Situé dans le prestigieux palais Renaissance Bourbon del Monte à Sansepolcro en Toscane, le musée Aboca transmet l’histoire de la relation millénaire entre l’Homme et les plantes et de l’herboristerie au cours des siècles.
Fondé en 2002 par le laboratoire Aboca, ce musée est né de la volonté d’un homme visionnaire, Valentino Mercati, qui décide dès 1978, de fonder un laboratoire axé sur l’utilisation des plantes pour soigner de manière naturelle ses congénères. Convaincu que l’on peut trouver dans la nature des remèdes durables aux maux exprimés par les hommes, il crée une filière 100 % bio, allant de la culture des végétaux à la commercialisation, en passant par la recherche & développement et la production de compléments alimentaires. C’est ainsi que naît un laboratoire de biologie moléculaire et cellulaire avec des plateformes technologiques qui feraient pâlir certains industriels européens.
Le parcours muséal est un voyage qui replace les plantes médicinales dans l’art de soigner au fil des époques. En s’appuyant sur les sources historiques passées : herbiers, livres de botanique et de pharmacopée, reconstitution d’anciennes pharmacies, etc. les concepteurs de ce musée ont réussi à transmettre ce qu’est l’art des apothicaires et pharmaciens depuis le Moyen âge. La plupart des objets du musée proviennent de la collection privée de la famille Mercati, le reste a été acheté à dessein pour le musée, après son ouverture.
Dès l’entrée, des panneaux évoquent l’origine du rapport entre l’homme et les plantes.
La salle des mortiers
Elle sert d’écrin à une collection de mortiers dont les plus anciens remontent au XVe siècle. Les apothicaires en possédaient toujours plusieurs, de toute taille, en bronze, albâtre, marbre, fer, argent, pierre dure, ivoire, bois…. Leur emploi remonte au néolithique. À cette époque, ce sont des pierres plates creusées d’une cupule au centre sur lesquelles on pile les graines. Mais l’apogée du mortier remonte au XVIe siècle en Italie, où il devient un objet d’art particulièrement travaillé, couverts de décors de mascarons, de symboles mythologiques, de reproductions de plantes ou d’animaux.
Salle de l’Histoire
Les premières traces de l’utilisation des plantes médicinales remontent à 2200 av J.-C. avec la Pharmacopée sumérienne de Nippur, un recueil de plantes et de remèdes issus du monde animal et minéral, gravés sur une tablette d’argile. Suivi par le Papyrus d’Ebers écrit à Thèbes en 1600 av J.-C, et le Corpus Hippocraticum attribué à Hippocrate (460-356 avant J.C.) qui recense 230 plantes de la pharmacopée. Citons encore l’herbier de Cratevas, médecin de Mithridate VI (environ 132-63 av. J.-C.), dont il ne reste du texte que les citations de Dioscoride (exerçait à Rome au 1er siècle après J.-C.) dans son traité De Materia Medica.
L’avènement de l’imprimerie avec des caractères mobiles (vers 1440) va permettre la publication d’ouvrages consacrés aux plantes, et plus spécialement d’herbiers, qui seront les premiers atlas du monde végétal.
La salle des céramiques
Pour qui aime la céramique, en particulier les majoliques, cette salle rassemble une superbe collection de pots à pharmacie de toute sorte.
Après la faïence hispano-mauresque, fruit de la présence islamique en Espagne et à Majorque (qui a donné son nom à la majolique), la céramique italienne dite de grand feu débute à Florence et à Faenza (qui va donner son nom à la faïence) au XVe siècle. Dès le début du XVIe, profitant de la présence d’artistes talentueux, elle y atteint son apogée, puis se développe dans des villes voisines de l’Italie du Nord : Forli, Ravenne, Pesaro, Sienne.
L’albarelle (albarelli) était la forme la plus répandue des pots à pharmacie et servait à conserver des onguents et plantes médicinales après séchage. On peut aussi voir des chevrettes (pot avec anse et bec verseur), et des pots d’apparat ou pot à thériaque d’apothicaire.
Les thèmes décoratifs vont des motifs floraux sur fond blanc à des figures plus élaborées telles que des portraits, des grotesques, des personnages mythologiques ou bibliques. Ce type de décor est dit a istoriato, cela signifie qu’il raconte une histoire.
La salle des verres
Matériau facile à travailler, le verre s’est toujours prêté à la réalisation de récipients (fioles, cornues, entonnoirs, gourdes, pots, gobelets, coupelles pour saignées, etc.) pour la pharmacie. Les plus anciens, de petits pots à baume, datent du IIe millénaire avant J.-C. et viennent d’Egypte. Avec l’avènement de la technique du verre soufflé au IIe siècle avant J.-C., les formes vont se multiplier selon les besoins des utilisateurs et le goût des fabricants. Certains flacons sont gravés à l’acide, d’autres datés du XVIIe siècle, sont décorés de cartouches peints à la main.
Plantes et alambics
Pour un apothicaire du XV I ou du XVIIe siècle, s’intéresser aux trois grandes sciences du Moyen-âge que sont la mystique, l’astrologie et l’alchimie, ce n’est pas sortir du champ de la rationalité. D’ailleurs, la « philosophie chimique » d’inspiration paracelsienne constitue un important courant de pensée, que l’on retrouve dans certains ouvrages qui visent à l’instruction des apothicaires, entre autres.
L’apothicairerie, qui a débuté dans les couvents avec les Jardins des simples, ainsi qu’auprès des cours princières, est selon l’étymologie grecque « apothékê », un lieu de dépôt. C’est aussi un centre de savoirs empiriques où le rôle de ce grand connaisseur des plantes médicinales qu’est l’apothicaire est de préparer des remèdes pour soigner les malades.
Une authentique pharmacie du XIXe siècle
Après avoir traversé le laboratoire phytochimique, nous tombons sur la cellule des poisons.
Y sont conservés tous les produits toxiques et vénéneux dont le pharmacien peut avoir besoin dans certaines préparations.
Cette porte basse est un symbole de passage entre le monde profane et celui des initiés. Au-delà de la porte, les lieux, en l’occurrence la salle des poisons, sont accessibles uniquement à ceux qui ont le savoir et l’humilité d’admettre que la connaissance passe par le fait de reconnaître qu' »on ne sait pas. «
Les murs sont recouverts de meubles en bois qui permettent de ranger les différentes drogues et plantes afin de répondre plus rationnellement aux trois grandes fonctions de l’officine : stocker les différents produits, préparer les médicaments, accueillir les clients pour leur dispensation. Un comptoir central avec son trébuchet est dédié à la fabrication et à la vente au détail des préparations magistrales et officinales. Le décor de l’officine est soigné. Au-delà de leur valeur d’usage, chevrettes et albarelles richement décorées traduisent le statut social du pharmacien.
Les explorateurs rapportent en Europe animaux et plantes. En accrochant des crocodiles dans leurs officines, les apothicaires veulent faire preuve d’exotisme.
La Bibliotheca Antiqua
Avant de quitter ce musée étonnant et unique en son genre, nous aurons le privilège de visiter la bibliothèque où de nombreux chercheurs de tous pays viennent travailler. Elle ne peut être visitée que sur réservation pour des motifs d’étude.
Cet antre, très protégé et équipé de capteurs de température et d’humidité, rassemble quelque 2500 ouvrages ayant trait aux plantes, à la pharmacologie, à la chimie, à la médecine. Ces livres datent de différentes époques : incunables du début de l’imprimerie, herbier du XVI e siècle, ou chefs d’œuvres plus récents. Le site www.abocamuseum.it les répertorie et certains sont consultables en ligne.
Texte : Brigitte Postel
Photos : Brigitte Postel et DR
Aboca Museum
Palazzo Bourbon del Monte
Sansepolcro
http://www.abocamuseum.it