est entourée à la fois du fleuve Zambèze, de la rivière Chobé et du canal de Kasai. Encore deux minutes de navigation sur un bras de la rivière et nous voici au Cascades Safari Lodge où nous resterons trois nuitées. Nous sommes en terre namibienne et le parc national de Chobé, où se passent les safaris, au Bostwana.
Une concentration exceptionnelle d’animaux



Chaque jour, nous franchissons les frontières pour rejoindre cette réserve de près de 12 000 km², enchâssée entre la Namibie, le Zimbabwe et l’Afrique du Sud. Arrivés au Botswana, nous embarquons à bord de grands 4X4 ouverts. La matinée est entièrement consacrée à la découverte de la faune. Le Parc national de Chobé est le 3e plus grand du pays (10 878 km²), après celui transfrontalier de Kgalagadi (38 000 km²) et la réserve de chasse du Kalahari central (5 235 474 ha). Le Bostwana consacre plus de 30 % de son territoire à la conservation de la nature et protège la plus grande population au monde d’éléphants d’Afrique avec quelque 130 000 animaux. Le gouvernement a interdit la chasse aux trophées en 2014, mais a levé les restrictions en 2019 sous la pression des communautés autochtones, compte-tenu de l’augmentation rapide du nombre d’animaux et des dégâts qu’ils commettent. Le pays permet désormais cette chasse avec des quotas stricts. Environ 300 permis sont délivrés chaque année, générant à peu près 3 millions de dollars de revenus. La chasse est toutefois interdite dans les parcs nationaux, mais on ne peut empêcher les animaux de circuler d’un endroit à un autre…

Il est pourtant peu de spectacles aussi magnifiques qu’un troupeau d’éléphants déambulant tranquillement dans la nature ou barbotant dans la rivière. Le groupe est toujours conduit par la matriarche. Elle connaît les points d’eau qui ne se tarissent pas lors des périodes de sécheresse et les endroits où la nourriture abonde. Ces pachydermes peuvent consommer à l’âge adulte entre 150 et 300 kg d’herbe chaque jour. Ils ne sont pas pour autant des animaux des plaines et préfèrent les zones de forêts qui leur offrent de l’ombre et de la fraîcheur. Au détour de la piste, on tombe sur un éléphanteau qui dort allongé entre sa mère et une autre femelle, chacune dans un sens opposé pour surveiller les éventuels prédateurs.

Les secrets de la savane

Notre guide s’évertue à nous faire voir le maximum d’animaux. Les chauffeurs se renseignent entre eux par radio. Là, il y a des lions assoupis à l’ombre d’un arbre, des buffles ou des léopards, des aigles pêcheurs à la cime des arbres et des singes intrépides qui essaient de nous chaparder de quoi manger dès qu’on fait une pause-café.


Partout, on rencontre les graciles impalas, régime de base de nombreux prédateurs. Les femelles vivent en troupeaux dans la savane, chaperonnées par un seul mâle qui a dû se battre dur pour avoir ce statut jamais gagné. Ces antilopes se nettoient le cou et la tête les unes les autres, un exemple de coopération réciproque rare chez les mammifères non-primates.
L’après-midi, nous partons pour un safari en petit bateau. Ces annexes à fond plat nous permettent d’approcher au plus près de berges pour observer la faune. En se rapprochant de la rivière, quelques impalas sautillants s’invitent dans notre objectif. De grands troupeaux se succèdent, toujours surveillés par un mâle dominant qui garde jalousement son harem. C’est aussi le garde-manger des lions, les plus impitoyables des prédateurs, qui tentent d’avancer couchés pour un festin souvent raté. Les singes les ont repérés et ont donné l’alerte dans un langage que tous les animaux de la savane comprennent.

Puis on découvre des koudous, des zèbres de Burchell, des éléphants s’ébrouant dans la rivière, des hippopotames, des girafes.

En plus de leur long cou qui leur permet de manger ce que les autres espèces dédaignent, les girafes ont une langue préhensile de 45 cm de long qui leur permet de saisir les feuilles d’acacias sans se blesser avec leurs longues épines. Bien qu’elles puissent courir vite (56 km/h), elles sont cependant vulnérables aux attaques des lionnes, en particulier les girafons. C’est quand elles boivent en écartant leurs pattes avant qu’elles sont les plus en danger.

Balade au village de Kamavosu


Le lendemain est consacré à la découverte de l’île d’Impalila et de ses habitants. Ils sont environ 2500 à vivre ici de l’agriculture, de la pêche et du tourisme. Lennon, un natif, est notre guide. Il a invité des femmes de l’ethnie Subiya, un groupe originaire d’Afrique du Sud, à nous faire une démonstration de danses et de chants en guise de bienvenue. Pour nous accueillir, elles ont mis leurs robes de fêtes, composées de plusieurs jupons plissés qui ondulent au balancement des hanches. Ils sont sensés rappeler la robe colorée du paon, nous dit-on. Nous assistons aussi à une démonstration de pilage du maïs auquel s’essaie un jeune homme du groupe. Pas si simple !
Namibie. Femmes du village de Kamavosu pilant du maïs. © B. Postel.
Les villageois sont mieux lotis depuis que CroisiEurope s’est installé sur l’île. Les lodges de la compagnie ont été bâtis sur des terrains dépendant du village de Kamavosu. En échange, CroisiEurope, propriétaire et gestionnaire des lodges, fournit l’eau courante et l’électricité à toutes les maisons. La compagnie tient à impliquer les populations locales dans son développement. Serveurs, femmes de chambre, guides, cuisiniers sont recrutés et formés localement. Nous y étions il y a 6 ans et on constate que le niveau de vie s’est amélioré. Une route y a même été construite.

De retour au lodge, un barbecue au feu de bois a été préparé pour le déjeuner : au menu, des grillades d’agneau, de bœuf, et d’impala agrémentées de légumes grillés. Délicieux. L’après-midi est libre : sieste, baignade dans nos bassins privés ou pêche avec notre guide. En fin de journée, nos accompagnateurs nous convient à un apéritif sur une berge dégagée de la rivière pour admirer le coucher du soleil. Les nuages étirent en écharpe leur gris bleuté vers des nuances de rose et d’orangé, puis le ciel s’embrase jusqu’au déclin du soleil.
Le lendemain, après un ultime safari nautique, nous partons pour l’aérodrome de Kasane. Un Cessna nous attend sur le tarmac pour nous conduire à Kariba au Zimbabwe.

En immersion sur le lac Kariba

Le lac Kariba est un vaste lac artificiel de 5 400 km², partagé par la Zambie et le Zimbabwe. Il mesure 220 km de long et jusqu’à 40 km de large, et entre 10 m et 70 m de profondeur selon le niveau des pluies. La sécheresse n’a pas épargné le lac en 2024 et du ciel, on peut voir des centaines d’îlots qui affleurent et les berges asséchées, découpées telle de la dentelle.
Cette retenue d’eau doit son existence à la construction, entre 1955 et 1959, d’un barrage hydraulique sur le fleuve Zambèze qui le traverse avant de se briser dans les chutes Victoria. Cet impressionnant ouvrage d’art, conçu par l’ingénieur français René Coyne, fournit de l’électricité au Zimbabwe et à la Zambie. La montée des eaux entraîna l’évacuation des villages et eut raison de nombreuses espèces animales dans la vallée, malgré une incroyable « opération Noé » qui permit de sauver près de 6 000 animaux pris au piège.


On rejoint notre bateau, l’African Dream, où nous allons passer trois nuits. Il est amarré au bord de l’île de Spurwing, le nom anglais de l’oie de Gambie. Nous sommes chaleureusement accueillis par le capitaine Leonard Litiba et son équipage. Ce luxueux navire de huit cabines est idéal pour caboter sur le lac dans des conditions optimales de confort et en toute sécurité. Chaque jour, nous changeons de spot pour découvrir différentes facettes de cette immense réserve de vie sauvage.
Matin et soir, nous partons pour un safari nautique de trois heures. Les abords du lac sont un havre de fraîcheur pour les mammifères, les crocodiles et d’innombrables oiseaux : ibis, calaos, rolliers, hérons, oies d’Egypte, cormorans, aigles pêcheurs, etc. Cette réserve d’eau permanente est un gage de survie pour les animaux.
À quelques mètres de nous, un éléphant s’évente en broutant sur un des îlots du lac Kariba. © B. Postel.
Le paradis des hippopotames

Dans le lac Kariba, il existe de nombreuses zones marécageuses où les hippopotames vivent en troupeau. La journée, ils dorment dans l’eau, ne sortant qu’au couchant pour brouter l’herbe des berges. Quand il ne fait pas trop chaud, on peut les voir déambuler mollement à proximité de leur territoire, guettés par les pique-bœufs qui les débarrassent de leurs parasites.






Nos journées s’écoulent doucement au rythme des excursions en annexes et d’observation en 4×4 de la faune du parc de Matusadona (1400 km²), sur la rive sud-est du lac. Les pistes sont bordées de mopanes, un arbre essentiel pour les communautés locales, utilisé dans la construction et la médecine traditionnelle pour lutter contre les maux d’estomac.
Les mopanes, fantômes pétrifiés de Kariba
Le mopane (Colophospermum mopane) ou mopani en Shona, (langue parlée par les Bantous du Zimbabwe qui signifie papillon), doit son nom à la forme de ses feuilles.
Des milliers de ces arbres ont été inondés par le lac. Ils se sont pétrifiés avec le temps, dessinant un tableau féérique de silhouettes fantomatiques que l’on ne se lasse pas d’admirer au coucher du soleil.




Notre périple austral touche à sa fin. Nous repartons vers Victoria Falls dans un le même Cessna qui nous a conduit à Kariba, après une visite éclair de l’impressionnant barrage.

Ce barrage voûte, d’une hauteur de 128 mètres et d’une longueur de crête de 617 m, est parmi les plus grands au monde. Son niveau est désormais historiquement bas en raison du changement climatique et des nombreux barrages construits sur le Zambèze. L’année passée, le niveau de la retenue ne permettait plus de faire fonctionner la centrale électrique de Kariba North Bank, exploitée par la Zambie. D’où les nombreuses coupures d’électricité dans les deux pays.
Découverte pédestre et aérienne des chutes Victoria

Les chutes Victoria figurent parmi les chutes d’eau les plus spectaculaires du monde. © B. Postel.
Avant d’arriver aux chutes, on les entend gronder. C’est en 1856 que l’Ecossais David Livingstone (1813-1873), les découvrit aux côtés de la tribu des Makololo. Il fut l’un des premiers à naviguer sur le Zambèze (« grand fleuve » dans la langue des Tonga), bien que sa vallée ait été découverte dix ans plus tôt par le Portugais Silva Porto (1817-1890). En bon missionnaire, l’explorateur l’appela « chemin de Dieu ». Il imaginait en faire une voie navigable, permettant de commercer et d’amener des missionnaires dans ces territoires reculés. C’était sans compter sur les rapides, les tourbillons, et les chutes que les indigènes appelaient Mosi-oa-tunya soit « Il y a de la fumée qui fait du bruit là-bas ». Ils ne s’étaient jamais approchés de l’endroit. Mais l’intrépide Livingstone alla plus avant et découvrit la grande cataracte du Zambèze en 1856 qu’il baptisa Victoria en hommage à sa souveraine.

La statue de David Livingstone aux chutes Victoria, érigée en 1954, a été réalisée par le sculpteur britannique Sir William Reid Dick. Cette œuvre en bronze se trouve du côté zimbabwéen des chutes, sur la rive occidentale, face à Devil’s Cataract. Livingstone est le premier Européen à découvrir ces chutes. Bien que cette statue soit située au Zimbabwe, des tentatives ont été faites pour la déplacer du côté zambien. En 2004, le gouvernement zambien a exprimé le souhait de la transférer pour célébrer le 150e anniversaire de la découverte des chutes par Livingstone. Cependant, ces tentatives ont échoué en raison de la résistance locale et de la position ferme du Zimbabwe, qui considère la statue comme un symbole de son patrimoine. Une autre statue de Livingstone a été érigée à Livingstone, en Zambie, en 2005.
On visite les chutes en empruntant un chemin pédestre qui longe la faille longue de 1,8 km et haute de 108 m. L’imperméable est de rigueur tant de vastes nuages d’embruns se forment au-dessus des chutes, créant une atmosphère de brume constante. Le fleuve, dont le débit peut atteindre 500 millions de litres par minute, a sculpté des gorges volcaniques, suivant des failles créées par des mouvements tectoniques il y a plusieurs millions d’années. D’hélicoptère, ces merveilles naturelles nous révèlent toute la puissance de la nature. Un spectacle tout à fait fascinant que nous sommes heureux d’avoir pu admirer.
Y aller

Soucieuse d’offrir un niveau de prestation optimal à ses hôtes dans cette partie de l’Afrique peu fréquentée, la compagnie alsacienne CroisiEurope a fait construire deux lodges, en Namibie, sur l’île d’Impalila.


CroisiEurope a aussi fait construire ses propres bateaux, au Zimbabwe : le RV African Dream en 2018 et le RV Zimbabwean Dream en 2020 pour naviguer sur le confidentiel lac Kariba entre Zambie et Zimbabwe. Chaque navire, classé 5 ancres, accueille à son bord seulement 16 passagers dans 8 cabines spacieuses de 18 m² avec vitres panoramiques, dont deux d’entre elles disposent d’un petit balcon privatif. Ils ont une longueur de 33 mètres, une largeur de 8 mètres et un tirant d’eau de 78 cm. Sur le pont supérieur, un restaurant et un salon panoramique permettent de profiter de la vie sauvage et de la nature environnantes. Une grande terrasse, agrémentée d’une petite piscine et un espace solarium sont situés sur le pont extérieur. Huit membres d’équipage sont aux petits soins des passagers.


Les points forts de ce safari-croisière : une approche originale entre terre et eau (sur des annexes à fond plat), un rythme bien pensé, une organisation sans faille, des hébergements de charme, des repas de grande qualité et un accompagnement francophone. Départs toute l’année, sauf en janvier. Les meilleurs mois pour y aller : de mars à janvier.
https://www.croisieurope.com/bateau/african-dream
Texte et photos : Brigitte Postel sauf mention