
À Saintes, chaque pierre est une archive, chaque détour de ruelle une note en bas de page du roman national. L’Antiquité est un socle. Promenade dans dans Mendiolanum Santorium : la cité des Santons.
À première vue, on pourrait croire que Saintes est une ville de province comme tant d’autres. Elle n’a ni la puissance nautique de La Rochelle, ni le rayonnement d’une grande métropole. Et pourtant, la ville est un palimpseste, un de ces lieux où l’on a écrit, effacé, réécrit.

L’arc de Germanicus est planté aujourd’hui comme une relique sur les quais de la Charente. Rien à voir avec les arches triomphales de Rome. C’est un petit arc à deux baies, de belles pierres calcaires, sans fioritures excessives. Un peu seul, un peu déplacé (il n’est plus là où il a été construit, démonté pierre à pierre en 1843 pour éviter la démolition).
Mais ne nous y trompons pas, cet arc est un cadeau à Rome, un geste d’allégeance car l’inscription est explicite. L’édifice fut élevé en l’an18 av. J.C. par un notable local Caïus Julius Rufus à la gloire de l’empereur Tibère, de son fils et du jeune Germanicus, prince bien-aimé adopté par Tibère.

Saintes, avait aussi ses thermes, son aqueduc, ses temples et aussi bien sûr, son amphithéâtre qui lui donnait un air de petite Rome. Une arène aussi dans laquelle près de 15 000 spectateurs pouvaient se presser, acclamer les jeux, mais aussi les martyrs. Saint-Eutrope évangélisateur et premier évêque y sera décapité. Construit sous le règne de Claude, ce monument est un outil de romanisation. Le cirque et le sang, les bêtes et les gladiateurs, faisaient partie de l’éducation impériale. Un moyen de dire aux Santons : « Vous êtes Romains, vous aussi. Voici votre Colisée ! »
Évidemment, à l’échelle locale, l’ambition est modeste : l’édifice, adossé à une colline pour économiser sur la maçonnerie, n’a ni la démesure, ni la décoration des grandes arènes. Il mesure environ 116 m de long, assez pour impressionner une ville de quelques milliers d’âmes.
Entre vestiges antiques et scènes musicales

Dans cet écrin antique, Saintes prouve qu’elle sait faire dialoguer les siècles en musique. L’histoire ne dort pas, elle chante. Chaque été, l’amphithéâtre romain se transforme en scène à ciel ouvert. Là où jadis résonnaient les clameurs antiques, s’élèvent désormais des notes de jazz, de rock, de musique classique ou de chansons du monde. Le site accueille des concerts dans le cadre de festivals, comme « Les nuits romanes ». « Jouer ici, c’est comme jouer dans un rêve. On sent le poids de l’histoire mais aussi l’énergie du lien. Chaque note s’envole diversement », confie un violoncelliste.

La seconde étape de notre voyage temporel nous conduit dans le calme de la basilique Saint-Eutrope, classée par l’UNESCO au titre des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Chef-d’œuvre de l’art roman saintongeais, le site conserve de nombreux chapiteaux romans et une belle série de vitraux. Enfilez une robe de bure et pénétrez dans la crypte qui est l’une des plus vastes des plus belles de France. Au cœur de la crypte repose le cénotaphe d’Eutrope, fondateur évangélisateur du diocèse. On croit voir glisser des ombres qui pourraient bien être les fantômes des moines de jadis.

La musique nous conduit directement à l’Abbaye aux Dames. Pillée au temps des guerres de religion, elle est devenue un haut-lieu de la musique classique, la musique a remplacé la prière. On n’y entend désormais Mozart au lieu des vêpres. Chaque été, l’Abbaye devient une scène privilégiée du prestigieux Festival de Saintes, un rendez-vous pour les amateurs de musique classique et baroque. Dans ses vastes salles et son église abbatiale, la musique est reine.
Sous l’impulsion de la ville de Saintes, l’Abbaye aux Dames, n’est pas qu’un simple monument historique : c’est un carrefour des arts, un lieu où passé et présent dialoguent, où la pierre ancienne vibre au rythme des passions d’aujourd’hui.
Se loger


Après cette chevauchée dans le temps, faisons une halte au XVIIe siècle : elle nous conduit à l’hôtel Les Messageries, ancien relais de poste et de diligences. Tout en pierres blanches des Charentes, il est situé au cœur du quartier historique de Saintes. Après une bonne nuit de sommeil dans une des 33 chambres calmes et confortables et pour bien démarrer la journée, on apprécie le petit déjeuner concocté avec des produits locaux. Le plus : parking privé.
https://hotel-des-messageries.com
Office de tourisme de Saintes et la Saintonge
Tél. 05 46 74 23 82
Texte : Michèle Lasseur
Photos : Claudine Lasseur et DR