Accosté en terre Illyrienne, à Split, le yacht Admiral de la compagnie Katarina Line attend ses passagers pour une semaine de croisière de luxe sur l’Adriatique. Embarquement immédiat à la découverte d’un des plus beaux rivages de la Méditerranée.
Est-ce cette même Illyrie de La nuit des rois de Shakespeare, dans laquelle deux jumeaux survivent à un naufrage mais échouent à deux endroits différents de la côte, si bien qu’ils croient s’être perdus ? « L’imagination est si féconde en formes changeantes que rien n’égale ses bizarres fantaisies ». Bercé par les légers roulis du yacht, le charme de l’esprit libre opère.
Split, un musée à ciel ouvert
C’est au centre de la Dalmatie, à Split, que débute notre voyage.
Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, le palais de l’empereur romain Dioclétien – lieu pour lequel il a écouté son cœur d’enfant et quitté Rome pour retrouver ses terres natales – est incontournable. Construit en pierre blanche de Brač, il s’étend sur environ 31 000 m² et constitue une partie de la vieille ville. Nous sommes dans un musée à ciel ouvert. À l’intérieur du palais, la Cathédrale Saint Domnius, construite au milieu du VIIe siècle, mérite une visite. Elle abrite les reliques des martyrs saint Domnius et saint Anastase.
Dans une joyeuse bousculade, on y fait son marché, on musarde et on admire la force de ce décor qui a notamment été prêté à la série Game of Thrones. La ville est cernée de murailles vieilles de plus d’un millénaire. Des ruelles méditerranéennes aux lions sculptés dans les murs, fossiles de la République de Venise, du caractère serbe à la langue gutturale, (essayez de prononcer « Hrvatska », signifiant « Croatie »), Split a de quoi ravir et étonner ses visiteurs.
Avant de partir, ne manquez pas de frotter l’orteil de la statue de bronze de Grégoire de Nin, (pièce du sculpteur Ivan Meštrović), devenue lisse à cause de la croyance locale disant que caresser son orteil porte chance et réalise tous les souhaits…C’est le pied !
Sćedro et Korcula, joyau de l’Adriatique
Après une nuit à bord, les vrombissements des moteurs rappellent aux passagers que le petit déjeuner est servi. Les neuf membres d’équipage sont aux petits-soins pour les trente-cinq passagers.
Cap est mis sur Sćedro, pour un premier bain dans une crique sonorisée par la cymbalisation des cigales.
Puis, le capitaine met le cap sur Korčula, troisième plus grande île de Croatie.
La légende dit que Korčula serait la nymphe Korkyra que Poséidon, jaloux, transforma en île paradisiaque. C’est donc sur cette possible terrienne que nous accostons, admirant les fortifications et gravissant une par une les étroites marches de l’escalier de pierre du clocher de l’église Saint Marc.
Seule en haut du clocher, vibrant en même temps que les cloches qui scandent les quarts d’heure, la coloration de la ville, subtil alliage entre la blancheur des pierres et l’orangé des tuiles, éblouit autant que le soleil qui se reflète sur la mer.
Puis, s’éloignant du centre historique, on suit la musicalité si familière aux terres méridionales des grillons, longeant les forêts de pins et d’yeuses (chênes verts) aux parfums résineux, cueillant une figue au passage, pour enfin s’arrêter dans une crique à l’eau turquoise. Korćula est bien la « Korćula noire » des Grecques, nommée ainsi en raison de la couleur sombre de ses forêts. C’est aussi l’île la plus boisée de Croatie.
La péninsule est aussi réputée pour ses vignes ; on profite du coucher de soleil un verre de « Maximo » à la main, en se laissant conter l’histoire de son étiquette. La rumeur souffle que l’impératrice Marie Thérèse d’Autriche et le baron Franio de Trenck, un officier Russe qui commandait les pandours de son armée, aient eu une aventure d’une semaine dans la cave à vin d’un monastère de Slavonie ; pour marquer leurs « sexploits », ils tracèrent soixante-dix traits sur les murs. Le croyez-vous ?
L’île de miel : Mljet
Est-ce là l’île mythique d’Ogygie, demeure de la nymphe Calypso qui recueille Ulysse après son naufrage? La partie occidentale de l’île est classée parc national. Ses côtes sont découpées et la végétation méditerranéenne entourant les deux lacs y est luxuriante. Les lacs sont le fruit d’un phénomène rare : ils sont salés car ils communiquent avec la mer par un canal et des crevasses.
Ignjat Dordić, poète ragusain, écrivait au XVIIIème siècle que « sur l’île de Mljet, les branchages des arbres descendent jusqu’à la mer et font de l’ombre au rivage, et si tu passes en bateau, tu as l’impression de naviguer en forêt ». Et c’est encore vrai aujourd’hui. En s’enfonçant dans la forêt, l’ensemble des pins, yeuses et maquis composé de plantes grimpantes épineuses rendent les sorties de sentier impossibles. On a beau vouloir, on ne peut s’y aventurer sans s’écorcher les jambes et les bras. On randonne le long des GR, saluant les Croates qui habitent le parc, veillant à ne pas réveiller une vieille femme assoupie à l’ombre de son olivier, cherchant un beau point de vue sur les lacs. On ne rencontre ni serpent venimeux ni mangoustes, mais de délicieuses abeilles qui butinent et quelques araignées aux toiles admirables.
Quelles que soient les sentes choisies, elles mènent irrésistiblement à une baignade dans l’eau turquoise.
Le périmètre fait environ dix kilomètres, soit deux heures trente de marche ; mais on se laisse facilement distraire par les nombreux accès naturels qui mènent à l’eau : il faut donc compter la journée.
Après Mljet, notre bateau va parcourir 36 milles nautiques pour rejoindre Dubrovnik en longeant l’archipel des Elafiti.
Dubrovnik, l’ancienne Raguse
Le dérouillage matinal commence par l’ascension d’une colline (405 mètres de dénivelé) qui permettra, avant de s’y engouffrer, d’avoir une vue d’ensemble sur cette commune médiévale typique, anciennement République de Raguse, rivale de Venise.
C’est une des destinations touristiques les plus renommées
d’Europe, un des plus beaux ensembles urbains en Méditerranée.
La
fortune décide du jour où les gros bateaux de croisière, avec leurs milliers de
passagers à bord, inondent la petite ville. Ouf ! C’est un jour
sans ; et tant mieux car l’afflux de visiteurs dans cette chaleur ferait
perdre son charme à ce décor, encore une fois choisi pour certaines scènes de
Game of Thrones, tel le fort de Lovrijenac qui protégeait la ville des attaques
éventuelles de l’arrière-pays ainsi que celles du côté maritime. Au-dessus de
la porte d’entrée, une inscription célèbre en latin : « non bene pro toto libertas venditur auro »
(on ne vend pas la liberté, même pour tout l’or du monde). Ce fort accueille
des représentations théâtrales lors du festival d’été de Dubrovnik ; il
est d’ailleurs courant d’y voir jouer la pièce culte de Shakespeare,
« Hamlet ».
Le tour piétonnier des remparts au coucher du soleil, avec les jeux de lumières sur le calcaire et la vue sur l’ensemble de la vieille ville est l’occasion de passer une paire d’heures face à l’île de Lokrum et d’observer le large, contemplation agréablement nuancée par les précédents jours de croisière où coutume était d’observer la terre vue du large.
Navigation plaisir
Le cinquième jour de croisière se déroule en mer à bord de l’Admiral. Nous sommes le 5 août et c’est le jour du Souvenir national ou de la Renaissance nationale croate qui commémore les événements du 5 août 1995, à savoir la libération de Knin, bastion serbe, par les forces croates.
Après s’être fait proposer une dégustation de liqueur de Caroube au petit déjeuner, un remède croate détonnant, on hésite à retourner se coucher. Le capitaine jette l’ancre près de la péninsule boisée de Pelješac dans une crique nommée Sabunara (sabun veut dire sable dans le dialecte local). Attiré par les eaux cristallines du littoral ourlées de dentelles de pierres, l’envie de regarder les fonds marins et ses poissons est plus forte.
La barmaid assure le service depuis l’annexe du yacht, apportant les cocktails aux passagers gourmands.
En quittant ce coin enchanteur, les dauphins batifolent dans le sillage de notre yacht ; on les contemple en se laissant bercer par le tempo lent de la navigation et le souffle régulier du vent.
Après une nuit à bord, notre vaisseau quitte Pelješac direction Hvar (prononcez Kvar), la plus longue des îles Dalmates (68 kilomètres de long), où nous accosterons dans l’après-midi. Munis de nos « whispers » (audiophone), comme à chaque débarquement, nous partons pour une visite guidée de la ville, le temps de prendre quelques marques historiques et culturelles.
En 1612, à une époque où seuls les aristocrates avaient accès à la culture, le Prince Pietro Semitecolo décida de créer, au premier étage de l’Arsenal, un lieu utilisé pour réparer les bateaux et pour stocker la marchandise maritime, un théâtre municipal, rénové en 2009.
On accède à la forteresse Fortica (Španjola), initialement prévue pour protéger la ville, par un chemin ascendant qui serpente entre les figuiers de Barbarie et les agaves. Sa construction s’est achevée au milieu du seizième siècle, sur une colline qui surplombe la partie ancienne de la ville de Hvar. Ce tour succinct s’achève par la visite des anciens cachots qui nous donne un aperçu des conditions de vie d’un prisonnier au seizième siècle.
De retour au bateau, à la tombée de la nuit ou au petit matin pour ceux qui seront allés jouir d’une fête inoubliable au fameux « Carpe Diem », n’oubliez pas de fermer votre cabine à clef car la nuit, les portes des yachts se ressemblent, et personne n’est à l’abri d’un fêtard un peu trop éméché.
Brać : criques sauvages et baies turquoise
Le lendemain, on aborde l’île de Brać ((prononcez Bratch) par Bol, une bourgade côtière de la côte sud. Cette station balnéaire réputée est typique de Dalmatie, avec son port, son marché quotidien et ses maisons en pierres blanches où le temps semble s’être arrêté. On longe le port et déguste un verre de vin croate aux arômes fruités, les pieds dans l’eau ou presque. Brać est connue pour ses carrières à ciel ouvert d’où l’on extrait ses pierres blanches ; elles ont été exploitées pour la construction du Palais de Dioclétien et même pour la maison blanche à Washington !
Zlatni Rat est le lieu idéal pour se faire dorer au soleil et pratiquer des sports nautiques comme le kitesurf, le kayak de mer ou encore la planche à voile. À seulement une heure de ferry de Split, ce spot est très prisé des Croates.
La nuit s’illumine des « larmes de Saint Laurent », essaim de météores semblant provenir de la constellation de Persée. Pour cette dernière nuit à bord, les passagers de l’Admiral profitent du spectacle et dansent, se remémorant les vers d’Horace, « Carpe diem quam minimum credula postero » (« Cueille le jour présent, en te fiant le moins possible au lendemain »).
Texte : Capucine Ferry
Photos : Capucine Ferry et Brigitte Postel
Carnet pratique
Les dalmatiens – le saviez-vous ?
« Dalmatie » découle du nom de la tribu illyrienne Delmata (« delm » voulant dire berger ; l’élevage du bétail devait être l’occupation principale de ladite tribu). La race de chiens éponyme est originaire de Dalmatie.
Split
Où diner ?
Au Nostromo, incontestablement. Des calamars grillés, du poisson à la mode Croate.
www.restoran-nostromo.hrhttp://www.restoran-nostromo.hr
Krav Sv. Marije 10 /pokraj ribarnice / 21 000 Split – Croatia
Où sortir ?
Inbox club
Du bateau, la musique électro qui parvient du quai attise la curiosité. On se fond facilement dans l’ambiance nocturne de la ville pour siroter un cocktail, bavarder et danser.
Y aller
La compagnie croate Katarina Line dispose d’une flotte de 66 bateaux de 6 catégories différentes. Elle soutient et reverse à l’association pour le syndrome de Down un euro par passager, soit 30 000 euros en 2017.
Le yatch Admiral est un des plus luxueux. Les chambres sont très spacieuses, le personnel très attentionné et les parties communes ménagent des espaces où l’intimité de chacun est préservée. Capacité de 39 passagers : 19 cabines doubles et une cabine single. Jacuzzi chauffé et pont soleil spacieux. Cuisine excellente inspirée du terroir.
Un guide francophone accompagne les passagers sur certaines croisières. https://www.katarina-line.com/