
Cuba est multiple, complexe, métisse, hétérogène… et cette réalité est visible partout. Dans la rue, dans la musique, dans les cultes, dans la culture, dans les bâtiments en déshérence. Cheminement entre belles américaines et carrioles à cheval, entre poésie et beauté amère.
Habano : cigares cubains

Nulle part au monde ne pousse un meilleur tabac que celui cultivé à Cuba. Découvert en 1492 par Christophe Colomb et son équipage, le tabac-puro (cigare roulé) était utilisé par les indigènes lors de certains rituels. Cette « feuille indienne » comme l’a nommée José Marti, fondateur du Parti révolutionnaire cubain et apôtre de la lutte pour l’indépendance, est emblématique de l’île. Seulement quelques plantations sont jugées dignes de la production des feuilles qui entreront dans la composition des fameux havanes. Ce sont les sols et les variétés qui vont donner au habano tout son caractère, ses parfums si variés, l’arôme exquis du pur havane, tel le Romeo Y Julieta Churchills inspiré par Sir Winston Churchill.
Pinar del Rio, province occidentale de l’île, comprend plusieurs zones productrices protégées par des appellations d’origine, tels Vuelta Abajo ou San Luis.




Système D

À Cuba, rien n’est jamais acquis. La débrouille, l’inventivité, le bricolage, permettent de pallier la pénurie de matériel. Les Cubains ont érigé le rafistolage en un art qui évolue en fonction des besoins. Avec l’embargo américain, il faut faire chaque jour avec moins pour pouvoir se déplacer, aller travailler, ou tout simplement continuer à vivre. Cette contrainte façonne l’état d’esprit des Cubains, leur adaptabilité légendaire. Sans oublier leur sens de l’entraide et du partage.



L’effondrement de l’allié vénézuélien pourvoyeur de pétrole et l’embargo renforcé par Donald Trump ont miné pour beaucoup l’espoir d’une vie meilleure amorcée au temps de l’ouverture Obama-Castro.

Santeria : un culte d’origine vaudou

Quand les colons esclavagistes ont tenté d’imposer le catholicisme à leurs esclaves africains dès le début de la colonisation espagnole et de leur interdire de pratiquer leur culte, ceux-ci ont dissimulé et protégé leurs croyances en attribuant à chaque divinité du panthéon yoruba un saint catholique. Encore aujourd’hui, cette religion née au Nigeria et au Bénin, a ses adeptes et les saints, los santos, dénommés orishas sont toujours vénérés par les fidèles. Ils se fondent avec les saints de la religion catholique et il est fréquent pour un santero d’arborer une croix et un collier de perles aux couleurs de l’orisha honoré.

La Santeria (littéralement fraternité des Saints) considère que le nouvel initié renaît et il est donc traité comme un nouveau-né. Durant sept jours il doit demeurer isolé dans une chambre. Au terme de cette semaine, le novice peut sortir mais est soumis pendant un an à certaines règles, par exemple se vêtir entièrement de blanc en permanence.

Elégguá, Elegbá ou Elewua est un Orisha majeur, un dieu qui garde les accès des routes et des carrefours. Il est le messager d’Olofi (Esprit saint). On lui rend hommage au début et à la fin de toute cérémonie de la santeria.

Street-art d’inspiration afro-cubaine

Au cœur du quartier Cayo Hueso à La Havane, l’artiste contemporain Salvador Gonzales Escalona, a décoré une ruelle : le Callejon de Hamel, qui propose à une immersion totale au cœur de représentations et de sculptures inspirées de la santeria. Le dimanche, ce haut-lieu du street-art cubain s’anime aux sons des congas et des tambours, et attire une foule de curieux et de touristes. Mais il est difficile d’apercevoir les danseurs et musiciens, tant la ruelle est bondée.

Initié dans le culte de Shangô, Salvador a débuté les décors du Callejon en 1990, imaginé comme le premier temple de la culture noire.



Beautés déglinguées

Inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1982, la Vieille Havane (Habana vieja) est en cours de restauration. Sauf que sur les échafaudages on ne voit aucun ouvrier. Il suffit de s’écarter un peu des rues touristiques pour constater le délabrement de certains logements dont la plupart sont toujours habités. Le cœur historique affiche une misère que l’ouragan Irma de 2017 a accentuée : quelque 30 000 logements détruits en une seule nuit (dont 14 600 totalement), notamment dans les rues adjacentes au Malecón situé en front de mer. Déjà lors de la Révolution, seulement 500 des 3 000 bâtiments de la vieille ville étaient en bon état. En cause : le manque d’investissements publics pendant de longues années, l’absence de ressources des propriétaires et les pénuries récurrentes de matériaux de construction quand ce n’est pas leur coût prohibitif.

Il y a bien quelques places et bâtiments célèbres qui ont été restaurés. Pour le reste, grands hôtels et rues touristiques à part, tous les bâtiments sont dégradés, vieillissants ou en ruine. Les façades de couleurs délavées, aux allures baroques, art déco, néoclassiques, auxquelles s’accrochent les lessives, les plantes, les fils électriques, font certes partie du charme de la ville. Mais on ne peut qu’être touché par la pauvreté qui transpire dans les différents quartiers. La Havane est bien loin d’une ville lisse et aseptisée. C’est une ville attachante, sensuelle, qui demande du temps pour la découvrir. Un condensé entre la vie moderne et celle qui se meurt.


Texte et Photos : Brigitte Postel
Hello,
Petite ballade sur ton site, de l’art de la débrouille et du soleil avec La Havane, merci pour le voyage. Gros Bisous