C’est l’histoire de Santiago le guerrier et Santiago le petit poussin, garçonnet de sept ans, sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle, pour une virée de presque 1200 km. Accompagné de sa maman, Céline, il a décidé de parcourir le chemin afin d’accomplir son rituel de passage pour devenir un petit homme. Sa mère Céline, photographe et écrivain, est à l’initiative du livre qui nous embarque en beauté sur cette voie spirituelle.

On ne s’appelle pas Santiago par hasard et on ne fait pas le chemin de Compostelle à 7 ans fortuitement. La maman est une habituée du camino. De son origine péruvienne, elle sait le lien intime qui unit chaque être à la Terre Mère, la Pachamama, et l’importance des rites de passage. Au Pérou, à l’âge de 7 ans, les enfants indiens pratiquent un rituel pour devenir des petits hommes. Pour Santiago, Compostelle s’impose. Un périple qui part de Nogaro dans le Gers et se termine à Fisterra, le point le plus occidental de l’Espagne continentale, la fin du chemin terrestre et le début d’un renouveau intérieur pour nombre de pèlerins. On dit que le chemin débute à l’instant même où l’on décide de l’entreprendre. « Le Chemin, c’est la vie » et comme le dit Santiago : « Je ne suis qu’au début de ma vie. »

Santiago au pays de Compostelle

Ce livre retrace cette expérience peu commune qui n’est pas seulement dans les kilomètres avalés. La tonalité parfois enfantine qui se dégage du texte par l’emploi d’un lexique minimaliste, donne l’illusion d’un répertoire pour enfant mais les mots, s’ils sont tous connus, revêtent pour la maman et le lecteur, une signification multiple, parfois ésotérique. Ceci confère différents niveaux de lecture à la narration. Les enfants restant dans la signification ordinaire et les adultes y percevant, par un lyrisme retenu, une dimension mystique et initiatique.

Chaque chapitre aborde un thème qui lui est propre. Il se présente presque comme une fable indépendante ayant une valeur symbolique, allégorique ou métaphorique. Le Chemin étant parcouru par l’enfant, on se met à son niveau et à son pas. Le livre a lui-même son propre rythme : pages de photographies qui viennent ponctuer la lecture, textes où les dialogues débouchent sur un message… les pages se tournent et se détournent pour revenir sur un moment d’innocence, de joie, de jeu, de découragement, de dépassement.

« – On ne peut pas faire une pause, maman ? Je suis fatigué, je n’en peux plus.
– Non, mon chéri, il faut avancer.
– Mais il fait trop chaud !
– Je sais, c’est pour cela qu’il faut avancer. Aujourd’hui tu devras te surpasser et chercher au plus profond de toi la force du petit guerrier.
– Mais je n’en peux plus !
– Eh bien, sur le Chemin tu apprendras que, même quand tu n’en peux plus, tu peux encore ! »

Santiago au pays de Compostelle

Et comme pour les enfants, c’est un livre avec des images qui racontent la vie au présent et des réflexions « d’une maman qui doit apprendre à laisser grandir son enfant ». Parfois, on a l’impression qu’elle se parle à elle-même à travers ce voyage : « Finalement, faire le chemin avec son enfant, c’est comme dans la vie de tous les jours. On veut le façonner à notre image, lui faire emprunter la route que nous avons-nous-même empruntée. Mais il a sa propre histoire et son propre chemin. Je dois rester en retrait et le laisser trouver son propre chemin ».

Qui de la mère ou de l’enfant accompagne l’autre en réalité ? « Un binôme qui doit trouver sa cadence pour ne pas détruire les pas de l’autre. »
Il y a de la pureté et de l’émotion dans ce livre qui demande d’ouvrir son cœur et de regarder le monde avec des yeux d’enfants.

« – Maman, c’est quoi le plus beau cadeau du monde ?
[…]- L’amitié de soi-même »
, révèle Santiago

Le livre se termine par une belle surprise qui attend l’enfant au terme du voyage. Une fois les affaires de Santiago brûlées – ultime clin d’œil à l’ancienne tradition selon laquelle les pèlerins parvenus jusqu’à Fisterra brûlaient leurs vêtements et leurs sandales en signe de mort/renaissance – et un bain de mer bien mérité, l’auteur nous offre une dernière image : assis sur un rocher, Santiago contemple la mer. Un Petit-Grand Homme est né.
1 118 kilomètres, 1 500 000 pas, 42 jours de marche.

Texte : Capucine Ferry et Brigitte Postel
Photos : Céline Anaya Gautier

Santiago au pays de Compostelle. Chemin initiatique d’un petit homme.
Céline Anaya Gautier. Editions de La Martinière. 192 pages. 25 €.
Site de l’auteur : www.celineanayagautier.com