Créé en 1975 par le gouvernement pour protéger les éléphants blessés ou orphelins, Pinnawala accueille ces superbes pachydermes en liberté surveillée et… intéressée.
Initialement implanté dans le parc national de Wilpattu, l’orphelinat est aujourd’hui installé dans le village de Pinnawala, à une cinquantaine de kilomètres de Kandy.
Le centre héberge environ 80 éléphants, mâles et femelles, sur trois générations.
Après avoir acquitté un droit d’entrée de 2500 roupies, nous pouvons approcher ces animaux majestueux en bordure du parc de 10 ha où ils vivent en semi-liberté. Ou les regarder prendre leur bain et batifoler dans la rivière Maha Oya voisine. Un spot très touristique, avec ses marchands du temple, qui vaut cependant le détour.
Le tarif est assez élevé pour le pays (environ 16 €) et comme un peu partout à Sri Lanka, il y a un prix pour les locaux et un prix pour les touristes. En plus, les cornacs, vous demandent avec insistance un pourboire pour se faire photographier près des éléphants. On se croirait dans une sorte de zoo spécialisé où on prend le touriste pour une vache à traire.
On peut approcher les éléphants de très près. Tout au moins les plus habitués aux visiteurs.
Reste que le spectacle est au rendez-vous, que ce soit dans le parc, lors du nourrissage au biberon des éléphanteaux ou lors du bain biquotidien dont l’accès se fait par une rue bordée d’échoppes de souvenirs.
Les éléphants affectionnent particulièrement les bains : bains d’eau, de boue et de poussière.
Lors de notre passage, deux éléphants adultes étaient entravés de lourdes chaînes et attachés à des poteaux : c’est la seule façon pour les vétérinaires de pouvoir traiter les blessures parfois graves dont ils souffrent. Piégés par les agriculteurs dont ils ravagent les récoltes (les autorités estiment qu’environ 200 éléphants sont tués chaque année, principalement par des fermiers), braconnés pour leur ivoire et leur chair, ou pour voler les bébés, les éléphants sauvages paient un lourd tribut. D’autant que la nouvelle lubie de quelques riches Sri-lankais est de posséder un éléphanteau comme animal de compagnie et de prestige ! Or, les braconniers ne peuvent enlever le bébé sans affronter la mère, ce qui se termine généralement par la mort de celle-ci, car elle défend son petit jusqu’au bout. Bien qu’à Sri Lanka, l’éléphant soit vénéré par la population majoritairement bouddhiste et où tuer un éléphant est passible de la peine de mort, il y a étrangement très peu de poursuites judiciaires…
Ce jeune éléphant, enduit de terre ocre, s’est approché doucement de moi et m’a regardée dans les yeux. Sans ciller, sans peur aucune.
Jusqu’à récemment, des éléphants venant de l’orphelinat de Pinnawala étaient donnés aux temples bouddhistes pour les parades lors des cérémonies religieuses. Mais ce principe a été remis en cause par des ONG qui plaident pour que les éléphanteaux ne soient plus séparés de leur famille. D’autant que de plus en plus de touristes et des associations s’indignent des mauvais traitements dont sont victimes les éléphants qui, lors de ces fêtes, parcourent plusieurs kilomètres lourdement chargés et sont parfois blessés par des mahouts peu respectueux de leur bien-être.
Heureusement, quelques améliorations se dessinent pour protéger ces animaux. Des clôtures électriques sont installées autour de certaines zones pour protéger les rizières. Le comble : il est plus efficace d’enfermer les villageois que de parquer les troupeaux d’éléphants ! Et depuis fin 2016, les propriétaires ne sont plus autorisés à utiliser des éléphants pour travailler en-dessous de l’âge de dix ans. Quant à ceux de moins de cinq ans, ils ne peuvent plus être utilisés dans des défilés.
Pour les éléphants sauvages, l’enjeu est de survivre dans un milieu de plus en plus hostile.
Là où ils trouvaient leur nourriture naturelle et leurs voies de migration, ils rencontrent à présent des champs et des villages du fait de l’accroissement démographique et de la déforestation. L’équation n’est pas simple ! D’autant que chaque année, une cinquantaine de personnes sont tuées à Sri Lanka par des éléphants.
En raison de la déforestation, il reste environ 6 000 éléphants sauvages aujourd’hui dans l’île contre 12 000 au siècle passé.
À Pinnawala, les éléphanteaux, dont plusieurs sont nés en captivité, et les bêtes qui ont été blessées ne seront jamais relâchés dans la nature. Pour les premiers, ils ne sauraient pas survivre et pour les seconds, un des guides nous a expliqué qu’un éléphant, qui a été piégé ou blessé, se souvient, même des années après, de la personne qui lui a fait du mal et il la tuera s’il la croise sur son chemin. Une mémoire d’éléphant ?
C’est l’heure de la douche ! Toujours très appréciée des éléphants.
http://nationalzoo.gov.lk/elephantorphanage/
Texte et Photos : Brigitte Postel
Bonjour,
J’ai découvert votre article après avoir visité le prétendu orphelinat de Pinnawela. Nous avons assisté à un bien triste spectacle, nous qui sommes habitués à voir des éléphants en liberté : accès à l’eau limité, promiscuité, entrave ment, éléphants donnés en spectacle à des foules de 200 touristes… Mais le pire dans toute cette mascarade, c’est que l’orphelinat veut faire croire que ce sont les meilleures conditions de vie que les éléphants puissent avoir. Je déplore que votre article fasse l’apologie de ce genre d’attraction en prenant ouvertement parti pour le plaisir des yeux du voyageur, oubliant la notion de bien-être animal et d’éco-responsabilité. Vous soulignez fort justement que les voies migratoires des éléphants sont détruites au profit de l’urbanisation et de l’agriculture intensive : la meilleure solution ne serait-elle pas de préserver les voies principales de migration au lieu de parquer les éléphants dans des foires à touriste ? Quant aux « améliorations » pour protéger ces animaux, je tombe des nues… mais après tout, cela doit sembler normal à la plupart des gens d’utiliser un animal sauvage comme bête de somme ou de le donner en spectacle. Enfin, à propos de braconnage : le Sri Lanka protège t-il vraiment les éléphants, ou incite t-il le commerce d’ivoire en arborant des défenses de plusieurs mètres dans les grands temples en signe de richesse ? Ceci dit, j’ai hâte de connaître votre argumentaire…
Merci de vos remarques qui permettent d’attirer l’attention sur les difficultés de ces magnifiques animaux. Pinnawela est à la fois un orphelinat et ce que j’ai nommé un « zoo » pour montrer l’autre face que je déplore également. Il faut considérer que c’est avant tout un centre de traitement et de réadaptation, même si les animaux sont très rarement remis en liberté pour différentes raisons.
Je ne fais pas du tout l’apologie de ce centre; je décris une situation telle qu’elle est. On ne peut pas comparer des animaux qui vivent en liberté et d’autres qui ont été rassemblés dans un lieu conçu au départ pour les protéger. Effectivement, certains éléphants sont entravés, comme lors de mon dernier passage. Deux étaient blessés et les autres dangereux pour l’homme, car un éléphant qui a été piégé par les hommes peut charger. Par contre, je n’ai pas constaté de mauvais traitement et ils avaient à leur disposition des réservoirs d’eau en dehors des baignades en rivière qui ont lieu au moins deux fois par jour.
Les choix du gouvernement sri lankais ne sont pas de mon ressort. La plupart des voies migratoires des éléphants sont situées dans des parcs nationaux, mais avec le développement de l’urbanisation et de la déforestation, leur habitat se restreint. En outre, ils viennent dans les champs des paysans pour chercher de la nourriture, ce qui n’est pas sans poser des problèmes pour une population qui est très pauvre. La concurrence fait des morts des deux côtés.
Reste que pour avoir discuté avec des vétérinaires, ces animaux ne peuvent être remis en liberté sans danger pour les populations et pour eux-mêmes. Quant aux améliorations dont je parle, il s’agit des clôtures pour empêcher les animaux de saccager les villages et les récoltes. Et de lois qui commencent à être promulguées pour mieux les protéger. Mais rien ne remplace l’observation de ces animaux dans leur habitat naturel.