Oasis de verdure au cœur de Rio de Janeiro, le jardin botanique est une réserve de la biosphère classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, abritant une partie de la forêt atlantique. Un havre pour échapper au tumulte carioca et au soleil ardent qui plombe la ville.
Le Jardin Botanique de Rio de Janeiro – Jardim Botânico en portugais – a été créé en 1808. Il s’agissait d’une des premières initiatives du Prince Régent du Portugal, Dom João VI. Chassé de Lisbonne par les troupes de Napoléon, il décide de transférer sa capitale dans sa lointaine colonie du Brésil. La famille royale ainsi que la cour vont transformer la petite ville de Rio en une capitale digne de ce nom. Les hôtels particuliers et les palais sortent de terre, et le souverain crée un jardin pour acclimater des espèces végétales d’autres continents, notamment des épices : noix de muscade, poivre ou encore de la cannelle. En 1822 son successeur, l’empereur Dom Pedro Ier, décide de l’ouvrir au public. Depuis, le jardin a pris de l’ampleur et est devenu un conservatoire et l’un des centres de recherche les plus importants au monde dans les domaines de la botanique et de la conservation de la biodiversité. En 1992, l’Unesco l’a élevé au rang de Réserve de la biosphère. Et en 1999, il est intégré dans la Réserve de biosphère de la Mata Atlântica.
Un tour du monde botanique
La zone cultivée s’étend sur quelque 140 ha et abrite, en dehors des serres accueillant de délicates orchidées, broméliacées et plantes carnivores, environ 9000 spécimens botaniques appartenant à environ 1500 espèces. 40 % du parc est aménagé, le reste fait partie de la forêt de Tijuca qui mène aux pentes du mont Corcovado où la statue du Christ Rédempteur veille sur la ville.
Roystonea oleracea
En pénétrant dans ce jardin, ont est surpris par l’effacement des bruits de la ville et l’atmosphère de sérénité et de paix qui se dégage. Seuls, les chants d’oiseaux et les cris des capucins moines se font entendre.
On s’engage dans une longue allée flanquée de 134 palmiers : les palmiers impériaux (Roystonea oleracea, famille des Arecaceae), dont les palmes ondoient à une quarantaine de mètres de hauteur.
Les conservateurs du jardin pensaient que les premiers plants avaient été apportés du Jardin Gabrielle, en Guyane française sous l’occupation portugaise (1809 – 1817), en représailles à l’invasion du royaume du Portugal par l’armée française napoléonienne. En fait, on sait maintenant qu’ils ont été rapportés par Luiz de Abreu Vieira e Silva du Jardin Pamplemousse à l’île Maurice et offerts au prince régent qui planta le premier spécimen en 1809. Connu sous le nom de palmier impérial, sa propagation dans tout le pays est due aux esclaves qui, en violation des ordres du directeur de l’époque, ont chapardé ses graines la nuit pour les vendre pour 100 réis chacun. Les deux plus anciennes ruelles – allée Cândido Baptista et allée Barbosa Rodrigues – sont constituées de spécimens de ce palmier, devenu symbole du jardin botanique de Rio de Janeiro.
Deux cours d’eau, le riacho Iglesias et le riacho dos Macacos, traversent le jardin, en provenance de la forêt de Tijuca, la plus grande forêt urbaine du monde (4200 hectares). Très appréciés des promeneurs, ces petits cours d’eau sont une halte rafraîchissante pour les personnes qui viennent lire ou méditer sur les berges. Et un point d’eau apprécié des perroquets verts et toucans qui nichent dans les frondaisons.
Hura crepitans
Nous découvrons l’açacu (Hura crepitans, famille des Euphorbiacées) appelé aussi Pet du diable en Guyane ou Sablier des Antilles. On le retrouve dans toute la région amazonienne. Il a un tronc de 50 à 100 cm de diamètre, contre lequel il n’est pas conseillé de s’adosser, et peut atteindre 40 m de hauteur. Son latex est très toxique et redouté par les bûcherons qui préfèrent saigner l’arbre avant de l’abattre. Ses fruits ressemblent à une petite courge et ont comme spécificité d’exploser à maturité, d’où l’un des noms anglo-saxons de « Dynamite tree« , parfois attribué à cet arbre, et du qualificatif latin « crepitans ». Son bois est utilisé dans la construction, la confection d’allumettes et l’aménagement paysager. Sa floraison s’étale d’octobre à janvier.
Carapa guianensis
En poursuivant notre cheminement dans le parc, nous tombons sur une allée d’andiroba (Carapa guianensis, famille des Meliceae).
Le bois d’Andiroba a une valeur économique importante car il est dur mais facile à travailler. Il est utilisé pour la fabrication de pièces de navires ainsi qu’en menuiserie. L’arbre produit de grosses noix contenant plusieurs graines dont est extraite une huile très utilisée dans la pharmacopée des peuples de l’Amazone. L’huile d’andiroba a des vertus anti-inflammatoires, antiseptiques, cicatrisantes et apaisantes pour la peau. L’utilisation de la bagasse de graines dans la fabrication de bougies insectifuges a été développée dans les laboratoires de la Fondation Oswaldo Cruz au Brésil. Elles sont efficaces pour éloigner les moustiques, notamment Aedes aegypti, qui transmet la dengue et la fièvre jaune.
Bambusa multiplex
Nous faisons une pause à l’ombre des bambous (Bambusa multiplex) qui poussent également en Chine, en Inde, au Vietnam ou aux Antilles. Très ornementales, les cannes peuvent atteindre jusqu’à 9 m de hauteur. Et sont utilisées pour la construction de bateaux et de cannes à pêche.
Ravenala madagascariensis
On peut alors profiter de ce moment de quiétude pour admirer les ravinalas de Madagascar (Ravenala madagascariensis, famille des Strelitziaceae) onduler au gré de la brise. Endémique de l’île de Madagascar, cette plante appelée communément « arbre du voyageur », n’est pas un arbre au sens botanique du terme, mais une herbacée érigée sur un stipe de plus de 10 mètres de hauteur qui la fait ressembler à un palmier. Cet arbre doit son nom à sa propension à stocker de l’eau à la base de ses feuilles, lui permettant ainsi de désaltérer les voyageurs assoiffés.
Philodendron undulatum
Au pied d’un arbre des voyageurs, un imposant Philodendron undulatum (famille des Araceae) étale une cascade de feuilles d’un beau vert foncé. Celles-ci sont recouvertes d’une épaisse cuticule imperméable et recèlent un canal de drainage au centre, ce qui permet à l’eau de s’écouler le long des extrémités effilées. Présente dans la jungle et les forêts d’Amérique du Sud, cette plante peut atteindre 5 m de haut.
Victoria amazonica
Romantique à souhait, un petit lac est le point de mire de ce jardin où amoureux et jeunes mariés viennent immortaliser leurs sentiments. De majestueux nénuphars Victoria amazonica (Nympheaceae) s’étalent à la surface. Ils flottent grâce à de fortes nervures réticulées. Le dessous de la feuille, de couleur rougeâtre, est constellé d’épines et les feuilles adultes atteignent facilement 2 m de diamètre et supportent jusqu’à 45 kg. Baptisé Victoria regia en 1838 par le botaniste John Lindley, en l’honneur de la reine Victoria d’Angleterre, ce nénuphar géant a été découvert en 1801 par Thaddeus Haenke, un voyageur naturaliste né en Bohême qui participa à plusieurs expéditions en Amazonie. Mais pour les Indiens, ce nénuphar a une autre origine : Selon une légende des peuples Tupi-Guarani, une jeune fille prise d’amour pour l’astre de la nuit, voulut toucher Jaci – la lune. Voyant son reflet à la surface d’un étang, la jeune femme se jeta dans les eaux sombres, pensant qu’elle pouvait l’atteindre et s’enfonça dans l’eau. Émue par le sort de la belle, Jaci décida de la transformer en une étoile d’eau majestueuse. Ainsi est né le plus grand nénuphar au monde. Les premiers spécimens qui ont fleuri au Jardin botanique sont issus de graines apportées du Mato Grosso par le botaniste Frederico Carlos Hoehne, vers 1910.
Taxodium distichum et Cycas circinalis
De l’autre côté de ce petit lac, on repère d’intrigants stalagmites émergeant du sol. Ce sont les racines d’un arbre, le cyprès chauve (Taxodium distichum).
Ce sont des pneumatophores, des racines aériennes en formes de cônes boursouflés pouvant atteindre jusqu’à 1,50 m de haut lorsque cet arbre vit dans son milieu naturel. Fréquent dans les marécages de Louisiane, il affectionne les zones humides et comme son nom ne l’indique pas, Il ne fait pas partie de la famille des cyprès, mais de celle des Taxodiacées, comme le séquoia. Il a aussi la particularité de perdre ses feuilles en hiver, d’où son qualificatif de « chauve ». Son bois est très apprécié en menuiserie car il est réputé pour sa résistance au pourrissement.
Couroupita guianensis
Enfin, il ne faut pas rater les Couroupita guianensis en fleurs, arbre sacré en Amazonie. Son nom d’espèce fait référence à son lieu d’origine.
Il produit de superbes fleurs parfumées de couleur orangée, jaune et rose qui s’assemblent en grappes et ne durent qu’un seul jour. Elles naissent sur le tronc ou à la base des branches et sont pollinisées par de grandes chauves-souris. Cet arbre est l’un des plus étonnants de la planète. Le tronc des spécimens adultes peut être couverts de fruits et de fleurs au même moment.
Texte et Photos : Brigitte Postel