Dans la vieille cité beauceronne, la cathédrale célèbre les 1000 ans de sa crypte et la réouverture au public de la chapelle Saint-Piat qui expose le « trésor ». Selon Monseigneur Philippe Christory, évêque de Chartres, ce n’est pas un musée avec de belles pierres mais 1000 ans de foi et de dévotion. Il vient de décréter une année jubilaire du 8 septembre 2024, jour de la Nativité de la Vierge Marie, au 15 août 2025, fête de l’Assomption.
La cathédrale Notre-Dame de Chartres (Eure-et-Loir) se dresse tel un phare au cœur de la Beauce. Première cathédrale classée au patrimoine mondial de l’Unesco en 1979, elle célèbre le millénaire de ses fondations ainsi que la réouverture de la chapelle Saint Piat restaurée qui abrite le trésor de l’édifice gothique. Elle fut bâtie en 40 ans, un record puisque Notre-Dame de Paris nécessita un siècle.
On ne peut s’empêcher de penser à Charles Péguy (1873-1914) qui découvre Chartres en 1900. Il marche 140 km pour offrir son cœur à la Vierge. Le pèlerinage à Chartres « sur les traces de Péguy » sera lancé après la mort de l’écrivain. De nos jours, on compte 440 pèlerinages chaque année à Chartres.
D’autres écrivains ont été émerveillés par la cathédrale : Paul Claudel, Victor Hugo, Marcel Proust, lui qui aurait emprunté le plan de son œuvre littéraire à l’architecture de la cathédrale… Et même l’agnostique André Malraux de dire, devant le portail de l’édifice, au-dessus du Christ bénissant où passa Saint- Louis, que là réside « cette part la plus pure de la France ».
Le portail de la façade occidentale, appelé portail royal, ouvre vers le sacré. Le touriste entre alors dans la cathédrale, et après une brève génuflexion, se demande par où commencer. À l’étage, les vitraux (2600 m² de surface) étincellent de couleurs. Les plus anciens, célèbres pour leur bleu lumineux, datent du XIIe siècle. Surnommé le bleu de Chartres, il est obtenu en colorant la pâte de verre avec de l’oxyde de cobalt. On opte pour une prière dans la crypte, une des plus longues d’Europe, après St-Pierre de Rome et Canterbury. Elle porte le nom de « caveau de Saint-Lubin », premier évêque de Chartres, et se situe juste sous le maître autel de la cathédrale actuelle. Les visiteurs redeviennent pèlerins, du bas vers le haut, de la crypte à la cathédrale haute.
Au sein de la crypte : Notre-Dame de Sous-Terre
La crypte serait une immense église inférieure avec des voûtes en berceau et des fenêtres étroites. On imagine les pèlerins qui déambulaient et finissaient leur pèlerinage à l’intérieur même de la cathédrale… un long couloir circulaire, 200 mètres de la porte par laquelle on descend côté nord à celle par laquelle on peut remonter du côté sud nord-sud… pour aller de l’ombre à la lumière vivre une véritable révélation, telle est la signification de cette église inférieure.
Dans la crypte, les murs conservent quelques fresques d’époque romane. Le pèlerin avance et fait une sorte d’introspection. La première partie de ce long couloir aboutit à la chapelle Notre-Dame de Sous-Terre. La statue de Notre-Dame est une statue moderne : elle date de 1975. Elle ressemblerait beaucoup à la statue du Moyen-Age disparue à la révolution, qui avait les traits assez typiques des déesses-mères gallo-romaines. Nous remontons peut-être aux origines profondes du culte marial à Chartres : on avait commencé à prier Marie avant même que Marie n’existe. Des druides auraient eu la vision de cette femme qui allait enfanter du sauveur dans un pays lointain… Etrange légende qui permettait à Chartres de dire qu’ici on avait été chrétien avant même le christianisme.
Le voile de la Vierge
Sautons quelques siècles pour retrouver la Vierge Marie au IXe siècle. Dans la crypte de Fulbert, dans la chapelle dédiée à Notre-Dame de Sous-Terre, on découvre la précieuse relique de Chartres : le voile de la Vierge, connu autrefois sous le nom de « Sancta Camisa » de Marie. Ce serait le voile que portait Marie lors de la naissance du Christ. Il y a 2 fragments, le principal est en haut, dans la cathédrale supérieure. Ainsi on peut prier Marie aux 2 niveaux de la cathédrale. La relique fut offerte en 876 par Charles le Chauve, le petit-fils de Charlemagne. Et venait de loin… de Byzance, offerte par l’empereur d’Orient à Charlemagne. Au XVIIIe siècle, la chasse fut ouverte. On réalise qu’il s’agit d’un grand morceau de tissu de 5,35 mètres sur 0,46 mètres, comme les femmes du Moyen-Orient en utilisent. Les analyses réalisées au début du XIXe siècle ont conclu que cette étoffe a été tissée au Moyen-Orient au début de notre ère.
Avec le puits des Saints-Forts (derrière l’autel de Notre-Dame-Sous-Terre), nous remontons aux origines les plus anciennes de la cathédrale, il y a 2000 ans ou plus… le puits des Saints-Forts, nom étrange. Est-ce l’évocation des premiers martyrs qui auraient été jetés dans ce puits lors des persécutions romaines ?
Il daterait de l’an 0 ou même, peut-être, du 1er siècle avant Jésus-Christ, à l’époque gallo-romaine dans une tradition celtique. On parle d’une eau miraculeuse, de guérison. Le puit est bouché au 17e siècle puis redécouvert vers 1900 par un archéologue : il fait partie de l’histoire de la cathédrale.
Après la crypte et l’humidité de la terre, il faut aller vers la lumière, vers les fonts baptismaux, rappelant aux fidèles leur baptême qui représente leur entrée dans l’Église. Le pèlerin monte l’escalier pour se retrouver dans la nef qui symbolise le chemin de notre vie sur terre, de la naissance dans le narthex jusqu’au chœur (à notre mort). Les difficultés de la vie, le pèlerin les rencontre dans le labyrinthe (au milieu de la nef) conçu vers 1200, dessiné en pierres de Berchères avec des bandes de marbre noir. Tout ici fait référence à la mythologie grecque : le Christ (Thésée) traverse les enfers (le labyrinthe) pour affronter Satan (le Minotaure). Il triomphe des puissances de la mort et offre sa lumière à tous ceux qui veulent la recevoir. Sur le chemin de la foi, le fil d’Ariane du chrétien pour ne pas s’égarer et sortir du labyrinthe, c’est de réciter des « Miserere » pour rencontrer Dieu. C’est sur ce chemin de conversion que l’on rejoint Charles Péguy.
La chapelle Saint-Piat : le trésor de la cathédrale
Le mot « trésor » fait rêver. On monte un escalier depuis le déambulatoire du chœur de la cathédrale et on entre par une porte blindée. Pour arriver dans une chapelle construite au XIVe siècle, restaurée comme si la pierre avait été taillée hier. Le visiteur est accueilli par la statue de Vierge à l’Enfant. 150 objets dédiés au culte composent le trésor de la cathédrale : ex-voto, reliquaires, orfèvrerie d’or et d’argent ayant échappés aux fontes de la Révolution.
Parmi les pièces rares figure un tabernacle de Saint-Aignan (1200-1220) décoré d’émaux de Limoges : c’est le plus volumineux objet en émail champlevé de Limoges qui soit aujourd’hui conservé. Il date du début du XIIIe siècle et servait initialement de reposoir au Saint-Sacrement. Il a été offert à la cathédrale par un chanoine au XIXe et représente la crucifixion de Jésus, entre la Vierge Marie et Saint Jean. Lorsque les volets sont fermés, apparaît la scène de la Pentecôte : la descente du Saint-Esprit sur les apôtres.
Le nouveau parcours de la chapelle du Trésor atteint son point d’orgue avec les 4 vitraux de la salle capitulaire de la chapelle Saint-Piat. L’artiste coréenne Bang Hai Ja (1937-2022) a réinterprété le bleu de Chartres, l’ensemble caresse d’azur et de cyan ce joyau gothique du XIVᵉ siècle, fermé depuis 23 ans au public. Les vitraux ont été réalisés à l’atelier de maîtres-verriers Peters (Paderborn, Allemagne).
Pratique
Le musée des Beaux-Arts de Chartres accueille 3 expositions dans le cadre des célébrations des 1000 ans des fondations de la cathédrale de Chartres. 1000 ans de sculptures à Chartres, du 21/9/2024 au 16/2/2025.
- L’exposition de sculpture met en lumière des œuvres jamais exposées au musée, après un immense travail de restauration,
- Une seconde exposition est dédiée à des manuscrits datant des XIIe et XIIIe siècle,
- Une troisième rend hommage au célèbre labyrinthe de la cathédrale.
Chrétienté en majesté gothique, vitraux en état de bleu, de rouge et de jaune, la cathédrale de Chartres serait bien capable de convertir un incroyant, sinon à la foi tout au moins à la beauté de son architecture sacrée. On peut tourner autour d’elle puis marcher siècle après siècle dans ses rues alentour. On aboutit bien sûr place Billard à deux pas de la cathédrale où se tient le 2ème dimanche du mois une brocante. Le chineur y cherchera Marco, connu comme le loup blanc. Il trouvera des meubles intéressants, des objets anciens, des livres de seconde main…
www.museescentre.com
www.chartres-tourisme.com
L’agenda complet lié au millénaire des fondations de la cathédrale :
https://www.chartres.fr/1000-ans
Texte : Michèle Lasseur