
Les Olmèques sont la première des hautes civilisations de la Méso-Amérique. Leur nom vient de « olmeca », qui signifie en langue nahuatl « les gens du pays du caoutchouc ». (Au XVIe siècle, « olman » désignait la côte du Golfe, région riche en arbres tropicaux produisant cette matière).
Aujourd’hui, la plupart des spécialistes s’accordent sur le rôle déterminant de cette culture dans le développement des peuples préhispaniques. Des Zapotèques aux Aztèques, en passant par les Mayas et les Toltèques, toutes les civilisations de l’Amérique moyenne vont puiser leurs racines à cette source.


1,78 × 1,63 m.
La tête n° 4 est aussi sculptée dans la roche volcanique. La coiffe (ou le casque) est formée de quatre cordes recouvertes d’une sorte de bonnet à trois glands retombant sur la joue. Ces éléments indiqueraient la position hiérarchique du personnage. La partie postérieure est également plate.
1200-900 avant notre ère. 1,78 × 1,17 m.
Entre 1200 et 500 avant J.-C., soit près d’un millénaire avant les cités mayas, cette population au caractère hétérogène fédère cet immense territoire. Et construit les premières cités de la Méso-Amérique. C’est dans le bassin du fleuve Coatzacoalcos, situé dans le sud du Veracruz, que les archéologues ont exhumé des villes, des résidences d’élite, des ensembles cérémoniels et des sculptures de grande taille, dont les fameuses têtes colossales, toutes retrouvées dans trois des grandes cités olmèques : San Lorenzo, Tres Zapotes et La Venta. Au total 17 têtes dont 10 provenant de San Lorenzo Tenochtitlan.

1200-900 avant notre ère. 2,85 m × 2,11 m.
La plus grande collection d’œuvres monumentales
Le musée de Xalapa peut s’enorgueillir de posséder la plus grande collection d’œuvres monumentales (stèles, autels et 7 têtes monumentales) appartenant à cette période d’apogée esthétique. Divisé en six salles et trois espaces ouverts, le musée recèle quelque 27 000 objets d’origine méso-américaine qui sont exposés selon une muséographie organisée en fonction de la géographie de l’État du Veracruz.

Dans la statuaire olmèque, la présence de la figure mythique du jaguar, qu’il soit anthropomorphisé ou non, est très fréquente. Celui-ci joue un rôle prépondérant dans la pensée religieuse.
Ces têtes, qui mesurent entre 1,47 m. à 3,40 m et pèsent de 6 à 50 tonnes, ont été magnifiquement sculptées dans des blocs de basalte qui proviennent de la zone volcanique de Los Tuxtlas, située à plusieurs centaines de km des centres cérémoniels. Comment ces blocs de plusieurs tonnes ont-ils été déplacés ? Ils étaient transportés par voie terrestre sur quelques kilomètres à l’aide de rondins de bois, puis chargés sur de solides radeaux qui descendaient alors le fleuve Papaloapan pour rejoindre la mer, longer la côte et remonter enfin les fleuves Tonala ou Coatzacoalcos pour arriver sur les sites où les têtes sont sculptées selon la technique de la taille directe.

Selon les historiens de l’art, les têtes du musée de Xalapa sont les mieux achevées tant d’un point de vue formel qu’esthétique. La différence des coiffes, la diversité des traits laissent penser qu’il s’agit de véritables portraits. La forme du visage est généralement carrée. Les mâchoires sont larges et puissantes. Au-delà des constantes physiques, l’artiste ne se répète jamais et offre bien au contraire une panoplie de faciès d’homme très expressifs. Certains sont impassibles et graves, d’autres sereins, plus rarement rieurs comme sur la tête n°2 de La Venta. Les têtes représentent sans doute des dignitaires. Jacques Soustelle évoquait les « dynastes, prêtres ou athlètes vainqueurs », alors que d’autres pensent aux joueurs de balle. Il semble cependant que l’interprétation la plus plausible soit celle de la représentation de l’élite politique et religieuse olmèque. Pour Caterina Magni, maître de conférences à l’université de Paris IV-Sorbonne, enseignante en archéologie préhispanique, « cette statuaire participe au « culte du gouverneur » qui connaîtra une postérité glorieuse en Méso-Amérique sous des formes variées. »
Des productions artistiques variées


Dans le domaine iconographique, la figure humaine constitue le thème principal de l’art olmèque. Ensuite, on rencontre la figure hybride mi homme-mi félin, et en troisième position, le thème animalier. Outre les œuvres monumentales en pierre et les objets de petite dimension en jade-jadéite, serpentine et obsidienne, les artistes olmèques s’illustrent aussi dans le travail de l’argile et du bois.
On peut aussi voir des personnages anthropomorphes (adultes assez massifs aux crânes rasés en position debout, sculptures de céramiques).


Les haches en jade (pétaloïdes ou rectangulaires) et les masques funéraires en pierre font aussi partie des productions olmèques les plus remarquables.
Dans le domaine artistique, l’héritage olmèque se perçoit dans les cultures postérieures qui continuent à ciseler le jade et à tailler des grands blocs de pierre. « La filiation est sensible à divers degrés. Ainsi, si Tlaloc, le dieu mexicain de la pluie, perpétue clairement les caractères du félin, Quetzalcoatl, le célèbre « Serpent à plumes », les dissimule à l’œil non familier », souligne Caterina Magni.
Ces traits fondamentaux que la première grande civilisation du Mexique lègue aux cultures tardives se retrouvent tout au long des siècles. La continuité culturelle et historique de la Méso-Amérique est, sans aucun doute, exceptionnelle. Et les œuvres du musée de Xalapa témoignent du développement atteint par cette culture encore peu connue.
Histoire des têtes colossales


La première tête colossale a été découverte fortuitement en 1862 (par un voyageur mexicain du nom de José María Melgar y Serrano) à Hueyapan (actuellement Tres Zapotes), dans le sud de l’État du Veracruz mais, à cette époque, elle avait été attribuée aux Mayas. Elle sera entièrement dégagée en 1938 par Matthew Stirling, le pionnier de l’archéologie de terrain olmèque. Cette tête en basalte, haute d’environ un mètre cinquante et d’un poids approximatif de huit tonnes, est conservée dans le musée de Tres Zapotes.
En 1925, d’autres mégalithes olmèques sont mis au jour, lors du périple de Frans Blom et Olivier La Farge, respectivement archéologue danois et ethnographe nord-américain. Les deux aventuriers explorent la côte du Golfe, puis le sud-est du Mexique délivrant de l’oubli des œuvres d’art olmèques et le site de La Venta (Tabasco). Cependant, ils attribuent ces vestiges remarquables à la culture maya qui fascine les esprits de l’époque. Ce n’est qu’en 1955 que les archéologues, grâce à l’usage de la datation au carbone 14, remettent en cause cette théorie et identifient certaines pièces comme bien antérieures à la civilisation maya. La dernière tête, découverte en 1994 à San Lorenzo Tenochtitlan par une équipe mexicaine dirigée par Ann Cyphers, est très bien conservée et d’une grande beauté plastique. On peut la voir dans le petit musée de Tenochtitlan.
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Texte et Photos : Brigitte Postel